"Chien" : la leçon de dressage ratée de Samuel Benchetrit (vidéo)
Pour l'horoscope chinois, c'est l'année du chien. Pour Samuel Benchetrit aussi. Mais ce n'est pas une bonne année: son dernier film, Chien, qui sort ce mercredi 14 sur les écrans, laisse une impression de malaise et de déception.
Vincent Macaigne est l'interprète du personnage principal, Jacques Blanchot, un pauvre type qui perd tout: sa femme, son travail, son logement.
Sa femme (Vanessa Paradis) lui dit qu'elle a une maladie de peau dont il est responsable: elle est allergique à lui et lui demande de partir. Il s'installe donc dans un hôtel type Formule-1, dans une banlieue sinistre et déserte, non loin du bazar sinistre et désert dans lequel il est vendeur.
Son banquier l'appelle au téléphone pour lui dire que son compte est vide. Son jeune fils, qu'il voit le dimanche sur un parking d'hypermarché sinistre et désert, le méprise. Mais Jacques Blanchot essaye de trouver de la compagnie: il va dans un chenil acheter un petit chien qui, fait remarquer le patron, Max (Bouli Lanners), ressemble un peu à Hitler.
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Pas de chance, alors qu'il ramène le chien à son hôtel, sur la route, l'animal se fait écraser par un camion. Le lendemain, sur l'ordinateur de son travail, il recherche sur Google "chiens écrasés" et "Hitler", et se fait virer par son patron.
Sans foyer, sans logement, sans travail, Jacques se sent plus que jamais étranger au monde qui l’entoure. Mais il retourne voir Max, qui le recueille et l'aide. Et qui accepte sa compagnie, à condition qu'il se comporte comme un chien…
Samuel Benchetrit a adapté à l'écran un livre qu'il avait écrit en 2015. "C’est mon éditeur Olivia Nora qui m’a poussé à l’écrire alors que je sortais d’une période assez difficile de ma vie, une dépression", explique-t-il. "Du moins, je lui avais raconté un peu de cette histoire, rien de bien précis, mais elle évoquait des mystères en moi et une sorte de spiritualité. J’avais alors le sentiment de ne plus faire partie de la société à laquelle j’appartiens depuis toujours. Et même une fois sorti de l’oeil du cyclone, je voyais le monde comme un immense mécanisme, dont je n’étais qu’une pièce éjectée qui ne servait plus à rien. J’étais frappé d’absurdité!"
Voilà donc pour l'aspect déprimant du film. Les décors appuient ce côté sombre de l'histoire: béton, maisons carrées comme des boîtes, cages, grilles, hôtel sans clients, magasin vide, banlieue triste, fond sonore de circulation automobile.
Le scénario et la réalisation balancent entre réalisme et absurdité, avec des scènes non sense et décalées volontairement pas poussées à l'extrême, avec des gags d'humour noir qui tombent souvent à plat, avec un Vincent Macaigne qu'on se lasse de voir film après film dans des rôles de simple d'esprit aux airs de chien battu, avec des images sombres et du violoncelle triste pour expliquer au spectateur le côté allégorique, intellectuel et signifiant du film –"car il parle à sa manière de fascisme, d’autorité et de pouvoir", explique le réalisateur, qu'on a connu plus léger et plus inspiré (Asphalte en 2015).
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Par ce film, ajoute-t-il, "j’ai eu envie de parler de notre société actuelle où on nous demande à tous beaucoup et de plus en plus: l’argent, la séduction, la beauté… Et pour cela, est arrivé un personnage à qui, à l’inverse, on ne demanderait absolument rien! Un homme qui deviendrait un chien. Donc qui n’a pas de problème d’argent et à qui on ne demande pas d’avoir de l’humour, de la conversation ou de la répartie… Une idée un peu naïve sans doute mais derrière laquelle point, selon moi, un évident fond politique et social".
Le film fait donc réfléchir et l'on a bien compris, avec ce personnage qui glisse inexorablement vers la soumission, qu'il était aux antipodes de la comédie. Mais il emporte le spectateur dans une vague de noirceur, de pessimisme, d'absurdité qui met mal à l'aise. Un homme qui se prend pour un chien? On préfère en rire et revoir Didier, film moins prétentieux réalisé et interprété par Alain Chabat en 1997.
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