Assistants d'eurodéputés FN : la facture judiciaire s'alourdit pour le parti de Marine Le Pen
Courriers embarrassants, aveux de l'intérieur et une facture réévaluée à 7 millions d'euros par le Parlement européen: l'affaire des assistants du FN constitue une embûche judiciaire de taille pour Marine Le Pen, en pleine rénovation du parti.
Fragilisée par une image dégradée depuis son débat présidentiel raté, Marine Le Pen doit aussi affronter les menaces judiciaires qui viennent compliquer son entreprise de refondation avec un nouveau nom - Rassemblement national - censé permettre de nouer d'éventuelles alliances.
Ces derniers mois, l'affaire des "assistants" a connu un tournant avec la mise en examen de Marine Le Pen puis du Front national, confronté, lui, au risque d'un procès dans l'affaire des kits de campagne de 2012. Ont suivi Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen, l'eurodéputée Marie-Christine Boutonnet et quatre assistants. Tous ont formé des recours.
Depuis 2015, la justice française enquête sur un éventuel "système" organisé pour rémunérer des permanents du FN avec des fonds européens réservés aux assistants parlementaires. Au total, dix-sept eurodéputés et une quarantaine d'assistants sont concernés.
L'institution qui estimait son préjudice à 5 millions de 2012 à 2017, chiffre désormais la facture à 7 millions d'euros, conséquence de l'élargissement de l'enquête à partir de 2009.
La justice soupçonne notamment la présidente frontiste d'avoir "donné des instructions" afin que des eurodéputés engagent comme assistants des personnes travaillant "en réalité" au FN, d'après l'enquête.
En garde à vue le 14 septembre, le trésorier du FN Wallerand de Saint Just a reconnu de possibles "erreurs" au regard d'une réglementation européenne "très rigide" mais a contesté "toute volonté de captation des fonds publics", selon cette audition révélée par Le Monde et dont a eu connaissance l'AFP.
Le travail de ces assistants n'était "nullement fictif", a soutenu aux juges Marine Le Pen, mise en examen le 30 juin pour "abus de confiance" et "complicité".
- "trop de monde" sur un contrat -
Entre témoignages et documents saisis en perquisition, les enquêteurs ont accumulé des indices qui contredisent cette défense. Il y a d'abord ces "économies importantes grâce au Parlement européen" évoquées dans une lettre du trésorier frontiste adressée à Marine Le Pen peu après le triomphe du FN aux Européennes en 2014.
En épluchant l'activité de plusieurs assistants, les enquêteurs ont constaté que certains étaient recensés quasi-quotidiennement par la badgeuse du parti, à Nanterre, et que leurs contacts étaient presque inexistants avec leur eurodéputé. Entre Louis Aliot et son assistant Laurent Salles, les enquêteurs ont retrouvé un seul SMS.
Viennent s'ajouter des témoignages embarrassants. Devenu assistant entre deux contrats de graphiste au FN, Charles Hourcade a reconnu devant le juge n'avoir effectué "aucune" tâche pour son eurodéputée Mme Boutonnet, ce qu'elle a confirmé.
Les enquêteurs disposent aussi du témoignage du personnage-clé du FN à Strasbourg et gestionnaire de ces contrats, le Belge Charles Van Houtte. Il a confirmé le 5 septembre que le garde du corps de Marine Le Pen, Thierry Légier, avait été employé comme son assistant au Parlement. "Son contrat d'assistant parlementaire était fictif", a-t-il indiqué aux policiers.
Sur le cas de Catherine Griset, cheffe de cabinet de Marine Le Pen au FN: "elle n'a pas exercé ses fonctions d'assistant accrédité à temps plein", a-t-il ajouté.
S'il a reconnu "un système de gestion collective" des contrats, il a dit ignorer "si la stratégie était d'avoir des emplois fictifs".
D'après l'enquête, cette gestion suggère que les assistants étaient affectés à tel ou tel député en fonction des budgets disponibles, selon des "vases communicants" décrits par Van Houtte. Ainsi cette assistante, qui "devrait passer sur Jean-Marie (Le Pen) ou Dominique Bilde, tu peux choisir", écrit-il dans un courriel du 10 février 2015 au cabinet d'expertise-comptable qui sert de tiers-payant pour verser les salaires du Parlement.
Le 27 septembre 2013, lorsqu'il évoque "un problème" sur l'enveloppe de Marine Le Pen, il suggère aussi "que certains (assistants) retournent sur les salaires du Front". "Il y a trop de monde sur son contrat", écrit-il.
Plusieurs proches de la présidente frontiste ont accusé l'ancien administrateur belge d'irrégularités dans la gestion du groupe Europe des Nations et des Libertés (ENL), auquel appartient le FN à Strasbourg. Il en a été écarté.
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