C'est l'histoire d'un mec qui s'appelait Coluche (DIAPORAMA + VIDEO)
"Grossier mais jamais vulgaire" était sa devise, à une époque où la parole était un peu moins libre qu'aujourd'hui. Quoique... Trente ans après sa mort, Coluche laisse une trace indélébile dans la société française: ses sketches, son humour, ses rôles au cinéma, ses prises de position politiques mais surtout les Restos du coeur, que la bande des "Enfoirés" perpétue et soutient année après année depuis trois décennies.
Michel Colluci est né le 28 octobre 1944 dans le 14ème arrondissement de Paris, d'une mère française et d'un père italien qui décède trois ans après sa naissance. Elevé par sa mère, il passe sa jeunesse entre Montrouge et Paris, fruit d'une génération peu attirée par le travail en usine et qui espère percer dans la variété. Il chante du Brassens aux terrasses des cafés parisiens puis entre dans la troupe du Café de la gare fondé par Romain Bouteille en 1969, où il ne reste que quelques mois. Après quelques errances entre la télévision et la radio et la création de la troupe Le vrai chic parisien, il se lance dans une carrière en solo, avec son premier sketch, "L'histoire d'un mec". Diffusé par Guy Lux en mai 1974, il lui apporte un succès populaire immédiat. Il se produit ensuite à l'Olympia dans son premier one man show, "Mes adieux au music-hall", dans lequel apparaissent pour la première fois sa fameuse salopette bleue et son tee-shirt jaune. Il y incarne ses personnages favoris: l'étudiant, le syndicaliste, le raciste, le policier, le clochard et beaucoup d'autres, dessinant à travers eux une fresque de la société des années 1970 qui, après le rebond de mai 68, s'enfonce doucement dans la déprime.
Homme de cinéma, Coluche tourne sous la direction de réalisateurs de renom. En 1976 il joue dans Les vécés étaient fermés de l'intérieur de Patrice Leconte, puis dans L'aile ou la cuisse de Claude Zidi où il donne la réplique à Louis de Funès. Son interprétation de Micky dans La femme de mon pote de Bertrand Blier fait douloureusement écho à une période plus sombre de sa vie du début des années 1980 après le suicide de son ami Patrick Dewaere quelques mois plus tôt. La consécration arrive en 1984 lorsqu'il reçoit le César du meilleur acteur pour son rôle dans Tchao Pantin de Claude Berri: il y interprète un pompiste alcoolique et dépressif qui se lie d'amitié avec un jeune dealer (Richard Anconina) dont il va venger l'assassinat.
Mais son coup d'éclat ne se situe pas sur scène ou sur l'écran, il reste sans doute sa vraie-fausse candidature à la présidence de la République pour l'élection de 1981. Il annonce sa candidature le 26 octobre 1980 au journal télévisé: une candidature "bleu-blanc-merde" qui entend défendre "toutes les minorités" et dont il imprime le programme par le biais de Charlie Hebdo. Aussi improbable semble-t-elle, cette candidature est soutenue par des intellectuels comme les philosophes Pierre Bourdieu et Gilles Deleuze et ses slogans sont restés dans les mémoires: "Le seul candidat qui n'a pas de raison de mentir" ou encore "Ils nous prennent pour des imbéciles, alors votons pour un imbécile". Coluche est crédité de 12,5% des attentions de vote et sa candidature est prise très au sérieux par les politiques qui le craignent un peu: François Mitterrand est encore assez bas dans les sondages et Valery Giscard d'Estaing est fragilisé par la situation économique du pays. La candidature de Coluche prend alors une ampleur, qu'il n'avait sans doute pas imaginée, puisqu'un candidat anti-Coluche se présente à l'élection. L'assassinat de son régisseur René Gorlin, qui le marque profondément, le pousse à retirer sa candidature le 16 mars 1981.
Humoriste, acteur, homme de radio, Coluche était aussi engagé dans l'action sociale et c'est l'héritage le plus important qu'il reste de lui aujourd'hui. Il participe au lancement de SOS Racisme par Harlem Désir en 1984 et chante sur le titre Ethiopie en 1985 avec de grands noms de la chanson française comme Renaud, Francis Cabrel et Jean-Jacques Goldman. Le 26 septembre 1985, en direct sur la radio Europe-1 dans son émission Y en aura pour tout le monde, il fonde Les Restos du cœur en prononçant cette fameuse phrase: "J'ai une petite idée comme ça, si des fois y'a des marques qui m'entendent, je ferai un petit peu de publicité tous les jours. Si y'a des gens qui sont intéressés par sponsorer une cantine gratuite qu'on pourrait commencer par faire à Paris par exemple, et qu'on étalerait après dans les grandes villes de France..." Trente ans après son appel, les Restos du coeur distribuent près de 130 millions de repas par an dans plus de 2.000 centres et ont reçu 93,3 millions d'euros de dons pendant leur campagne 2015-2016.
(Voir ci-dessous la vidéo de La chanson des Restos, premier clip des Enfoirés en 1986, et un diaporama sur Coluche):
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