Un ex-garde de camp nazi clame son innocence malgré sa "honte"

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Par David COURBET - Münster (Allemagne) (AFP)
Publié le 13 novembre 2018 - 05:00
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Jugé en tant que mineur car âgé de moins de 21 ans au moment des faits, le nom du nonagénaire n'a pas été communiqué par la justice allemande (photo DPA, prise le 6 novembre 2018 à Münster)
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© Guido Kirchner / dpa/AFP/Archives
Jugé en tant que mineur car âgé de moins de 21 ans au moment des faits, le nom du nonagénaire n'a pas été communiqué par la justice allemande (photo DPA, prise le 6 novembre 2018 à
© Guido Kirchner / dpa/AFP/Archives

Un ancien garde de camp nazi, jugé en Allemagne pour complicité de centaines de meurtres, a clamé mardi son innocence en affirmant avoir ignoré l'existence des chambres à gaz, une déception pour les victimes.

Ce témoignage était très attendu des anciens déportés du camp de Stutthof et de leurs descendants, les dépositions d'acteurs du système concentrationnaire et d'extermination nazi étant rares.

Dans une déclaration lue par un avocat, l'accusé, Johann Rehbogen, 94 ans, a assuré avoir "honte" d'avoir été SS tout en expliquant avoir été "enrôlé sous la contrainte".

"Il y aurait eu des représailles pour ma famille si je n'y étais pas allé", dit l'ex-garde, âgé de moins de 21 ans au moment des faits et donc jugé comme "mineur".

- 'Je ne savais rien' -

Il a affirmé que le traitement des prisonniers avait été "un grand choc" pour lui et avoir eu "de la compassion pour eux". Mais le nonagénaire a aussi assuré avoir tout ignoré de l'extermination des déportés.

"Je ne savais rien des tueries systématiques, des chambres à gaz et aussi du crématoire", a-t-il clamé, "je ne suis pas un nazi, je ne l'ai jamais été".

Des propos qui n'ont guère convaincu le procureur, Andreas Brendel : "Nous partons du principe que les gardes en savaient bien plus que ce qui a été affirmé ici".

Johann Rehbogen a servi entre juin 1942 et septembre 1944 à Stutthof, près de Gdansk en Pologne, où quelque 65.000 personnes ont été tuées, essentiellement des femmes juives des pays baltes et de Pologne. Ce camp a été intégré au système d'extermination des Juifs en juin 1944.

Le vieil homme, qui a écouté l'air grave son avocat lire la déclaration, est venu en fauteuil roulant à l'audience. A l'ouverture du procès le 6 novembre, il avait pleuré en écoutant à la barre des victimes.

Les parties civiles se sont montrées mardi très critiques de ce témoignage. "Je suis très déçu d'entendre la déclaration de l'accusé niant ce que nous savons être vrai à propos des camps", a affirmé Benjamin Cohen, qui représente sa grand-mère Judy Meisel, à ce procès.

"Ce que ma grand-mère a raconté de son expérience dans le camp et l'assassinat de sa mère raconte une histoire très claire sur le rôle de ces gardes", a-t-il souligné.

"Son discours était dépourvu de sens, je n'en crois rien", a réagi un avocat d'un ancien détenu du camp, Manuel Mayer.

Ce n'est que depuis quelques années que l'Allemagne s'efforce d'identifier les derniers suspects en vie et de juger ceux qui sont encore aptes à comparaître.

Au cours des récents procès, deux accusés se sont exprimés.

L'ancien SS Oskar Gröning, surnommé le "comptable d'Auschwitz", qui avait demandé "pardon" en 2015 et reconnu sa "faute morale". Condamné à quatre ans de prison pour complicité dans la mort de 300.000 Juifs, il est décédé en mars sans aller en prison.

Un autre SS d'Auschwitz, Reinhold Hanning, avait, lui, exprimé en 2016 sa "honte" et avait reconnu savoir que les déportés étaient "abattus, gazés et brûlés". Il n'a pas encore été incarcéré, malgré une peine de 5 ans de détention.

D'une manière générale, la justice allemande reste critiquée pour son traitement tardif et insuffisant des crimes du IIIe Reich.

Elle a attendu 2011, avec le procès de l'ex-garde de Sobibor John Demjanjuk, pour poursuivre les anciennes sentinelles de camps d'extermination pour "complicité de meurtre".

- Pédagogique et symbolique -

Ainsi, selon l'acte d'accusation, l'ex-SS du Stutthof avait "connaissance de toutes les méthodes pour tuer" même s'il n'y a pas participé directement.

Johann Rehbogen encourt un maximum de 15 ans de prison mais une telle peine est peu probable, au regard des condamnations précédentes et de son statut judiciaire de "mineur".

Au-delà de l'aspect pénal, ces dossiers visent aussi à donner aux descendants des victimes le sentiment que justice est enfin passée.

Le procès doit durer au moins jusqu'en janvier.

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