Le Venezuela confronté à un isolement croissant après la réélection de Maduro
Le Venezuela faisait face lundi à un isolement international croissant et à la menace d'une recrudescence de sa crise sociale et économique au lendemain de la réélection contestée du président socialiste Nicolas Maduro jusqu'en 2025.
Dénonçant une "farce", les Etats-Unis ont annoncé des "mesures économiques et diplomatiques rapides" contre Caracas, sans plus de précisions.
En revanche, le président russe Vladimir Poutine a félicité M. Maduro, lui souhaitant "une bonne santé et le succès dans la résolution des défis sociaux et économiques auxquels fait face le pays". Cuba a également applaudi la "large victoire" du dirigeant vénézuélien, l'assurant de son soutien.
Lors d'un scrutin critiqué par la communauté internationale et boycotté par l'opposition qui dénonçait une "supercherie", M. Maduro, 55 ans, a obtenu 68% des voix contre 21,2% à son principal adversaire Henri Falcon, 56 ans. Ce dernier a dénoncé un scrutin sans "légitimité" et réclamé une nouvelle élection avant la fin de l'année.
L'abstention de 52% est la plus élevée depuis les débuts de la démocratie dans le pays en 1958. A la dernière élection présidentielle en 2013, où Maduro s'était mesuré à l'opposition réunie autour d'Henrique Capriles, le taux de participation avait été de 79,69%.
M. Falcon a accusé le gouvernement d'avoir fait pression sur les électeurs, notamment avec les "points rouges", des tentes installées par le PSUV (au pouvoir) où les électeurs venaient s'inscrire après avoir voté dimanche dans l'espoir de recevoir une prime promise par le président. L'horaire tardif de fermeture des bureaux de vote a également été dénoncé.
L'autre adversaire de M. Maduro, le pasteur évangélique Javier Bertucci, 48 ans, crédité de 11% des suffrages, a également dénoncé l'élection et appelé à un nouveau vote.
- "On a encore gagné!" -
M. Maduro s'est réjoui, lui, d'un "record historique" dimanche assurant à ses sympathisants: "jamais auparavant un candidat présidentiel n'avait gagné avec 68% des voix du peuple, et jamais auparavant il n'avait 47 points d'avance sur le second candidat".
"On a encore gagné ! Nous avons encore triomphé ! Nous sommes la force de l'histoire transformée en une victoire populaire permanente", a ajouté le président qui doit débuter son nouveau mandat de six ans en janvier 2019 et a promis de travailler au redressement de l'économie.
Après les résultats, des concerts de casseroles résonnaient dans les quartiers de Caracas bastions de l'opposition.
Les résultats annoncés ont été rejetés par le Chili, le Panama, le Costa Rica tout comme par le Groupe de Lima, une alliance de pays d'Amérique et des Caraïbes qui comprend l'Argentine, le Brésil, le Canada, la Colombie et le Mexique.
Les 14 pays du Groupe de Lima ont annoncé lundi le rappel de leurs ambassadeurs du Venezuela au lendemain de ce scrutin dont "ils ne reconnaissent pas la légitimité".
Le regroupement de pays a l'intention de "coordonner des actions pour que les organismes financiers internationaux et régionaux n'octroient plus de prêts au gouvernement du Venezuela".
Le scrutin n'a pas respecté "les normes démocratiques minimales", a estimé le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. Madrid va étudier avec l'UE des "mesures opportunes" et "continuer de "travailler pour soulager les souffrances des Vénézuéliens".
Les Etats-Unis, le Canada et l'Union européenne avaient dénoncé par avance ce scrutin.
La quasi totalité des responsables gouvernementaux, y compris M. Maduro, sont visés par des sanctions de l'UE ou de Washington.
Les Etats-Unis, qui achètent un tiers du brut vénézuélien, ont menacé d'un embargo pétrolier et interdisent à leurs citoyens toute transaction sur la dette vénézuélienne. En novembre 2017, le Venezuela et sa compagnie pétrolière nationale PDVSA ont été déclarés en défaut partiel par plusieurs agences de notation.
- Crise aigüe -
Touché par l'effondrement des cours du brut depuis 2014, le Venezuela, qui tire 96% de ses revenus du pétrole, souffre d'un manque de devises qui l'a plongé dans une crise aiguë. En cinq ans le PIB a fondu de 45% selon le FMI, qui anticipe une contraction de 15% en 2018 et une inflation de 13.800%. La production de pétrole est au plus bas depuis 30 ans.
Les Vénézuéliens souffrent de pénuries de nourriture, de médicaments ou d'électricité conjuguées à la hausse de l'insécurité. Un salaire minimum mensuel permet à peine d'acheter un kilo de lait en poudre. Des centaines de milliers de personnes ont préféré quitter le pays.
M. Maduro, qui s'appuie sur la Chine et la Russie, soutient que cette situation est la conséquence d'une "guerre économique" livrée par la droite et les Etats-Unis pour le renverser.
L'opposition vénézuélienne de son côté accuse le chef de l'Etat de saper la démocratie. Quatre mois de manifestations quasi quotidiennes de l'opposition qui ont fait 125 morts à la mi-2017 ont été balayés avec la mise en place d'une assemblée constituante, toute puissante arme politique au service du camp au pouvoir.
"Un nouveau gouvernement, considéré comme illégitime, n'aura pas de capacité de manoeuvre qu'il s'agisse de financements internationaux ou de diplomatie", avertit Andrés Cañizalez, un spécialiste en communication politique.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.