"Mademoiselle de Joncquières" : la vengeance de Cécile de France (critique)
SORTIE CINÉ – Une femme aimée, puis délaissée, qui se venge: Cécile de France est sans pitié et c'est Edouard Baer qui en fait les frais dans Mademoiselle de Joncquières, comédie sentimentale d'Emmanuel Mouret qui sort ce mercredi 12 septembre sur les écrans.
On est au XVIIIe siècle et Madame de La Pommeraye (Cécile de France), jeune et jolie veuve, retirée du monde et installée dans sa grande propriété loin de Paris, est courtisée par le marquis des Arcis (Edouard Baer). C'est un libertin notoire, dont les conquêtes féminines sont connues dans la capitale, mais il dit qu'il a changé et fait une cour assidue à la jeune veuve.
Celle-ci finit par croire à sa sincérité et se laisse séduire. S'en suivent quelques années d'un bonheur sans faille. Mais tout passe, tout casse, tout lasse. Quand elle découvre que le marquis n'est plus amoureux d'elle et la délaisse, Madame de La Pommeraye, terriblement blessée, décide de se venger.
Elle achète pour cela la complicité de Madame de Joncquières et de sa fille, jeune beauté ravissante (Alice Isaaz), toutes deux sans le sou et de petite vertu. Le plan est machiavélique…
C'est le neuvième long‑métrage du réalisateur et comédien Emmanuel Mouret, qui s'est spécialisé dans les marivaudages, badinages, histoires d'amours contrariées et autres comédies sentimentales délicates, subtiles et essentiellement basées sur les dialogues, comme l'était par exemple son précédent film Caprice en 2015, qu'il interprétait aux côtés de Virginie Efira et Anaïs Demoustier.
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Ici Mademoiselle de Joncquières est tiré d'un récit contenu dans le livre Jacques le Fataliste, de Diderot (1796), déjà adapté au cinéma par Robert Bresson en 1945 dans Les Dames du Bois de Boulogne, avec María Casares (voir la bande-annonce ici). Pour Emmanuel Mouret, ce texte du XVIIIe siècle reste très actuel en ce qui concerne les rapports amoureux: "Les désirs, les sentiments, les élans, les conflits qui traversent les personnages et les questions que soulève le récit me semblent très contemporains. Les questions morales que se pose le XVIIIe siècle sont toujours à l’oeuvre de nos jours. Pendant et après la Régence, la société est clivée comme jamais, comme la nôtre, entre l’amour profane, le goût des plaisirs, et un amour plus sacré. Libertins ou pas, ceux qui ont traversé cette époque sont aussi intérieurement clivés que nous le sommes aujourd’hui".
Vice et vertu sont entrelacés dans cette histoire dont le moteur qui anime les personnages n'est ni le pouvoir ni l'argent mais l'amour –heureux, déçu, inaccessible, sincère ou feint. "Ce n’est pas un récit fait pour nous délivrer une pensée, mais un récit fait pour nous donner à penser. Les personnages font des choses tout aussi louables qu’haïssables. Et c’est impossible de les enfermer dans une case, dans une opinion toute faite", explique le réalisateur.
La vengeance d'une femme bafouée: le film est-il féministe? Pas si sûr, si l'on en juge par son épilogue. Mais c'est un joli suspense sentimental qui s'installe au fil de l'histoire, dans une réalisation soignée mais minimaliste, aux dialogues surannés et aux acteurs qui badinent avec l'amour mais pas avec leur texte.
Ce film en costumes, loin des modes, est un petit plaisir intellectuel, auquel il manque juste un détail de mise en scène: pourquoi, comme dans beaucoup de films français, n'y a-t-il pas de liquide dans les tasses quand les personnages boivent le thé?
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