"Kings" : Halle Berry et Daniel Craig en pleines émeutes de Los Angeles (critique)
Daniel Craig n'était pas encore James Bond en 2002 (c'était Pierce Brosnan) quand Halle Berry est sortie de l'eau en bikini orange dans Meurs un autre jour. Bien loin des aventures de l'agent 007, l'acteur britannique et l'actrice américaine sont réunis pour la première fois à l'écran dans le film Kings (ce mercredi 11 dans les salles françaises), qui a pour toile de fond les émeutes de Los Angeles en 1992 déclenchées après l'affaire Rodney King.
Halle Berry y interprète Millie Dunbar, une mère de famille qui s'occupe, aidée par un jeune adulte, d'une demi-douzaine d'enfants orphelins en attendant leur adoption. Dans sa maison du quartier de South Central à Los Angeles, elle leur apporte amour, réconfort et éducation, dans une existence quotidienne pas toujours facile.
Le voisin d'en face, Obie Hardison (Daniel Craig), seul Blanc à habiter le quartier, râle sans arrêt contre les bruits et l'agitation des enfants qui l'empêchent d'exercer en paix son métier d'écrivain. Ses relations avec Millie et sa petite famille sont tendues.
Lire aussi – Halle Berry a 50 ans
Mais il n'est pas si méchant que cela. Et le prouvera quand il s'agira d'aider Millie à protéger les siens emportés dans la spirale des violentes émeutes déclenchées après l'acquittement des quatre policiers qui avaient, quelques mois auparavant, passé à tabac un jeune Noir de 26 ans, Rodney King…
Ces émeutes de Los Angeles, parmi les plus graves de l'histoire récente des Etats-Unis, ont duré six jours entre le 29 avril et le 4 mai 1992 et ont fait une cinquantaine de morts. Deniz Gamze Ergüven s'y est intéressée bien avant que son premier long-métrage, Mustang, la rende célèbre en obtenant quatre César en 2016 et en représentant la France aux Oscars deux jours plus tard.
La réalisatrice franco-turque, 39 ans, fille de diplomate ayant grandi en France, dit avoir été marquée par les émeutes de novembre 2005 dans les banlieues françaises: "Tout a commencé pour moi avec les émeutes de 2005 en France. J’ai été interpellée par ce qui était en train de se passer", explique-t-elle. "Bien que les émeutes de 1992 à Los Angeles se soient passées à une échelle radicalement différente, elles sont le même symptôme d’une détresse émotionnelle arrivée à un niveau extrême".
Lire aussi – 25 ans après l'affaire Rodney King, gros plan sur les émeutes de Los Angeles
En 2006 elle s'est donc rendue à Los Angeles et s'est documentée, a mené son enquête sur place, a rencontré et interrogé des policiers, des membres de gangs, des habitants du quartier. Elle a surtout rencontré la "vraie" Millie, qui s'occupait d'enfants déshérités et lui a donné l'idée de ce personnage interprété par Halle Berry.
Le film, qui raconte une histoire privée (inspirée donc de personnages réels) au milieu d'événements publics historiques, est militant mais sans excès: ce qui révolte le plus n'est pas dans les scènes de fiction expliquant le climat et les événements à l'origine de ces émeutes, mais dans les images réelles d'actualité de l'époque qui s'intercalent régulièrement tout au long du film, notamment la couverture télévisée du procès des quatre policiers et, bien sûr, les extraits de la vidéo du tabassage de Rodney King.
A l'époque, Internet n'en était qu'à ses balbutiements et les réseaux sociaux n'existaient pas. Mais cette vidéo amateur nocturne (en voir ici quelques extraits), tournée par un voisin de son balcon, a peut-être été la première vidéo "virale", relayée par les chaînes de télévision américaines et étrangères. Pas besoin de Facebook ou de Twitter, en 1992, pour déclencher la colère des habitants noirs de Los Angeles scandalisés par le verdict du tribunal acquittant des policiers blancs. "J’ai voulu, dans Kings, raconter cette chose très particulière: comment des individus pouvaient être affectés par des histoires concernant des gens qu’ils ne connaissent pas du tout mais dans lesquels ils se reconnaissent. Et comment ces histoires peuvent avoir un impact sur l’inconscient d’une ville", explique la réalisatrice.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.