En Seine-Saint-Denis, une formation inédite pour répondre au racisme et à l'antisémitisme

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Par Tiphaine LE LIBOUX - Drancy (AFP)
Publié le 17 avril 2018 - 10:00
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Des enfants visitent le Mémorial de la Shoah à Paris, en 2010
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© FRED DUFOUR / AFP/Archives
Des enfants visitent le Mémorial de la Shoah à Paris, en 2010
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Que répondre aux enfants qui vous questionnent sur la laïcité, le racisme ou l'antisémitisme quand on est animateur de centre de loisirs ? Pour aider ces professionnels, parfois démunis, le Mémorial de la Shoah et le département de Seine-Saint-Denis lancent une formation inédite.

L'idée est née après les attentats jihadistes de 2015, explique Jacques Fredj, directeur du Mémorial : "on s'est dit qu'il fallait qu'on fasse plus". L'institution, qui forme chaque année des centaines d'enseignants, se tourne alors vers les animateurs. "On ne s'était jamais préoccupé de la partie extrascolaire, où les enfants passent pourtant beaucoup de temps", résume M. Fredj.

"Société démocratique", "liberté de conscience" ... dans une salle de l'antenne du Mémorial à Drancy, une enseignante développe références et grands principes. Devant elle, une vingtaine d'animateurs et directeurs de structures pour la jeunesse. Assis dans ce bâtiment situé près de l'ancien camp d'internement des juifs avant d'être déportés pendant la Seconde guerre mondiale, ils écoutent un cours sur l'histoire de la laïcité. Un peu technique, mais nécessaire.

Interdits alimentaires, religion... Face aux préjugés ou questionnements de certains jeunes dont la parole est plus libre qu'en classe, les animateurs ont en effet intérêt à avoir des arguments, explique Iannis Roder, formateur pour le Mémorial.

"La leçon de morale, ça ne marche pas. Il faut contextualiser, déconstruire, faire réfléchir", détaille celui qui est aussi professeur d'histoire dans un lycée de Saint-Denis. "Savoir comment répondre, comment démonter une argumentation, ce n'est pas spontané", ajoute Etienne Bonnet-Candé, responsable du service patrimoine culturel du département. "Ca s'apprend".

C'est justement l'objectif de la formation, dont la première session se tient sur trois jours, d'avril à juin. Au programme : échanges autour de cas pratiques, cours sur les discours complotistes ou les mécanismes génocidaires, présentation de films et BD pouvant servir de support pour lutter contre les préjugés. Le dispositif a vocation à être étendu à d'autres départements.

- "Pourquoi tu manges du porc ?" -

Audric, 30 ans, directeur d'un centre de loisirs de Drancy, avait le choix entre plusieurs formations : addictions chez les jeunes, problèmes liés aux jeux vidéos. Il a finalement choisi celle proposée au Mémorial, pour "apporter de bonnes réponses aux enfants" si certains venaient à l'interroger.

Lui, qui s'occupe de jeunes âgés de 6 à 12 ans, assure n'être pas souvent confronté au problème. "J'ai déjà entendu +mes parents ne veulent pas que je joue avec un noir+", dit-il toutefois. Sa technique: "leur retourner la question : est-ce que t'aimerais qu'on te fasse pareil ?"

En général, à Drancy "ça se passe bien", précise Claudie Cheraifi, du service enfance de la Ville : "on n'est pas les plus touchés par des problèmes de racisme, car il y a beaucoup de mixité". Les animateurs sont plutôt sollicités sur la religion ou la laïcité, ajoute-t-elle.

A la cantine, par exemple, témoigne le directeur d'une maison de quartier, qui préfère rester anonyme. Il se rappelle d'une discussion entre enfants de primaire: "pourquoi tu manges du porc ?", demande l'un à l'autre. Le directeur coupe court et répond : "ça te ne regarde pas, mange ce qu'il y a dans ton assiette. Si tu as des questions, il faut demander à tes parents".

"Les jeunes demandent souvent à l'animateur +et toi qu'est-ce que t'en penses ?+", poursuit Mme Cheraifi. Sur les questions de religion, la consigne est de rester "neutre" et de "renvoyer vers les parents".

A l'inverse sur les valeurs, comme le "vivre-ensemble", l'animateur doit faire passer des messages, ajoute-t-elle. "Sans faire de grands discours, mais avec le jeu par exemple. En montrant que pour gagner, une équipe a besoin de tout le monde", quelle que soit la couleur de peau et l'origine.

"Dans un département de fortes migrations, où certaines communes accueillent près de 80 nationalités, il y a un enjeu sur le vivre-ensemble", ajoute Meriem Derkaoui, maire PCF d'Aubervilliers et vice-présidente du département, venue assister au lancement de la formation. Il "est important de montrer que chacun à son histoire, sa mémoire et qu'il peut la faire connaître à l'autre, la partager".

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