Avant Donald Trump, la longue histoire des fake news

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Par Olivier THIBAULT - Paris (AFP)
Publié le 12 juillet 2018 - 13:46
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Le président amérciain Donald Trump parlant à la presse à la Maison Blanche, le 10 juillet 2018
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© SAUL LOEB / AFP/Archives
Le président amérciain Donald Trump parlant à la presse à la Maison Blanche, le 10 juillet 2018
© SAUL LOEB / AFP/Archives

Avec majuscules et point d'exclamation: "FAKE NEWS!" Donald Trump a popularisé l'expression, qu'il a utilisée dans plus de 200 tweets, pour signifier une information qu'il rejette vigoureusement et étiqueter des médias rebaptisés "Fake News Media".

A l'origine "fake news" désigne une "fausse nouvelle lancée en connaissance de cause dans le champ médiatique", selon le spécialiste français des rumeurs Pascal Froissart (Université de Paris VIII).

L'usage intensif du terme remonte aux élections américaines de novembre 2016. Mais bien avant l'avènement du 45e président des Etats-Unis et l'émergence des réseaux sociaux, les fake news existaient déjà, sous un autre vocable: anecdotes, canards, canulars ou désinformation.

- Anecdotes byzantines -

L'historien américain Robert Darnton (Havard) voit dans les "Anecdotes" du chroniqueur byzantin du 6e siècle, Procope de Césarée, les prémices des fake news.

Ces écrits secrets ("anecdota" signifie en grec "choses inédites"), découverts après la mort de celui qui avait rédigé l'histoire officielle de l'empereur Justinien, sont truffés d'"information douteuses" sur les coulisses scandaleuses et licencieuses de ce règne.

- Bobards pharaoniques -

Chercheur à l'Iris (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), François-Bernard Huyghe remonte, lui, au temps des pharaons pour trouver les premières traces écrites de falsification.

La "victoire" des troupes de Ramsès II sur les Hittites à la bataille de Qadesh vers 1274 avant JC, célébrée par des bas-reliefs et textes égyptiens était en fait une "demi-défaite". Le succès a surtout été "celui de la propagande, des sculpteurs et des scribes", explique-t-il.

- Libelles à moitié vrai -

Les libelles sont des textes courts, satiriques ou polémiques qui, au 18e siècle, mêlaient ouvertement le vrai et le faux. On peut les considérer "comme une forme ancienne de fake news", selon l'historien américain Robert Zaretsky (Université de Houston).

Un libelle de 1771 sur les "Anecdotes scandaleuses de la Cour de France" débute par cette mise en garde: "Je dois prévenir le Public que quelques-unes des nouvelles (...) sont tout au plus vraisemblables" et certaines d'une "fausseté évidente".

- Canards et canulars -

A la même époque, les "canards" sont des feuilles populaires vendues à la criée en France qui décrivent régulièrement des faits divers imaginaires, comme vers 1780 la capture d'un monstre chimérique au Chili. Le mot canard finit d'ailleurs par désigner une "fausse nouvelle".

Au 19e siècle, apparaissent dans la presse américaine les "hoax", des canulars destinés à faire vendre du papier. En 1874, le New York Herald décrit l'échappée sanglante d'animaux sauvages du zoo de Central Park. L'article se termine ainsi: "Bien sûr, la totalité de l'histoire donnée ci-dessus est pure invention".

- Contrefaçon de nouvelles -

Le terme "fake news" serait apparu aux Etats-Unis à la fin du 19e siècle. A l'époque, se développe une presse quotidienne basée sur "l'écriture du réel" qui s'oppose à l'écriture fantaisiste et approximative des canards, selon l'historienne française Anne-Claude Ambroise-Rendu (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines).

L'anglais "fake" signifie imitation ou contrefaçon. "Fake news" n'est pas à proprement parler "fausse nouvelle" mais plutôt "nouvelle contrefaite" par opposition aux nouvelles véritables données dans la presse sérieuse.

- Opération Infektion -

Née sous la guerre froide, la désinformation désigne la "propagation délibérée d'informations fausses pour influencer une opinion et affaiblir l'adversaire", en l'occurrence le camp occidental, selon François-Bernard Huyghe.

Cas emblématique, l'opération Infektion élaborée par le KGB a démarré par la publication en 1983 d'un article dans un journal indien et cherchait à faire croire que le virus du sida était une arme biologique fabriquée par des laboratoires militaires américains.

- Faux charnier, vrai emballement -

Fin 1989, le pouvoir de Nicolae Ceausescu vacille en Roumanie. Des images atroces de corps mutilés dans la ville de Timisoara bouleversent l'opinion. Les médias occidentaux s'emballent.

Les victimes supposées du régime communiste s'avèrent être des cadavres de malades et d'accidentés, morts avant la révolution. "L'affaire apparaît surtout comme une auto-intoxication médiatique", écrit François-Bernard Huyghe dans le livre "La Désinformation".

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