Syrie : deux figures de la révolte et antijihadistes abattus à Idleb
Deux figures du soulèvement contre le régime syrien en 2011, également critiques des groupes jihadistes, ont été tuées vendredi dans la province d'Idleb, l'ultime grand bastion insurgé du pays, ont rapporté une ONG et une radio dans laquelle ils travaillaient.
"Les deux militants Raëd Fares et Hammoud al-Jneid ont été tués par balle par des inconnus à bord d'un van dans la ville de Kafranbel", dans le nord-ouest de la Syrie, a indiqué sur sa page Facebook "Radio Fresh", fondée en 2013 par M. Fares.
MM. Fares et Jneid, qui travaillaient pour Radio Fresh, ont été pris pour cible au moment de la prière musulmane hebdomadaire, a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Ils "étaient célèbres pour leurs positions critiques des violations menées par les insurgés, plus particulièrement les jihadistes", a indiqué à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
"Tous les deux ont été interpellés à plusieurs reprises par Hayat Tahrir al-Cham", nouveau nom du Front al-Nosra, l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda qui domine Idleb, a-t-il rappelé.
- "Démocratie, tolérance" -
M. Fares était également connu pour ses pancartes, écrites souvent avec humour, en anglais et en arabe, en soutien à la révolte contre le régime de Bachar al-Assad. Prenant aussi pour cible la passivité de la communauté internationale, ses pancartes étaient largement relayées sur les réseaux sociaux.
Agé de 46 ans, il était père de trois enfants, tandis que M. Jneid, âgé de 38 ans, avait cinq enfants, selon des membres de leur entourage contactés par l'AFP.
En janvier 2016, M. Fares avait été brièvement enlevé par des jihadistes du Front al-Nosra avec un collègue. Les locaux de sa radio avaient aussi été visés par des attentats.
En juin, regrettant la suspension de financements de Washington que recevait sa radio, M. Fares avait réitéré son engagement en faveur de la "démocratie" et de la "tolérance".
"En l'absence de voix pacifiques et démocratiques, les terroristes ont pu convaincre la jeunesse syrienne vulnérable que la violence et la destruction peuvent ouvrir la voix à la stabilité", écrivait-il ainsi dans un article d'opinion publié par le Washington Post.
"Les groupes de la société civile et les médias indépendants œuvrent sans relâche pour contrer ces messages. L'avenir démocratique de la Syrie dépend de notre succès", ajoutait-il.
La province d'Idleb accueille une multitude de formations rebelles et factions jihadistes qui se livrent à des luttes de pouvoir. Des assassinats ciblés et des attentats à la bombe secouent régulièrement la région.
- "La voix de Kafranbel" -
Vendredi, la consternation s'est emparée des amis et proches des deux hommes à l'annonce de leur mort. Parmi eux, Ali Dandouch a survécu à la fusillade. Ce collègue à la radio était à bord de la voiture qui les transportait au moment de l'embuscade.
"Trois hommes sont descendus d'un van et ont commencé à mitrailler la voiture. J'étais sur la banquette arrière (...) J'aurais préféré mourir avec eux (...) Ils étaient tout pour moi", a-t-il dit à un collaborateur de l'AFP à Kafranbel.
Pour le militant Bilal Bayouch, qui s'est rendu à l'hôpital juste après la fusillade, Raëd et Hammoud étaient "la voix de Kafranbel".
Des dizaines d'habitants se sont rassemblés dans un cimetière du village pour les funérailles. A l'aide de pelles, des hommes ont recouvert de terre les fosses creusées pour l'inhumation alors que d'autres pleuraient.
Dès les premières heures du soulèvement populaire en mars 2011 contre le régime de Bachar al-Assad, Kafranbel avait rapidement attiré l'attention des médias. Les manifestants de Kafranbel rivalisaient de créativité et d'humour, notamment à travers les pancartes brandies lors des rassemblements.
Déclenché en 2011 avec la répression de manifestations pacifiques par le régime, le conflit en Syrie s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de pays étrangers et de groupes jihadistes.
Il a fait plus de 360.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
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