"My Wonder Women" : ménage à trois, bondage et super-héroïne (critique)
Un homme peut-il être polygame, adepte du bondage et féministe? Oui, répond la réalisatrice américaine Angela Robinson (femme, noire, lesbienne) qui consacre un biopic au créateur de la plus bondage et de la plus féministe des super-héros américains, Wonder Woman, dans son film My Wonder Women, qui sort ce mercredi 18 sur les écrans français.
Le créateur de ce personnage féminin des comics américains est William Marston (Luke Evans), que l'on découvre comme professeur de psychologie à l'université d'Harvard à la fin des années 1920, avec sa femme Elizabeth (Rebecca Hall), femme intelligente au fort caractère, libérée et féministe, qui fait les mêmes recherches que lui mais n'a pas la même reconnaissance professionnelle.
Le professeur Marston et sa femme sont les créateurs d'un test de pression sanguine systolique au moment d'interrogatoires, qui amènera à la création du détecteur de mensonges. Lui est aussi à l'origine d'une théorie du comportement humain nommée DISC (Dominance, Influence, Steadiness, Compliance), qui explique comment les femmes sont plus honnêtes et plus fiables que les hommes et peuvent travailler avec plus de rapidité et de précision.
Parmi les étudiants qui suivent son cours, le Pr Marston remarque Olive Byrne (Bella Heathcote), jeune étudiante de 22 ans, oie blanche élevée dans un couvent, qu'il prend comme assistante. "Si vous baisez mon mari, je vous tue", lui dit d'emblée Elizabeth Marston, qui affirme pourtant à son mari ne pas connaître "la jalousie sexuelle". De fait, William et Elizabeth, qui étudient la psychologie féminine, vont vite passer de la théorie à la pratique avec la jeune Olive –qui, bisexuelle, est à la fois amoureuse de l'un et de l'autre.
Ils emménagent tous les trois sous le même toit. Leur ménage à trois, dans la vie privée, va les conduire à l'exclusion de l'université. Ce qui va amener William Marston à changer de métier, à se lancer dans la BD, et à imaginer au début des années 1940 une super-héroïne du nom de Wonder Woman, en cuissardes et maillot de bain une-pièce à balconnet, directement inspirée d'Olive et des séances de bondage et costumes fétichistes dont les trois sont devenus des adeptes…
Le film raconte comment les comics de Wonder Woman ont fait l'objet d'enquêtes de la Child Study Association, chargée de contrôler les publications pour la jeunesse. Le fait est que ces BD de Wonder Woman, héroïne originaire d'une île où ne vivaient que des femmes (et donc a priori lesbiennes), étaient truffées de scènes de bondage (cordes, chaînes, fouets, fessées) que l'on ne retrouvait pas dans les comics de super-héros virils de l'époque, DC Comics (Batman, Superman, Catwoman) et leur rivaux Marvel (Spider-Man, Iron Man, Captain America, Hulk, Thor).
C'était une petite révolution, à l'époque, et le film présente William Marston comme un scientifique et auteur désireux, au-delà de sa vie privée avec femme et maîtresse et quatre enfants (deux de chacune) vivant sous le même toit, de promouvoir la libération de la femme et sa revendication d'égalité avec l'homme. "J'ai choisi de raconter l'histoire telle que j'en ressentais le plus important, c’est-à-dire l'histoire d'amour, et ses théories (de William Marston), et la manière dont il a créé Wonder Woman afin qu'elle soit, de manière spécifique, un support pour ses idées", expliquait dans une récente interview au site Vulture (à lire ici, en anglais), Angela Robinson.
La réalisatrice, âgée de 47 ans, qui revendique son homosexualité et son féminisme, a souvent abordé le sujet dans les scénarios qu'elle a écrits et les séries télévisées qu'elle a réalisées depuis une dizaine d'années, notamment la série The L Word qui décrit la vie et les amours d'un groupe de femmes lesbiennes ou bisexuelles à Los Angeles. Elle a mis huit ans à réaliser ce projet sur le créateur peu connu de Wonder Woman, une super-héroïne qu'elle vénère et dont elle a apprécié l'adaptation au cinéma en 2017.
Lire la critique – Wonder Woman: Gal Gadot, actrice modèle
Son film illustre une sexualité différente de la "normale", certaines scènes d'amour sont osées mais ni vulgaires ni provocatrices, ce n'est ni moralisateur ni militant, et en tout cas pas une hagiographie béate de William Marston: "Ce que j'ai ressenti moi-même, comme individu, est que ses idées pouvaient être contradictoires. J'ai essayé dans mon film de parler de sa propre misogynie et de la manière dont il s'est impliqué dans le féminisme", dit-elle.
Des trois acteurs principaux, c'est Rebecca Hall, dans le rôle d'Elizabeth, qui sort du lot, femme forte et peut-être principal socle de ce ménage à trois singulier. Cela n'empêche pas de trouver très crédibles et très glamour les deux autres acteurs, plus séduisants bien sûr –mais c'est du cinéma, non?– que les vrais personnages de William, Elizabeth et Olive (toutes les deux vivront ensemble 38 ans avec leurs quatre enfants après la mort de William en 1947) dont on voit plusieurs photographies (à voir notamment ici) lors du générique de fin.
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