L'Australie courtise les Sud-Africains blancs persécutés, Pretoria enrage

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Par Béatrice DEBUT - Johannesburg (AFP)
Publié le 15 mars 2018 - 18:09
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Des fermiers blancs sud-africains et des ouvriers agricoles s'entraînent au maniement des armes à Centurion en Afrique du Sud le 18 octobre 2017
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© MUJAHID SAFODIEN / AFP/Archives
Des fermiers blancs sud-africains et des ouvriers agricoles s'entraînent au maniement des armes à Centurion en Afrique du Sud le 18 octobre 2017
© MUJAHID SAFODIEN / AFP/Archives

L'Australie a provoqué la colère de l'Afrique du Sud en se disant prête à accueillir les fermiers blancs sud-africains, jugés "persécutés" dans un pays violent et divisé par un récent projet de réforme agraire visant à "corriger les inégalités" de l'apartheid.

Pour le gouvernement conservateur australien, les agriculteurs blancs sud-africains sont "confrontés à des conditions atroces" en raison des violences criminelles qui les visent et de la politique de redistribution des terres annoncée par Pretoria.

Un total de 74 fermiers, selon la police, ont été tués entre 2016 et 2017 en Afrique du Sud, pour la quasi-totalité des blancs selon l'organisation AfriForum, porte-parole de cette minorité.

Les fermiers blancs sud-africains "ont besoin d'aide de la part d'un pays civilisé comme le nôtre", a estimé dans un langage peu diplomatique le ministre australien de l'Intérieur Peter Dutton au Daily Telegraph mercredi.

Ces agriculteurs pourraient être éligibles à un visa dans la catégorie "persécution intérieure" ou "humanitaire", a-t-il avancé.

Une position qui tranche radicalement avec la politique extrêmement dure de l'Australie vis-à-vis des demandeurs d'asile notamment d'Irak, de Somalie ou d'Afghanistan, qui lui a valu les foudres d'organisations de défense des droits de l'Homme.

Le parti pris de Canberra a immédiatement provoqué l'ire du gouvernement de Pretoria et d'organisations de fermiers africains.

"Il n'y a aucune raison de penser (...) que des Sud-Africains se retrouvent en danger à cause de leur gouvernement", a assuré la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Lindiwe Sisulu. "Cette menace n'existe tout simplement pas".

"Nous restons une nation unifiée, à la fois noire et blanche", a renchéri le porte-parole du gouvernement, Ndivhuwo Mabaya.

La très délicate question agraire en Afrique du Sud déchaîne les passions, alors que l'écrasante majorité des fermes (72%) appartient toujours à la minorité blanche (8%) près d'un quart de siècle après la chute officielle du régime raciste.

- "Citoyens de seconde zone" -

"C'est un sujet chargé d'émotions", a reconnu à l'AFP Neo Masithela, président de l'Association des fermiers africains (Afasa).

La position "très offensante" de Canberra contribue encore plus à "diviser" l'Afrique du Sud, a-t-il regretté, alors que les tensions raciales empoisonnent toujours la "nation arc-en-ciel".

Pour "corriger les inégalités" héritées de l'apartheid, le nouveau président Cyril Ramaphosa s'est engagé à "accélérer" la redistribution des terres, sous la pression de son parti du Congrès national africain (ANC) et de l'opposition de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF).

Il y a urgence, sinon "ce problème va nous exploser entre les mains", a prévenu mercredi le chef de l’État.

La méthode reste à définir, mais M. Ramaphosa prévoit notamment "l'expropriation de terres sans compensation", à condition, insiste-t-il, de ne pas "déstabiliser l'économie".

"Le temps de la réconciliation est fini", a lancé récemment le bouillant chef des EFF, Julius Malema, qui appelle régulièrement à envahir des terres.

Dans la minorité blanche, on s'inquiète. Au point que le président Ramaphosa a appelé à la raison.

Avant l'avènement de la démocratie en 1994, "de nombreuses personnes étaient tellement anxieuses qu'elles ont commencé à faire des provisions. Nous disons que ce n'est pas le moment", a-t-il affirmé mercredi, assurant que les terres ne seraient pas saisies illégalement.

- "Racisme anti-blanc" -

Nombre d'agriculteurs blancs ont à l'esprit le retentissant échec de la réforme agraire au Zimbabwe voisin, qui a plongé le pays dans une très grave crise économique.

Dans ce concert d'indignations provoqué par l'Australie, AfriForum a elle salué la main tendue par Canberra en direction des agriculteurs blancs, qu'elle accuse les autorité du pays de considérer comme des "citoyens de seconde zone".

L'ONG a espéré que la proposition australienne "serve d'avertissement" à l'Afrique du Sud.

Au cours des trois dernières décennies, près d'un demi-million de Sud-Africains blancs ont déjà quitté le pays, selon les statistiques officielles. Et l'Australie arrive en tête de leur destination.

Chez Compass Migration, société sud-africaine qui facilite les démarches des candidats au départ, on reconnaît recevoir au quotidien des demandes de fermiers blancs. Ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années.

"Certains ont été victimes d'attaques, ils sont inquiets pour leur avenir", explique à l'AFP son directeur Ryan van Niekerk, "on est dans une situation unique où il y a un racisme anti-blanc".

Au début du mois, Julius Malema avait expliqué vouloir faire tomber le maire de Port Elizabeth (sud-est) parce qu'il est "un homme blanc". "On coupe les têtes de la blancheur", avait-il lancé.

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