Les Etats-Unis ouvrent leur ambassade à Jérusalem, inauguration à haut risque

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Par Jean-Luc RENAUDIE - Jérusalem (AFP)
Publié le 13 mai 2018 - 14:52
Mis à jour le 14 mai 2018 - 12:30
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La Veille ville à Jérusalem, le 15 février 2004
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© YOAV LEMMER / AFP/Archives
Ambiance festive à Jérusalem à l'occasion de l'anniversaire de la prise de Jérusalem-Est par l'armée israélienne en 1967, la "réunification" de la ville pour les Israéliens, le 13
© YOAV LEMMER / AFP/Archives

Les Etats-Unis inaugurent lundi à Jérusalem leur ambassade en Israël, réalisant la promesse controversée du président Donald Trump au risque d'enflammer les passions des Palestiniens qui pourraient protester massivement dans les Territoires, surtout à Gaza.

Ivanka Trump et Jared Kushner, fille et gendre et conseillers du président américain, prendront part avec des centaines de dignitaires des deux pays à la cérémonie prévue à partir de 16H00 (13H00 GMT) et largement perçue comme défiant la réprobation de la communauté internationale dans une période de grande inquiétude pour la stabilité régionale.

Au même moment, à quelques dizaines de kilomètres de là, des milliers de Palestiniens de la bande de Gaza sous blocus pourraient marcher en direction de la frontière israélienne avec, pour certains, l'intention proclamée de tenter de forcer au péril de leur vie la barrière de sécurité.

L'armée israélienne a pratiquement doublé ses effectifs combattants autour de l'enclave et en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël où sont annoncés des rassemblements, de moindre ampleur a priori. Un millier de policiers israéliens sont mobilisés à Jérusalem pour sécuriser l'ambassade et ses alentours dans le quartier périphérique et verdoyant d'Arnona.

Concrétisant un engagement de campagne, le transfert de l'ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem constitue une rupture de plus avec, en l'occurrence, des décennies de diplomatie américaine et de consensus international. Le statut de Jérusalem est l'une des questions les plus épineuses de l'insoluble conflit israélo-palestinien.

- Jérusalem "retirée de la table" -

La décision américaine comble les Israéliens comme la reconnaissance d'une réalité historique de 3.000 ans pour le peuple juif. Elle coïncide avec le 70e anniversaire de la création de l'Etat d'Israël, en pleine effusion nationale et ferveur pro-américaine.

"Jérusalem restera la capitale d'Israël quel que soit l'accord de paix que vous imaginiez", a affirmé dimanche le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d'une réception devant Ivanka Trump et Jared Kushner.

Mais l'initiative unilatérale américaine ulcère les Palestiniens pour lesquels elle représente le summum du parti pris outrancièrement pro-israélien affiché par M. Trump depuis son intronisation en 2017. Ils y voient la négation de leurs revendications sur Jérusalem.

Israël s'est emparé de Jérusalem-Est en 1967 et l'a annexée. Tout Jérusalem est sa capitale "éternelle" et "indivisible", dit-il. Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.

La sensibilité du sujet est exacerbée par la religion. Jérusalem est sainte pour musulmans, juifs et chrétiens.

M. Trump a fait voeu de présider entre Israéliens et Palestiniens à l'accord diplomatique "ultime". En annonçant le 6 décembre reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, il a voulu favoriser la recherche d'une paix élusive en "retirant Jérusalem de la table", dit-il.

Pour la communauté internationale, Jérusalem-Est reste territoire occupé et les ambassades ne doivent pas s'installer dans la ville tant que le statut n'en a pas été réglé par la négociation entre les deux parties.

Le chef d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a appelé dimanche au jihad contre les Etats-Unis affirmant que la décision de Washington était la preuve que les négociations et "l'apaisement" n'ont pas servi aux Palestiniens.

- "Friend of Zion" -

Des 193 pays composant l'Assemblée générale de l'ONU, 128 ont condamné la décision américaine, dont des alliés des Etats-Unis comme la France et le Royaume-Uni. Le vote a provoqué la fureur de Washington et les menaces de rétorsion de son ambassadrice à l'ONU, Nikki Haley.

Le tollé soulevé par l'initiative unilatérale américaine semble être retombé. Jérusalem est pavoisée de drapeaux israéliens et américains et d'affiches proclamant "Trump Make Israel Great Again" ou "Trump is a Friend of Zion".

Mais l'inauguration de l'ambassade, provisoirement installée dans les locaux de ce qui était le consulat américain en attendant la construction d'une nouvelle représentation, a lieu dans une période éminemment sensible.

Les Palestiniens perçoivent comme une "provocation" la date choisie, précédant de 24 heures les commémorations de la "Nakba", la "catastrophe" qu'a constitué la création d'Israël pour des centaines de milliers d'entre eux chassés ou ayant fui de chez eux en 1948.

Gaza est depuis le 30 mars le théâtre d'une "marche du retour" qui voit des milliers de Palestiniens se rassembler le long de la frontière et qui met l'armée israélienne sur les dents.

Depuis le 30 mars, 54 Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne. Israël accuse le mouvement islamiste Hamas, qui dirige le territoire et auquel il a livré trois guerres, d'instrumentaliser les protestataires et de chercher à l'attaquer sous couvert de manifestations faussement pacifiques.

L'armée israélienne dit ne tirer à balles réelles qu'en dernier recours.

Le transfert de l'ambassade américaine n'a pas pour l'instant provoqué l'effet d'entraînement espéré par Israël. Seuls deux pays, le Guatemala et le Paraguay, se sont fermement engagés à déménager leur mission.

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