"Coming Home" : Zhang Yimou retrouve et sublime Gong Li
C'est leur neuvième film ensemble. Dans Coming Home, le grand réalisateur chinois Zhang Yimou retrouve celle qu'il découvrit alors qu'elle avait à peine 20 ans et qui fut sa muse et sa compagne pendant une dizaine d'années, la sublime Gong Li.
Pour la première fois l'actrice chinoise, à 48 ans, renonce à son image glamour d'ambassadrice de L'Oréal et à sa beauté légendaire pour interpréter le rôle d'une femme qui, victime de la maladie d'Alzheimer, guette inlassablement le retour de son mari alors que celui-ci se trouve près d'elle.
Le film est tiré d'un roman dénonçant les méfaits de la Révolution culturelle dans la Chine de la fin des années 60. Lu Yanshi, prisonnier politique dénoncé par sa propre fille, est libéré à la fin de cette Révolution culturelle, après une tentative d'évasion et plusieurs années d'emprisonnement.
Lorsqu’il rentre chez lui, il découvre que sa femme (Gong Li) souffre d’amnésie. Celle-ci a mis des petits mots sur les murs de son appartement ("Ne pas fermer à clé", "Penser à éteindre la lumière") et reçoit régulièrement la visite de sa fille.
Mais surtout, elle ne le reconnaît pas. Elle le prend pour un autre et, chaque jour, elle attend le retour de son "vrai" mari, sans comprendre qu’il est à ses côtés. Celui-ci s'installe alors dans un logement désaffecté en face de chez elle, et va tout faire pour l'aider à retrouver la mémoire et à lui faire comprendre que celui qu'elle attend chaque mois à l'arrivée du train, celui qu'elle espère, celui qu'elle aime n'est autre que lui-même...
Cheveux gris, chignon, maquillage vieillissant, lunettes, vieux pulls: même en vieille femme, Gong Li est superbe dans ce personnage nouveau pour elle. Elle a beaucoup travaillé le rôle: "Je suis d’abord allée quotidiennement dans une maison de retraite qui abrite d’anciens intellectuels qui souffrent de troubles de la mémoire. J’ai passé des heures avec eux, à étudier leur comportement, leurs mouvements, leur façon de parler, le flou dans lequel ils semblent flotter, avec parfois, venu d’on ne sait où, des éclairs de lucidité très troublants", raconte-t-elle.
"Ensuite, je suis allée à Shanghai où vit une réalisatrice aujourd’hui âgée, qui souffre d’une amnésie assez proche de celle de l’héroïne du film. Là, nous étions juste toutes les deux et j’ai pu l’étudier, prendre de nombreuses photos d’elle. Le plus difficile a été d’apprendre à maîtriser cette lenteur qui caractérise les gestes. Il m’a fallu trouver comment voûter mon dos, raidir ma nuque, ralentir ma diction. Et surtout, le plus difficile: apprendre à éteindre mon regard".
Zhang Yimou n'a pas hésité quand il a cherché l'actrice qui pouvait interpréter ce rôle: "j’ai aussitôt pensé à Gong Li pour interprêter le rôle. Elle sait mieux que personne incarner une femme déterminée, courageuse, qui n’a peur de rien. Ça, c’était pour la première partie de l’histoire. Pour la deuxième partie, je lui ai fait confiance. Je savais qu’elle trouverait comment l’incarner. Elle ne m’a pas déçue..."
Il a dirigé l'actrice (devenue sa compagne) sur sept films, de leur débuts communs en 1987 dans Le sorgho rouge, en passant par Epouses et concubines en 1992, jusqu'à Shanghai Triad en 1995, année de leur séparation, au cinéma et dans la vie. Puis ils se sont retrouvés en 2007 pour tourner La cité interdite, et Coming Home marque donc leur neuvième collaboration.
Et il ne tarit pas d'éloges sur son ancienne muse: "Franchement, Gong Li m’a impressionné. Elle est arrivée en ayant fait toutes les recherches, tout le travail, dans son coin, sans m’en parler. On avait bien sûr évoqué son maquillage. Elle ne voulait pas avoir l’air grimée. Elle a refusé de mettre des prothèses, ou quoi que ce soit dans les yeux. Elle a su conserver, durant tout le tournage, le regard d’une femme usée par la vie. Je n’ai plus eu qu’à la filmer..."
Le film a été présenté hors-compétition au dernier Festival de Cannes, une habitude pour Zhang Yimou, 63 ans, dont la majorité des 19 films ont été sélectionnés dans les festivals du monde entier, Cannes, Venise, Berlin et les autres. Drame intimiste sur fond politique de l'époque, avec plusieurs scènes très émouvantes, Coming Home change cependant des fresques historiques dont le réalisateur chinois est coutumier (et des grandioses cérémonies des Jeux 2008 qu'il avait organisées).
Les autorités chinoises lui ont laissé tout loisir de dénoncer les méfaits de la Révolution culturelle, et lui-même souligne qu'"aujourd’hui, les jeunes générations ont du mal à mesurer l’ampleur des dégâts humains que cela a engendré dans le quotidien des familles. (…) Les citoyens qui ont été amenés à trahir leurs proches sont maintenant âgés et veulent libérer leur conscience, avant de mourir. Ils font des excuses publiques. Il y a donc aujourd’hui de plus en plus d’aveux déchirants parmi les familles. Les anciens révèlent certains actes, certaines dénonciations qu’ils ont été conduits à faire. En cela, le film met en scène une réalité de la Chine contemporaine. Il y un véritable effort collectif dans ce sens à présent".
(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):
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