"Je voulais juste sauver ma famille", le témoignage plein d'humanité de Stéphan Pélissier
Condamné à 7 ans de prison ferme en Grèce pour avoir voulu porter secours à sa belle-famille syrienne qui venait d'entrer dans le pays pour fuir la guerre cvile, Stéphan Pélissier est un homme "normal" emporté dans un tourbillon judiciaire hallucinant. Il raconte son histoire dans le livre "Je voulais juste sauver ma famille" qui sort ce jeudi 28.
Pour avoir voulu sauver sa famille, il encourt quinze ans de prison en Grèce où il est considéré comme un "passeur". Pourtant, il n'en est rien. Stéphan Pélissier, juriste dans le sud de la France, est juste un homme doté d'une volonté sans faille de faire triompher ce qui lui semble juste. Et ce qui lui semblait juste il y a cinq ans, c'était d'aller chercher sa belle-famille syrienne en Grèce où elle était arrivée au terme d'une éprouvante traversée pour fuir un pays ravagé par huit ans d'une guerre civile d'une violence indicible. Il raconte son histoire dans un livre pudique et touchant, intitulé Je voulais juste sauver ma famille (Ed. Michel Lafont) qui paraît ce jeudi.
Stéphan Pélissier est donc coupable de ce qu'il convient d'appeler un "délit de solidarité". En août 2015, lui et son épouse Zéna suivent avec anxiété le départ de leur famille qui a pris la périlleuse route de l'exil vers l'Europe depuis Damas. Quand il apprend que ses beaux-parents, sa belle-sœur, son beau-frère ainsi qu’un jeune cousin ont réussi à rejoindre la Grèce en traversant la mer Egée sur un frêle esquif et qu'ils s'apprêtent à renouveler l'opération pour rejoindre l'Italie, Stéphan annonce fermement à sa femme que sa décision est prise: il part les chercher toutes affaires cessantes pour les ramener en France afin de leur éviter la terrible route des Balkans.
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Arrivé en Grèce, il récupère sa belle-famille mais au moment de prendre le ferry pour rallier l'Italie, tous sont arrêtés par la police grecque. Quelques jours plus tard ils sont libérés et la famille de Stéphan Pélissier, à court de solutions, décide de risquer la route des Balkans. Après des péripéties terribles, notamment en Hongrie où la famille subit la dure loi du gouvernement Orban, ils finiront par rejoindre la France.
Deux ans plus tard, Stéphan Pélissier est accusé par la justice grecque d'être un passeur. En première instance le couperet tombe: il est condamné à sept ans de prison ferme pour avoir "simplement voulu sauver sa famille". Le juriste a fait appel de cette décision, le verdict sera rendu vendredi 1er mars par le tribunal de Patras en Grèce.
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C'est cette histoire et la longue épreuve judicaire qui s'en est suivie que raconte ce livre bouleversant de sincérité. "Nous sommes des gens simples, nous nous retrouvons dans une tourmente qui nous dépasse, mais que nous ne voulons pas laisser nous emporter", écrit Stéphan Pélissier. On y saisit aisément les risques infinis auxquels ont été exposés la famille durant son périple, du naufrage en mer Egée aux camps d'internement en Hongrie.
La grande force de cet ouvrage réside dans la multiplication des narrateurs. Le récit d'Anas, le petit frère de Zéna qui était adolescent en quittant la Syrie, est particulièrement touchant. Le livre dresse un portrait bien dur, et ô combien réaliste, de la difficulté des conditions de vie de ces déracinés qui prennent le chemin de l'exil, souvent sans retour, pour fuir la guerre ou une misère indicible. Parfois, au détour du récit, l'humanité ressurgit à travers un jeune policier grec compatissant, une médecin française ou un traducteur hongrois qui ouvre la porte d'une cellule.
Il permet aussi de réaliser que petite victoire par petite victoire, la justice finie par triompher.
Trois questions à Stéphan Pélissier:
> Pourquoi avoir voulu raconter votre histoire dans un livre?
"Au delà de raconter notre histoire, que nous vivons comme une injustice au regard du fait que ce qui m'est reproché en Grèce n'est pas condamnable en France, nous voulions aussi sensibiliser sur la situation des réfugiés. Ce livre permet également de nous libérer de toutes les émotions, bonnes ou mauvaises, que nous avons emmagasinées au cours de cette épreuve.
"Je voulais aussi faire que notre histoire dépasse le simple stade du fait divers. A travers notre récit nous voulions illustrer avec un exemple concret la plus grande crise migratoire que traverse le monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais aussi la crise morale dans laquelle est plongée l'Europe et en particulier la France qui n'est plus la grande terre d'asile pour tous les opprimés à travers le monde qu'elle a été pendant son histoire".
> Qu'attendez-vous du procès vendredi?
"Nous attendons le verdict avec une certaine fébrilité. On espère une relaxe mais on ne s'autorise pas d'excès d'optimisme. Néanmoins, nous abordons ce procès en appel avec des meilleures dispositions et une meilleure défense que lors de la première instance. Notre avocat va mette en avant non seulement mes liens de parenté avec les personnes que j'ai voulu secourir, mais il va également s'appuyer sur des conventions internationales qui stipulent que l'on est réfugié à partir du moment où l'on quitte son pays. Par conséquent, ma belle-famille aurait du jouir du statut de réfugié en Grèce et non être considérée comme des migrants illégaux.
"Nous sommes également un peu plus optimistes du fait que nous bénéficions cette fois-ci du soutien de l'Etat français. Un représentant officiel du consulat sera présent à l'audience ce qui est extrêmement rare pour un procès de cette nature en Europe. Nous espérons que cela fera pencher la balance en notre faveur. Nous espérons un acquittement ou une peine symbolique avec sursis. Nous pourrons enfin laisser cette histoire derrière nous et avancer avec sérénité".
> Votre famille dispose désormais du droit d'asile en France, comment va-t-elle?
"Mes beaux-parents, qui sont dorénavant installés dans le Loiret, veulent désormais aller de l'avant. Ils font des efforts pour perfectionner leur français et désirent pleinement s'intégrer dans la société. Mon beau-père cherche une formation pour faire du ramassage scolaire, il refuse de rester inactif et propose ses services aux voisins pour des menus travaux de bricolage.
"Le petit frère de mon épouse, Anas, fait notre fierté. Il s'épanouie pleinement en France et prépare actuellement son baccalauréat. Il souhaite intégrer une école d'ingénieur".
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