Prêtres mariés : une idée qui sème le trouble dans l'Église catholique
Une proposition de l'épiscopat belge de permettre à certains jeunes hommes mariés de devenir prêtres est tombée dans le vide durant un long synode consacré aux jeunes, même si le pape réfléchit à une dérogation au célibat... en Amazonie.
Mgr Jean Kockerols, évêque auxiliaire de Bruxelles, a lancé l'idée audacieuse durant la réunion mondiale d'évêques, qui rassemble jusqu'à dimanche quelque 300 participants de tous les continents.
"J'ai la conviction que des jeunes qui ont choisi de se marier peuvent aussi être appelés par l'Église à la servir, en particulier dans le ministère de prêtre", une proposition indépendante de la chute spectaculaire des vocations, explique-t-il à l'AFP.
"J'ai reçu des applaudissements polis. De nombreux évêques sont venus me trouver aux pauses cafés, en me disant: vous avez raison, il faut aller dans ce sens-là", décrit-il. Mais l'idée, trop ciblée, n'a jamais été débattue et sera absente du document final qui doit être adopté samedi.
"Je suis déçu du manque de réactions... Un évêque m'a fait un parallèle avec des stalactites qui mettent beaucoup de temps à grandir", glisse l'évêque.
Le synode s'est pourtant attelé pendant un mois à réfléchir aux manières de rendre l'Église plus moderne et attirante pour les jeunes laïcs et séminaristes.
Selon l'agence catholique Fides, l'Europe a perdu 2.583 prêtres en 2016, et dans les Amériques leurs rangs ont décru dans une moindre mesure, tout comme le nombre de séminaristes, de religieux et de religieuses sur les deux continents. La situation est plus encourageante pour l'Église en Afrique et en Asie.
Le pape François a rappelé à plusieurs reprises que l'interdiction de l'ordination d'hommes déjà mariés n'était pas un point de doctrine figé. La pratique a existé pendant des siècles, et les textes bibliques indiquent que l'apôtre Pierre avait une belle-mère. L'obligation d'être célibataire pour entrer dans le clergé de l'Église catholique latine remonte seulement au XIème siècle.
Les rites catholiques orientaux ainsi que l'orthodoxie admettent l'ordination comme prêtres d'hommes mariés. Serait-il temps de changer la disciple de l'Église catholique-romaine?
- L'affectivité, sujet tabou -
Il est possible de "s'interroger" sur la tradition de célibat des prêtres sans toutefois s'attendre à un "changement drastique", a tempéré début octobre le cardinal Pietro Parolin, numéro deux du Vatican.
Une enquête présentée à deux pas du Vatican en plein synode, estime néanmoins que 60.000 prêtres auraient renoncé ces dernières décennies à leur vocation, souvent pour se marier ou cohabiter. Par comparaison, en 2016 il y avait 414.000 prêtres dans le monde.
L'Église catholique-romaine enregistre un millier d'abandons par an, avance encore le vaticaniste italien Enzo Romeo dans cet ouvrage. Si aucune statistique officielle n'existe sur le nombre d'ex-prêtres mariés, il estime que la catholique Italie en compterait 8.000, un chiffre considérable.
Leur changement de vie, qui les coupe d'une rassurante sécurité de l'emploi et d'un logement, intervient en moyenne au bout de 13 ans de prêtrise ou lors d'une crise de la cinquantaine, constate Enzo Romeo.
Mais "l'affectivité des prêtres est encore souvent taboue, balayée sous le tapis", commente-t-il à l'AFP, pas surpris de son manque d'écho lors du synode.
L'un des ex-prêtres aujourd'hui mariés témoignant dans son livre avance comme premier motif de son choix une grande "solitude intérieure".
La révolution sexuelle des années 1960, sous le pape anti-contraception Paul VI, avait aussi donné le signal à des abandons massifs du sacerdoce.
L'auteur interroge dans le même temps un vieux prêtre jugeant que le célibat reste une valeur fondamentale. "Le célibat est une forme extrême de pauvreté, qui met celui qui la pratique en union avec les plus seuls, les rejetés", souligne-t-il.
En mars 2017, le pape François avait publiquement annoncé "réfléchir" à la possibilité d'ordonner des "viri probati", des hommes mariés d'âge mûr impliqués dans l'Eglise. Excluant donc cette ouverture pour les jeunes hommes, et bien sûr les femmes.
L'hypothèse de ces ordinations sera à l'ordre du jour en octobre 2019 du prochain synode dédié à l'Amazonie, immense territoire latino-américain souffrant d'un manque de prêtres autochtones.
L'ouverture n'est pas passée inaperçue. Un groupe de 300 ex-prêtres italiens mariés a ainsi envoyé début octobre une lettre au pape lui proposant de reprendre du service face à la pénurie de clercs.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.