"La Favorite" : Emma Stone et Rachel Weisz s'affrontent pour le pouvoir (vidéo)
CRITIQUE – Avec 10 nominations, le film "La Favorite", sur les écrans français ce mercredi, arrive en tête de la course aux prochains Oscars. Parmi ces nominations, celles des trois actrices principales, Olivia Colman, Rachel Weisz et Emma Stone, qui jouent les rôles de la reine Anne d'Angleterre et de ses deux favorites.
SORTIE CINÉ – Trois femmes au cœur du pouvoir à la cour d'Angleterre de la fin du XVIIIe siècle: en matière d'autorité, de cynisme, de trahisons et de coups bas, elles n'avaient rien à envier aux hommes. C'est l'histoire du film La Favorite, du réalisateur grec Yórgos Lánthimos, qui sort ce mercredi 6 février –à quelques jours des Oscars dont il est l'un des favoris.
On est à la cour d'Anne, reine d'Angleterre de 1702 à 1714, dernière de la lignée des Stuart. Anne (Olivia Colman), pas futée, pas très éduquée, un peu folle, élève dans son château 17 lapins qu'elle appelle ses "enfants", pour oublier ses 17 grossesses qui se sont soldées par des fausses-couches ou des enfants morts-nés (à l'exception d'un garçon qui atteignit l'âge de 11 ans avant de mourir). De santé fragile –physiquement et mentalement–, elle souffre d'accès de goutte, de douleurs dans les membres, le ventre et la tête, et se déplace en chaise à porteurs ou en fauteuil roulant.
D’un caractère docile, elle est régulièrement manipulée et rudoyée par Lady Sarah Churchill (Rachel Weisz), duchesse de Marlborough, son amie d'enfance qu'elle a nommée aux postes de "Maîtresse de la Garde-Robe", "Première Dame de la chambre" et "Gardienne de la bourse privée". Intelligente, inflexible, autoritaire et d'une grande beauté, Lady Sarah tient les affaires du pays entre ses mains, s'occupe des finances et connaît les secrets intimes de la reine, dont elle est l'amante. Dans l'ombre, c'est elle qui gouverne et influence la reine, notamment en faveur de la poursuite des batailles militaires contre la France dans le cadre de la guerre de Succession d'Espagne.
C'est "la Favorite", mais son pouvoir va se trouver menacé par sa cousine Abigail Hill (Emma Stone). Réduite à la misère pour cause de banqueroute familiale, celle-ci débarque à la cour en tant que servante dans les arrière-cuisines mais avec l'ambition de renouer avec ses racines aristocratiques. Langue bien pendue, éduquée et érudite, rusée, arriviste, Abigail va gravir les échelons et trouver sa place auprès de la reine, en l'apaisant, en soulageant ses souffrances physiques par des plantes, en gagnant peu à peu sa confiance.
Lady Sarah ne tarde pas à voir en Abigail Hill sa rivale, capable d'influencer la reine sur ses décisions politiques, capable de finir dans son lit, capable de l'évincer du pouvoir et de sa place de favorite. Entre les deux femmes, c'est bientôt la guerre ouverte…
"Lorsqu’on réalise un film historique, il est toujours passionnant de voir à quel point il peut résonner avec notre époque; on se rend compte que bien peu de choses ont changé, hormis les costumes et le fait que nous ayons l’électricité ou Internet. Tant de similarités perdurent dans nos manières d’être, dans nos sociétés et notre rapport au pouvoir", estime le réalisateur, Yórgos Lánthimos, habitué des festivals et des récompenses depuis qu'il tourne en anglais (Prix du jury au Festival de Cannes en 2015 pour The Lobster, Prix du scénario au Festival de Cannes en 2017 pour Mise à mort du cerf sacré, Grand Prix du jury à la Mostra de Venise en 2018 pour ce film La Favorite).
Lire les critiques:
> The Lobster: Colin Farrell et Rachel Weisz en pincent l'un pour l'autre
> Mise à mort du cerf sacré: Nicole Kidman et Colin Farrell victimes de la loi du talion
> Battle of the Sexes: Emma Stone bat Steve Carell au tennis
Réalisateur de films originaux, singuliers, voire bizarres, il passe ici à une narration plus classique mais qui n'empêche pas les sorties de route, les écarts de langage, les scènes et situations décalées, l'humour caustique, le ton parfois baroque, les libertés avec les faits historiques, l'intrusion de la vie privée dans la vie publique, et ce scénario décomplexé pour un film à la fois historique et intime.
Dans The Favorite, la cour d'Anne d'Angleterre est le lieu de courses de homards ou de canards et de lancers d’oranges sanguines. Le film parle du pouvoir et des luttes d'influence, mais peut être vu comme une histoire d'amour (finalement déçu) entre la reine Anne et sa favorite Lady Sarah.
Surtout, il est habité par trois rôles féminins forts, les hommes ne sont que des seconds couteaux et le réalisateur s'est intéressé aux trois personnages et pas seulement à un seule. "Dans La Favorite, les femmes font du tir aux pigeons, montent à cheval, traversent des couloirs en courant, séduisent des hommes dans les bois et couchent ensemble", souligne Ceci Dempsey, une des productrices du film.
Et, si faible soit-elle, la reine est capable d'autorité, aussi: c'est sous son règne qu'eut lieu l'union entre l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Écosse pour former le Royaume-Uni, elle favorisa le système politique bipartisan (les Tories conservateurs contre les Whigs centristes), et eut à prendre des décisions militaires dans la guerre contre la France.
Dans ce rôle complexe d'Anne d'Angleterre, l'actrice britannique Olivia Colman crève l'écran et fait figure de …favorite pour l'Oscar de la meilleure actrice qui sera décerné le 24 février. Ses deux partenaires sont nommées pour l'Oscar du meilleur second rôle féminin (Rachel Weisz l'a déjà obtenu en 2006 pour The Constant Gardener, Emma Stone a eu celui de meilleure actrice en 2017 pour La La Land). Et le film est en tête de cette course aux Oscars avec 10 nominations au total (voir ici la liste complète), dont celle de meilleur film et de meilleur réalisateur.
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