"Le portrait interdit" : l'énigmatique et sensuelle Joconde asiatique (vidéo)
C'est un petit tableau qui fait partie des collections permanentes du Musée des beaux-arts de Dole (Jura): le portrait d'une concubine chinoise du XVIIIe siècle peint par un jésuite français (à voir ici). C'est cette toile qui a inspiré au réalisateur Charles de Meaux le sujet de son quatrième long métrage, Le portrait interdit, qui sort ce mercredi 20 sur les écrans.
C'est donc en grande partie une histoire vraie. La belle et jeune Ulanara, concubine devenue impératrice à la suite de la mort de la première femme de l'empereur Qianglong (1711-1799), bat celui-ci aux échecs. En récompense, elle réclame un portrait d'elle "à l'occidentale": c'est le jésuite Jean-Denis Attiret, un des peintres officiels de la Cour impériale de Chine, qui se voit confier cette tâche honorifique.
Entre le peintre et son modèle, une relation respectueuse mais peu à peu fiévreuse s'installe. Elle est impératrice et il n'est pas question qu'elle se laisse séduire –même si elle est malheureuse car l'empereur la délaisse. Il est prêtre jésuite et il n'est pas question qu'il se laisse séduire –même s'il confesse les tourments que provoque en lui la beauté de sa Joconde asiatique.
Dans cette atmosphère de romantisme refoulé, les contraintes de la cour, la soumission hiérarchique, le poids des interdits dans la Cité du même nom, les différences culturelles extrêmes entre la Chine et l'Europe –et notamment en matière de peinture– vont rendre la tâche du peintre difficile et risquée. Mais passionnante…
Ce film franco-chinois est le 4e long métrage du réalisateur Charles de Meaux, 50 ans, qui a également réalisé des courts métrages et produit ou présenté des projets artistiques mélangeant le cinéma et les arts plastiques. Féru de culture chinoise, il explique avoir été marqué par le tableau du musée de Dole: "Quand j’ai vu ce tableau, le visage de cette femme est resté dans ma mémoire et la position de ce jésuite français m’a intrigué. Comment pouvait se passer une vie de peintre, une séance de pose à Pékin au XVIIIe siècle? (…) Le visage de cette femme m’a poursuivi, c’est sûr, mais aussi la façon de ce tableau, si particulière avec son visage qui appartient évidemment à la tradition occidentale alors que tout le reste du tableau évite la perspective et les ombres… Une sorte de mixte parfait entre l’Occident et l’Orient…"
Histoire d'amour platonique et inavoué, Le portrait interdit est aussi une réflexion sur les différences culturelles dans l'art de la représentation du réel, et notamment des êtres humains à travers les portraits.
Le film, parfois aride et longuet, parfois envoûtant, est d'une froide beauté frisant l'esthétisme, avec une lenteur dans l'action et une sobriété dans le jeu très chinoises. Les décors sont précis et soignés, et les deux acteurs principaux arrivent à exprimer la différence culturelle que souligne le film: Melvil Poupaud, crédible en peintre jésuite, et l'actrice et chanteuse Fan Bingbing, très connue en Chine, qui n'a certes pas l'aura de son aînée la sublime Gong Li mais dont le visage, dans de nombreux gros plans, fascine le réalisateur comme il a fasciné le peintre et comme il fascinera, sans doute, les cinéphiles sinophiles.
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