"Parasite" : une famille en or (critique garantie sans spoiler)
CRITIQUE – Quelques jours après avoir remporté la Palme d'or du Festival de Cannes, le film sud-coréen "Parasite" sort dans les salles françaises ce mercredi. L'histoire commence comme une satire sociale mais se termine par un scénario à suspense.
SORTIE CINÉ – C'est, dit son réalisateur Bong Joon-ho, "une comédie sans clowns, une tragédie sans méchants": sur les écrans français à partir de ce mercredi 5 juin, Parasite, premier film sud-coréen à avoir remporté la Palme d'or au Festival de Cannes, est une satire sociale doublée d'une histoire à suspense.
Le film met en scène deux familles de quatre personnes (père, mère, fille, fils). La première habite dans un entresol miteux de Séoul, entre cafards, saleté et fuites d'eau. Le père de famille, Ki-taek, a accumulé les échecs professionnels, la mère est une ancienne athlète qui n'a jamais connu le succès, et leurs deux grands enfants ont raté leurs concours d'entrée à l'université. Toute la famille est au chômage et se débrouille comme elle peut pour survivre –par exemple plier des centaines de boîtes à pizza en carton pour le fast-food du coin.
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Tout va changer quand le fils de la famille se voit offrir par un copain étudiant son job de prof d'anglais d'une adolescente: la fille de la richissime famille Park. Le chef de famille, dirigeant d’une entreprise d’informatique, et un bourreau de travail. Entre deux achats dans les boutiques de luxe, sa ravissante épouse, oisive et cultivée, s'occupe de la maison et de ses enfants: outre leur fille aînée, les Park ont un garçon d'une dizaine d'années.
C'est au sein de cette famille modèle de la haute société sud-coréenne et dans leur villa luxueuse que le fils de Ki-taek débarque donc comme prof d'anglais. Mais il va pousser l'entrisme à l'extrême: il fait engager sa sœur comme prof de dessin du gamin, leur père comme chauffeur et leur mère comme gouvernante –sans que les quatre ne révèlent leurs liens de parenté. Les "parasites" sont dans la place. Ce n'est que le début d'un engrenage que personne ne va pouvoir contrôler…
Dans une société où l'écart entre les classes sociales s'agrandit, cette rencontre entre les deux familles est le point de départ d'une histoire forte. "Au milieu d’un tel monde, qui pourrait pointer du doigt une famille qui lutte pour sa survie en les affublant du nom de parasites? Ils n’étaient pas des parasites au départ. Ils sont nos voisins, nos amis et collègues, qui ont été poussés vers le précipice", explique le réalisateur, Bong Joon-ho.
À 49 ans, c'est son septième film, et il s'était fait connaître des cinéphiles français principalement par les deux derniers: en 2013 Snowpiercer, le Transperceneige, film de science-fiction post-apocalyptique qui voyait déjà les riches et les pauvres s'affronter dans un train fonçant dans le froid et la neige (voir ici la bande-annonce), et en 2017 Okja, conte fantastique et écolo présenté au Festival de Cannes mais produit par Netflix et donc sorti dans un minimum de salles en France.
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Avec Parasite, il poursuit sa réflexion acide sur l'époque actuelle, le capitalisme, la société à deux vitesses (en Corée du Sud comme partout) et la frontière entre les classes sociales, le fossé entre les riches et les pauvres ("J'aime les gens qui ne franchissent pas la ligne", dit à plusieurs reprises le père de famille Park). Cela n'est pas sans rappeler la Palme d'or de l'an dernier, Une affaire de famille, du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda, qui déjà racontait comment les membres d'une famille pauvre restaient solidaires dans la débrouillardise et les arnaques pour se tirer de la misère.
Lire la critique – Une affaire de famille: l'émouvante Palme d'or japonaise du Festival de Cannes
Mais ici le ton est plus cynique et moins humaniste, plus violent et moins serein, plus drôle et moins émouvant. Le film, réalisé avec une virtuosité remarquable, est un mélange d’humour noir, de satire sociale et de suspense. "Parasite est à mes yeux un drame plutôt réaliste, mais il pourrait tout aussi bien être perçu comme un polar, une comédie sociale ou encore un thriller horrifique", explique Bong Joon-ho.
Au bout d'une heure, l'histoire balance donc dans l'imprévu, et depuis Cannes le réalisateur et les producteurs implorent journalistes et spectateurs de ne rien révéler de la seconde moitié du film à ceux qui ne l'ont pas encore vu. Ils ont même lancé sur les réseaux sociaux le hashtag #DontSpoilParasite...
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