"The Search" : Michel Hazanavicius s'en va en guerre
Cela commence par un long plan-séquence de cinq minutes, pour lequel Michel Hazanavicius raconte avoir tenu lui-même la caméra. On est loin des OSS-117 et de The Artist. Les images, façon vidéo, montrent l'assassinat de villageois tchétchènes par des soldats russes.
Caché dans la maison de ses parents, Hadji, un gamin de neuf ans, a assisté à la scène. Il décide de s'enfuir, avec son sac à dos et son petit frère, encore bébé, dans les bras. Il marche sur la route, sans savoir où il va.
Sa grande soeur, Raïssa, revenue elle aussi à la maison, constate que ses deux petits frères ne sont plus là. Elle part à leur recherche, mais il sont déjà loin. Parmi les civils en exode, elle va gagner la ville.
Là, Carole (Bérénice Bejo), chargée de mission pour l'Union européenne, recueille des témoignages et oeuvre pour aider les réfugiés et victimes de la guerre. Elle croise le chemin d'Hadji, qui a laissé son petit frère en sécurité sur le perron d'une ferme, avant de gagner la ville lui aussi. Carole décide de prendre Hadji quelques jours chez elle.
De son côté, Kolia, un jeune Russe de 20 ans, est enrôlé dans l'armée. Petit à petit la machine va le broyer et faire de lui, garçon sympathique et timide, un soldat sans pitié...
Ces quatre destins vont se rejoindre, pour un final joliment tourné, après plus de deux heures de film. Aux horreurs de la guerre, filmées presque comme un documentaire, Michel Hazanavicius ajoute des scènes mélodramatiques et des personnages auxquels on s'attache.
C'est ce mélange des genres, et le caractère ambitieux de l'entreprise, qui n'a pas trop plu aux critiques lors du dernier Festival de Cannes, où le film était en compétition. Mais, dans la précipitation et la superficialité de la Croisette, beaucoup ont été trop sévères, sans doute. Tout le monde peut se tromper...
"The Artist était un bonbon. The Search, c’est autre chose", dit le réalisateur. "Il ne cherche pas à être joli. Il a fallu que je m’arroge le droit de faire un film politique, qui parle de manière mélodramatique de la guerre, le droit de donner mon avis sur quelque chose qui me dépasse complètement. Choisir de faire un film comme celui-ci est très ambitieux, voire très prétentieux. Mais j’assume. D’autant que j’espère bien refaire des comédies, qui est un genre de films que j’adore".
Michel Hazanavicius avait ce projet en tête bien avant The Artist. D'abord parce qu'il avait coproduit et coécrit en 2004 un documentaire, Tuez-les tous! Rwanda, histoire d’un génocide sans importance. Et ensuite parce qu'il avait reçu un mail d’un ami travaillant pour Médecins Sans Frontières au Kenya, à Dabaab, dans le plus grand camp de réfugiés du monde, qui se terminait par cette phrase: "Plus encore que des documentaires, il faudrait de vrais films avec des histoires pour que les gens sachent ce qui se passe et soient touchés".
Il a donc fait son travail de cinéaste, raconter une histoire romancée en se basant sur la réalité, pour toucher les spectateurs et les faire réfléchir. Sa compagne Bérénice Bejo l'accompagne dans ce film tourné en Géorgie, mais c'est le petit interprète du personnage d'Hadji qui tient la vedette.
Le garçon, un petit Tchétchène, se nomme Abdul-Khalim Mamatsuiev et a été choisi parmi 400 figurants de son âge. Dans un rôle muet presque de bout en bout (le personnage refuse de parler, après avoir été traumatisé par l'assassinat de ses parents et la fuite avec son petit frère), il est proprement extraordinaire et donne un visage très humain et très réaliste à cette guerre que les Européens voyaient d'assez loin.
(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):
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