Le paradoxe du Paraguay, en croissance mais toujours pauvre

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Par Nina NEGRON - Asuncion (AFP)
Publié le 19 avril 2018 - 15:57
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Capture d'image de la télévision montrant un bidonville dans les environs d'Asuncion,le 17 avril 2018 au Paraguay
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© IVAN PISARENKO / AFP
Capture d'image de la télévision montrant un bidonville dans les environs d'Asuncion,le 17 avril 2018 au Paraguay
© IVAN PISARENKO / AFP

Chassée de ses terres par des exploitants de soja, Nilsa, indigène guarani de 20 ans, fait désormais la manche à Asuncion, capitale d'un Paraguay à la croissance économique insolente, mais au taux de pauvreté toujours préoccupant.

Alors que le pays de 6,8 millions d'habitants est appelé dimanche à élire son président et renouveler son Parlement, le contraste des chiffres est saisissant: l'économie du Paraguay croît depuis une décennie à un rythme annuel de 4% en moyenne, mais plus d'un quart de sa population (26,4%) était encore pauvre en 2017, selon l'institut national des statistiques.

Nilsa Vera Benitez en sait quelque chose. Depuis quatre mois, elle vit sur la place d'Armes d'Asuncion avec son mari et ses deux filles, de 3 et 6 ans. Comme elle, plusieurs centaines de familles campent sur cette esplanade proche du Parlement et du palais du gouvernement, faute de logement ailleurs.

"Je fais l'aumône au feu rouge avec mes enfants car je n'ai reçu aucune aide", témoigne la jeune femme, qui dit avoir été expulsée de ses terres à Laurel, dans le département d'Alto Parana (nord-est), par des agroindustriels du soja.

"Dans mon village, je faisais pousser du manioc, du maïs, des haricots, des patates douces. J'avais des poules, des canards et des cochons", raconte-t-elle, déterminée à rester sur la place d'Armes jusqu'à obtenir justice.

Nilsa, qui ne parle que guarani, n'a jamais fini l'école mais elle veut croire en un meilleur avenir pour ses enfants: "Quand nous rentrerons chez nous, j'espère que mes filles pourront étudier pour devenir quelqu'un demain".

- Manque de volonté politique -

Pour Magdalena Lopez, coordinatrice du groupe d'études sociales sur le Paraguay de l'université de Buenos Aires, "avec la croissance qu'a le Paraguay, la pauvreté pourrait baisser plus". Mais "il manque la volonté politique pour que, dans cette période de croissance économique, les inégalités se réduisent".

Ce qui fait grimper le PIB? L'agriculture, principalement le soja, qui requiert peu de main d'oeuvre et est quasiment exempté d'impôts, explique Gladys Benegas, directrice de l'Institut de recherches en compétitivité du Paraguay.

Mais les deux expertes soulignent les défaillances de l'économie, faiblement industrialisée et pénalisée par un taux d'emploi informel de près de 20%.

"Le pays n'a pas développé un système industriel pour dynamiser le marché du travail. Il n'y a pas de demande ferme, solide, de main d'oeuvre formalisée", indique Magdalena Lopez.

Et difficile de stimuler l'industrie locale quand les taxes douanières appliquées par le Paraguay sont si faibles qu'elles rendent plus faciles d'importer directement des biens manufacturés.

Dans ce pays à la très injuste répartition des terres, avec 10% des propriétaires possédant 92% des surfaces agricoles selon Mme Lopez, la réduction des inégalités n'a clairement pas été la priorité des différents gouvernements qui se sont succédé.

"Les programmes d'aide du gouvernement sont limités à un certain nombre de familles. Il n'y a rien de prévu pour les jeunes qui se retrouvent sans emploi et sans formation", critique Gladys Benegas.

Au final, "ce taux de plus de 25% de pauvreté qui persiste est composé du noyau dur: les femmes sans diplômes".

- L'élite au pouvoir -

Lors du scrutin de dimanche, le conservateur Mario Aldo Benitez, du parti Colorado, et le libéral Efrain Alegre, d'une coalition de centre gauche, se disputeront la présidence d'un pays dont le PIB bondira de 4,1% en 2018 puis 4,5% en 2019 selon le FMI, soit les taux les plus élevés de la région.

Mais Venancia Benitez, installée depuis 40 ans parmi les taudis au bord du canal aux eaux noires d'Asuncion, a peu d'espoir que sa situation change

"Les politiques viennent maintenant (en visite), car ils ont besoin (de voix), mais ils arrivent (au pouvoir), ils nous oublient", soupire-t-elle.

Magdalena Lopez rappelle que "beaucoup de membres de l'élite politique paraguayenne sont des porte-parole du capital, car ils sont aussi des éleveurs, des propriétaires de ranch ou des patrons d'entreprise très rentables dans le tabac, l'alimentaire ou le textile".

C'est exactement le profil du président sortant Horacio Cartes, grande fortune de l'industrie du tabac.

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