Macron et la difficile équation des "gilets jaunes"
L'irruption du mouvement des "gilets jaunes" place Emmanuel Macron devant une nouvelle équation compliquée: ne rien céder, au risque de braquer encore plus ses opposants. Ou bien lâcher du lest, quitte à casser son image de président engagé à tenir ses promesses.
Directement interpellé par les manifestants tout au long du week-end, le chef de l'Etat a déclaré lundi depuis Bruxelles qu'il leur répondrait "en temps voulu", arguant de son principe de ne pas s'exprimer sur l'actualité française depuis l'étranger.
Si le Premier ministre Edouard Philippe s'est exprimé dimanche soir sur France 2, c'est bien Emmanuel Macron qui est en première ligne et cristallise les colères.
Partout sur les barrages routiers dressés à travers la France, les "gilets jaunes" ont dit leur rejet d'un président jugé lointain et hautain. Dans les campagnes et jusqu'à quelques encablures de l'Elysée, les "Macron démission" ont fusé.
Face à ce mouvement sans leader connu ni organisateur désigné, mais soutenu par près de trois quarts des Français selon plusieurs sondages, l'exécutif, estime Frédéric Dabi de l'institut IFOP, "a une marge de manœuvre extrêmement réduite".
Elle se résume essentiellement pour l'instant à jouer la carte de l'empathie, encore abattue dimanche soir par Edouard Philippe assurant avoir entendu la "colère" et la "souffrance" des manifestants.
"J'entends la colère des gens qui disent: vous ne respectez pas assez mon pouvoir d'achat et vous ne m'entendez pas", avait anticipé Emmanuel Macron dès mercredi soir lors d'une interview à TF1 sur le porte-avions Charles de Gaulle.
Sur le fond, le pouvoir, déterminé à "tenir le cap", n'a rien lâché, une inflexibilité immédiatement critiquée par l'ensemble des oppositions. Les Républicains évoquent une "apogée du mépris". Ian Brossat, chef de file du PCF pour les Européennes, estime, lui, que M. Philippe "aurait pu dire +Je vous emmerde+, ç'aurait été moins long et ç'aurait voulu dire la même chose".
- "Colonne vertébrale" -
Pour Frédéric Dabi, le président Macron est devant une équation quasi impossible à résoudre. Ne pas lâcher du lest l'expose à une colère grandissante. Mais "donner trop de gages est extrêmement compliqué" aussi, car son crédit "réside dans sa capacité réformatrice et sa capacité à tenir bon, comme lors de la réforme de la SNCF ou des ordonnances sur le travail", analyse le directeur général adjoint de l'IFOP.
Elu en mai 2017 sur un programme de "transformation", Emmanuel Macron a vu sa cote de popularité baisser constamment depuis le début de l'année, jusqu'à s'effondrer. Dans les sondages, une partie des Français continuent cependant à lui reconnaître sa volonté à tenir ses promesses, voire un certain courage pour mener ces réformes jusqu'au bout.
"Vous voulez qu'on fasse comme avant, une annonce supplémentaire, un plan, un moratoire ? Non, vous diriez: ils sont comme les autres, ils n'ont pas de colonne vertébrale", a souligné lundi le ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, en dénonçant "les zig zag qui nous ont précipités dans le mur lors des quinquennats précédents".
Cet argument du refus de "faire comme avant" a également été brandi par Emmanuel Macron, décidé à se démarquer de son prédécesseur François Hollande, qui avait reculé devant une autre fronde populaire, celle des "bonnets rouges", en 2013.
"Beaucoup de mes prédécesseurs sur les dernières décennies, quand les choses ont commencé à être difficiles, ont changé de cap. Moi, je ne le ferai pas parce que c'est l'incohérence", a-t-il encore insisté mercredi.
Le député LREM Matthieu Orphelin, un proche de Nicolas Hulot, a plaidé lundi pour que le gouvernement aille "plus loin" dans "l'accompagnement des Français" face aux prix élevés de l'énergie. La présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), ces prochains jours, pourrait ainsi être l'occasion d'annoncer un geste.
Mais il est difficile d'imaginer que M. Macron recule face aux "gilets jaunes" sur le fond, d'autant que ses soutiens se trouvent d'abord parmi un électorat plus urbain et sensible à la cause écologiste.
"Il va moins répondre aux +gilets jaunes+ qu'il va tenter de convaincre l'ensemble des Français qu'il réussit sur le pouvoir d'achat. Or pour l'instant le compte n'y est pas", constate Frédéric Dabi.
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