Assange refuse d'être extradé vers les Etats-Unis
Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a refusé d'être extradé vers les Etats-Unis, qui veulent le juger pour piratage informatique, lors de sa comparution jeudi devant le tribunal londonien de Westminster.
"Je ne veux pas me soumettre à une extradition pour un travail de journalisme qui a récolté de nombreuses récompenses et protégé beaucoup de gens", a déclaré l'Australien de 47 ans par vidéoconférence depuis la prison de Belmarsh où il est détenu depuis le 11 avril.
Les Etats-Unis l'accusent d'association de malfaiteurs en vue de commettre un "piratage informatique" pour avoir aidé l'ex-analyste du renseignement américain Chelsea Manning à obtenir un mot de passe pour accéder à des milliers de documents classés secret-défense en 2010.
Le représentant de la justice américaine, Ben Brandon, a confirmé jeudi qu'il risquait une peine maximale de cinq ans de prison.
Mais les soutiens de Julian Assange craignent que les charges ne soient alourdies, la justice britannique n'ayant pas encore reçu tous les documents concernant la demande américaine.
L'audience, la première d'une probable longue série avant que la justice britannique ne tranche, intervient au lendemain de la condamnation d'Assange à 50 semaines de prison par la cour de Southwark, à Londres, cette fois pour violation de sa liberté provisoire dans le cadre d'une enquête pour viol et agression sexuelle présumés de deux Suédoises en août 2010 - depuis classée.
- Nouvelle audience le 30 mai -
En 2012, Assange, affirmant craindre qu'une extradition vers le Suède n'aboutisse à son extradition vers les Etats-Unis, s'était réfugié à l'ambassade d'Equateur à Londres, où il a bénéficié de l'asile politique jusqu'à son arrestation le 11 avril par la police britannique, avec l'autorisation de Quito.
Dans une lettre lue par son avocat mercredi, il s'est excusé "auprès de ceux qui estiment que je leur ai manqué de respect" et a dit avoir fait "ce que je pensais être le mieux à l'époque".
Mais la juge Deborah Taylor a estimé qu'il avait "exploité (sa) position privilégiée pour faire fi de la loi".
Selon l'avocat spécialiste des extraditions Ben Keith, la bataille judiciaire qu'il a engagée a peu de chance de succès et pourrait durer entre 18 mois et deux ans.
La prochaine audience a été fixée au 30 mai.
Pour l'avocate de Julian Assange, Jennifer Robinson, son arrestation a créé "un dangereux précédent" pour "les journalistes" dans le monde.
L'Australien avait gagné le statut de champion de la liberté d'informer quand, en 2010, WikiLeaks avait publié plus de 700.000 documents sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment sur les opérations de la coalition internationale en Afghanistan et l'invasion américaine en Irak.
Mais des critiques ont vite émergé, des journaux d'envergure condamnant la méthode de la plateforme qui, en rendant publics des télégrammes du département d'Etat américain non expurgés, était susceptible de "mettre certaines sources en danger".
La plupart des révélations de WikiLeaks ont été faites au détriment des Etats-Unis, et souvent au bénéfice de la Russie.
Celle-ci est notamment soupçonnée d'être à l'origine de la fuite d'e-mails internes au Parti démocrate aux Etats-Unis, publiés par WikiLeaks à l'été 2016. Le site a également révélé des affaires d'espionnage d'alliés par les Etats-Unis.
- Chelsea Manning de retour en prison -
Chelsea Manning avait elle été condamnée à 35 ans de prison pour la masse de documents transmis à WikiLeaks. Une peine commuée en 2017 par l'ex-président américain Barack Obama.
Mais le 8 mars, elle a été renvoyée derrière les barreaux pour refus de témoigner devant un grand jury chargé d'enquêter sur WikiLeaks et son fondateur.
Au Royaume-Uni, l'affaire Assange divise. Le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, s'oppose à l'extradition, soulignant que Julian Assange a "exposé des preuves d'atrocités en Irak et en Afghanistan".
Mais pour le chef de la diplomatie Jeremy Hunt, Julian Assange n'est "pas un héros".
"Défendez la liberté d'expression", ont de leur côté réclamé des partisans de l'Australien rassemblés devant le tribunal, affirmant que "les gens civilisés n'extradent pas ceux qui révèlent des crimes de guerre à des régimes de guerre criminels".
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