Slovaquie : le meurtre du journaliste anticorruption divise l'exécutif
Le président slovaque Andrej Kiska a appelé dimanche à un remaniement en profondeur du gouvernement ou des élections anticipées après le meurtre du journaliste anticorruption Jan Kuciak, une proposition aussitôt rejetée par le chef du gouvernement Robert Fico.
Dans une allocution télévisée, le président a suggéré deux solutions à la "crise de confiance" dans laquelle l'affaire du meurtre du journaliste, qui enquêtait sur des affaires de corruption présumée impliquant responsables politiques et mafia italienne, a plongé le pays: "un remaniement en profondeur du gouvernement (...) ou des élections anticipées".
"J'ai attendu une semaine pour voir quelles mesures et décisions politiques le gouvernement allait prendre pour essayer d'apaiser les tensions et rétablir la confiance", a expliqué M. Kiska. "Aucune solution n'est évoquée. Certains ont démissionné, mais je ne vois aucun plan pour sortir le pays de la crise de la confiance", a-t-il déploré.
L'assassinat de Jan Kuciak et de sa fiancée, tous deux âgés de 27 ans et tués par balles à leur domicile, a provoqué un choc dans le pays et relancé le débat sur la liberté de la presse et la corruption, tant en Slovaquie qu'en Europe.
Le Premier ministre, un homme de gauche aux tendances populistes, a opposé une fin de non-recevoir au président: "S'il doit y avoir un changement de gouvernement, cela sera le résultat d'un accord au sein de la coalition et, dans ce processus, la Constitution de la République slovaque ne prévoit aucun rôle pour le président".
- Manifestations anticorruption -
Il a aussi accusé Andrej Kiska, qui l'avait battu à la présidentielle de 2014 avec un programme fondé justement sur la lutte contre la corruption, de "se ranger du côté de l'opposition", alors que Jan Kuciak avait enquêté sur de possibles liens entre le monde des affaires et le parti SMER-SD de M. Fico.
Jan Kuciak était aussi sur le point de publier un article sur les liens présumés entre des hommes politiques slovaques et des hommes d'affaires italiens soupçonnés d'être liés à la mafia calabraise, la 'Ndrangheta.
Deux proches collaborateurs du Premier ministre ont quitté leur poste après la publication posthume de l'article de M. Kuciak: sa conseillère Maria Troskova et le responsable du conseil de Sécurité nationale Viliam Jasan, tout en niant leur implication dans l'affaire. Le ministre de la Culture a quant à lui démissionné en signe de protestation contre le meurtre.
Des procureurs italiens n'ont pas exclu que la 'Ndrangheta puisse être derrière ce meurtre, mais la police slovaque a libéré samedi sept Italiens interpellés deux jours plus tôt dans l'est du pays.
Des milliers de personnes, dont 25.000 à Bratislava, ont participé vendredi soir à des manifestations anticorruption, organisées en Slovaquie et à l'étranger.
Les manifestations ont fait écho à une vague de rassemblements l'an dernier appelant à la démission de hauts fonctionnaires, critiqués alors pour leur lenteur à combattre la corruption.
Le meurtre de Jan Kuciak intervient quelques mois après l'assassinat à Malte, en octobre 2017, de la journaliste Daphne Caruana Galizia, qui avait dénoncé la corruption sur cette petite île méditerranéenne.
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