Procès du Hirak : les accusés rejettent toute intention séparatiste
"Notre slogan, c'est +vive la patrie+!": les militants du mouvement de contestation du Hirak, interrogés vendredi pour la première fois depuis le début de leur procès-fleuve à Casablanca, se sont ardemment défendus de toute intention séparatiste.
La parole n'avait pas été donnée à ces militants depuis la mi-septembre. Ils sont jugés pour différents motifs liés à la contestation sociale ayant agité pendant des mois la région historiquement frondeuse du Rif, dans le nord du pays.
Ils sont 54 à être poursuivis par la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca, mais c'est le nom de Nasser Zefzafi, meneur du mouvement, qui a été le plus souvent cité, même si son témoignage n'est pas prévu ce jour.
La salle est comble. De nombreux journalistes et les proches des prévenus ont fait le déplacement.
Mounaim Asertihou, propriétaire d'un café, est le premier appelé à la barre. Comme beaucoup, il est notamment jugé pour "incitation à participer à une manifestation non déclarée", mais les questions du président de la cour portent surtout sur des soupçons de séparatisme et sur ses liens avec Nasser Zefzafi.
Sur un grand écran installé pour l'occasion dans la salle d'audience, le magistrat projette une photo qui montre le prévenu aux côtés du leader du mouvement, héraut de la colère populaire avec ses diatribes enflammées contre l'Etat "corrompu" ou "l'arbitraire du makhzen" (pouvoir).
"Quels liens entreteniez-vous avec Zefzafi?", lui demande le président de la cour. "Aucun", répond le jeune homme. "C'est juste une photo, tout le monde connaît tout le monde à Al-Hoceima", en référence à la ville d'origine de Zefzafi devenue l'épicentre de la contestation.
Les avocats de la défense protestent: pour eux, les questions du président n'ont "rien à voir" avec les poursuites.
Mais le magistrat rejette ces objections et fait défiler d'autres images sur son vidéoprojecteur. Il s'arrête sur l'une d'elles montrant un portrait de Zefzafi accroché sur l'un des murs du café de Mounaim. "C'est un serveur qui l'a mis quand j'étais en voyage à Nador. Je l'ai enlevé dès mon retour", se justifie-t-il, provoquant quelques rires dans la salle.
- 'Fier du drapeau' -
Zakaria Kaddouri, T. shirt noir et crête iroquoise s'avance à son tour: il faisait partie des "gardes du corps" de Nasser Zefzafi, comme d'autres jeunes de la région qui assuraient la sécurité du meneur. "Nasser recevait à l'époque des menaces sur son téléphone. Nous avons grandi dans le même quartier et il me faisait confiance, c'est pour cela que j'assurais sa défense", explique-t-il.
Nasser Zefzafi est devenu le visage de la contestation, son nom est désormais célèbre au Maroc. Arrêté en mai pour avoir interrompu le prêche d'un imam ouvertement hostile au Hirak, de lourdes accusations pèsent sur lui, comme celle d'"atteinte à la sécurité de l'Etat" --théoriquement passible de la peine de mort.
"Pourquoi n'y avait-il pas de drapeau marocain durant vos manifestations?", demande le magistrat. "Je n'en n'avais pas chez moi, il aurait fallu en acheter", répond naïvement Zakaria Kaddouri. "Je suis fier du drapeau marocain", assure plus tard un autre prévenu, Rachid Moussaoui, jugé notamment pour "incitation à porter atteinte à l'unité territoriale du royaume".
A la suspension de séance, dans le box, Nasser Zefzafi et ses compagnons entonnent le point levé: "Je jure de ne jamais trahir ma cause (...) vive le Rif, vive la patrie" (...) "Notre slogan, c'est +vive la patrie+!". Comme pour dissiper une nouvelle fois les soupçons de séparatisme.
Les familles des prévenus s'approchent du box pour les saluer et font le signe de la victoire.
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