Scandale Oxfam : l'ONG visée par de nouvelles accusations de viol au Soudan du Sud

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Par Antoine POLLEZ - Londres (AFP)
Publié le 13 février 2018 - 16:23
Mis à jour le 14 février 2018 - 09:04
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Distribution d'aide humanitaire par l'ONG Oxfam à Padding, au Soudan du Sud, en juillet 2017
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© Albert Gonzalez Farran / AFP/Archives
Distribution d'aide humanitaire par l'ONG Oxfam à Padding, au Soudan du Sud, en juillet 2017
© Albert Gonzalez Farran / AFP/Archives

Après Haïti et le Tchad, le scandale entourant l'ONG Oxfam s'est étendu avec de nouvelles accusations, de viol contre certains de ses employés au Soudan du Sud ou d'abus sexuels au Liberia, mettant en cause le fonctionnement de ce type d'organisation.

Helen Evans, directrice de la prévention interne à Oxfam entre 2012 et 2015, a dénoncé sur Channel 4 l'existence d'une "culture d'abus sexuels au sein de certains bureaux", faisant état de viols ou tentatives de viols au Soudan du Sud ou d'agressions sur des mineurs bénévoles dans des magasins de l'ONG au Royaume-Uni.

Ces nouvelles accusations ont surgi après des révélations sur le recours à des prostituées et de potentiels abus sexuels par certains agents d'Oxfam au Tchad et en Haïti, où le président Jovenel Moïse a dénoncé mardi une "violation extrêmement grave de la dignité humaine". Des représentants de l'ONG y sont convoqués jeudi par le ministère haïtien de la Planification et de la Coopération externe pour fournir des explications.

Autre coup dur pour l'ONG, l'arrestation mardi au Guatemala du président d'Oxfam International, l'ancien ministre des Finances Juan Alberto Knight, cette fois dans le cadre d'un scandale de corruption, sans lien avec les affaires en cours.

- Démission d'une 'ambassadrice' -

Mardi soir, l'actrice et chanteuse britannique Minnie Driver, nommée au Oscars, a annoncé sa démission de son rôle d'"ambassadrice" d'Oxfam, première célébrité à claquer la porte.

Elle s'est déclarée "anéantie" en pensant "aux femmes utilisées par les gens envoyés pour les aider", et quittant "une organisation pour laquelle j'ai milité depuis l'âge de neuf ans".

Le Times, qui a révélé l'affaire, a rapporté mardi une plainte pour abus sexuel contre Roland van Hauwermeiren quand il était en poste au Liberia en 2004. Ce cadre belge d'Oxfam, qui a démissionné, était déjà mis en cause dans le scandale d'Haïti où il était directeur.

Selon une enquête interne de l'organisation menée auprès de 120 personnes dans trois pays entre 2013 et 2014, entre 11 et 14% des personnels déployés avaient été victimes ou témoins d'agressions sexuelles. Au Soudan du Sud, quatre personnes avaient été victimes de viols ou tentatives de viols.

"Cela concerne des agissements de salariés sur d'autres salariés. Nous n'avons pas réalisé d'enquête sur les bénéficiaires de nos programmes d'aide. Mais j'étais extrêmement inquiète de ces résultats", a raconté Heln Evans.

Dans un autre cas, une agression d'un mineur par un adulte commise dans un magasin a donné lieu à des poursuites, a-t-elle révélé. Selon Channel 4, cinq cas de "comportements inappropriés" par des adultes sur des mineurs ont été relevés par Oxfam en 2012-2013, et sept l'année suivante.

Une réunion prévue pour soulever ces sujets avait finalement été annulée, le directeur général Mark Goldring estimant qu'il n'y avait "rien à ajouter" au rapport de Mme Evans.

Interrogé par la chaîne, M. Goldring s'est excusé pour n'avoir "pas agi assez rapidement" tout en assurant avoir pris la question "au sérieux". "Nous avons répondu de différentes manières: par la vérification des faits, par la formation, par le développement d'une ligne d'assistance téléphonique", a-t-il affirmé.

La directrice générale adjointe d'Oxfam, Penny Lawrence, a démissionné lundi mais le numéro un Mark Goldring a exclu de quitter ses fonctions, sauf si le conseil d'administration lui en faisait la demande.

- Cadre propice aux abus -

A la suite de ces accusations, la secrétaire d'Etat britannique au développement international, Penny Mordaunt, a écrit à toutes les ONG pour leur demander de renforcer leurs procédures de contrôle.

Pour Mike Jennings, directeur des études sur le développement à l'Ecole des Etudes Orientales et Africaines de Londres, les situations d'urgence constituent un environnement propice aux abus. "Vous avez des personnes extrêmement vulnérables, qui ont tout perdu bien souvent, et d'autres qui ont accès à beaucoup de ressources, ce qui leur donne du pouvoir", explique-t-il à l'AFP.

Il estime que les ONG doivent concilier deux objectifs contradictoires, entre la nécessité de mettre en place de procédures internes de contrôle, et les attentes des donneurs.

"Beaucoup de gens disent qu'elles dépensent trop d'argent pour l'administration, et pas assez sur le terrain", souligne-t-il. "Mais pour éviter ce type de comportement, vous devez mettre en place des contrôles. Et ça coûte de l'argent".

- 'Pratique courante' -

A Londres, des habitués des magasins Oxfam ne semblaient pas tenir rigueur à l'ONG. "C'est comme une branche d'une chaîne de magasins, ce n'est pas le tout", estime Richard.

Pourtant, les abus sexuels sont "une pratique courante" dans le milieu humanitaire, a dénoncé sur la BBC Megan Nobert, une jeune femme qui avait été droguée et violée par un confrère lorsqu'elle travaillait pour un programme de l'ONU au Soudan du Sud en 2015.

Elle a mis en place une organisation, Report The Abuse, pour rapporter et documenter ces faits, et dit avoir été dépassée par les sollicitations.

"Le communauté humanitaire n'est que la dernière sur la liste", estime-t-elle, dans la lignée du scandale Weinstein ou de la campagne #MeToo. "Elle doit maintenant se pencher publiquement sur un problème qu'elle voulait résoudre discrètement".

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