L'Irak propose de juger les étrangers de l'EI pour deux milliards de dollars

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Par Maya GEBEILY - Bagdad (AFP)
Publié le 10 avril 2019 - 21:00
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L'Irak a proposé de juger l'ensemble des jihadistes étrangers retenus en Syrie contre de l'argent, une solution qui permettrait à leurs pays d'origine de résoudre l'épineuse question des retours mais soulève l'inquiétude des défenseurs des droits humains.

Jusqu'ici, indique un responsable gouvernemental irakien à l'AFP, aucun des pays membres de la coalition formée contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) n'a répondu à la proposition de Bagdad qui porte sur près d'un millier d'étrangers aux mains des Kurdes en Syrie.

Mais certains semblent déjà avoir fait le choix de s'en remettre à la justice irakienne. Cette dernière s'estime compétente sur l'ensemble des crimes commis sous le "califat" autoproclamé de l'EI, un temps à cheval sur un tiers de l'Irak et de grands pans de la Syrie voisine.

Bagdad s'apprête ainsi à juger prochainement 12 Français capturés en Syrie avant d'être transférés en Irak. Ils encourent la peine de mort, mais les trois Français déjà jugés à Bagdad ont été condamnés à la prison à perpétuité, qui équivaut en Irak à vingt ans de prison ferme.

- Précédent de Guantanamo -

La détention de ces étrangers a un coût, font aujourd'hui valoir les autorités irakiennes, dont les prisons sont déjà peuplées de milliers d'Irakiens arrêtés au cours de la campagne contre l'EI et de plusieurs centaines d'étrangers, pour beaucoup condamnés à mort ou à perpétuité.

Bagdad propose donc, indique à l'AFP un responsable gouvernemental sous le couvert de l'anonymat, de réceptionner les jihadistes étrangers actuellement en Syrie "en échange de deux milliards de dollars".

Et, une fois jugés, Bagdad se réserve le droit de réclamer "plus d'argent pour couvrir les frais engendrés par leur détention", ajoute-t-il.

"Les coûts opérationnels" avoisinent les deux milliards de dollars, si l'on se base sur le précédent de la prison américaine de Guantanamo, explique à l'AFP un autre responsable, également sous le couvert de l'anonymat.

Les pays d'origine de ces jihadistes présumés "ont un problème, nous avons une solution", ajoute-t-il, alors que de très rares pays ont rapatrié des jihadistes présumés pour les juger tant la question de leur retour est sensible pour les opinions publiques.

Paris, par exemple, n'a pas jusqu'ici mis en oeuvre le plan très détaillé de rapatriement des jihadistes français de Syrie et de leurs familles, révélé par la presse et que le gouvernement a présenté comme une "hypothèse" de travail.

Selon l'un des responsables gouvernementaux qui a donné à l'AFP des détails sur la proposition de Bagdad à condition de protéger son anonymat, "52 pays" en tout sont concernés. Il était plus simple de s'adresser à la coalition plutôt qu'à chacune des capitales, fait-il valoir.

La coalition n'a, elle, pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

De ces négociations pourrait naître un "tribunal spécial", ajoute l'un des responsables, alors que les Kurdes syriens ont déjà appelé à créer une cour internationale spéciale et que l'ONU enquête sur les atrocités commises par l'EI, possiblement un "génocide", crime le plus grave du droit international.

- "Risque de torture" -

Cette option se heurte toutefois à la question de la peine de mort, refusée par les pays de l'Union européenne, dont des dizaines de ressortissants sont actuellement détenus par les Kurdes de Syrie, pointe du doigt l'un des responsables irakiens.

Au-delà de la sévérité des verdicts, des procès en Irak ne donnent "aucune garantie pour des procès équitables" et présentent "de vrais risques de torture", affirme de son côté Belkis Wille, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Si les pays d'origine décident toutefois de s'en remettre aux tribunaux à Bagdad, "ils devraient beaucoup plus s'impliquer pour faire progresser le système judiciaire irakien", plaide cette militante auprès de l'AFP.

Mieux, dit-elle encore, "les pays qui ont un système judiciaire et des techniques d'investigation efficaces devraient rapatrier leurs ressortissants et les interroger".

L'Allemagne, par exemple, a ouvert mardi le premier procès pour "crime de guerre" et "meurtre" d'une de ses ressortissantes ayant rejoint l'EI en Irak, pour avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie, avance Mme Wille.

"C'est un exemple parfait de la façon dont il faut et dont on peut traiter ceux qui ont été impliqués dans de graves crimes", assure-t-elle.

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