Tara l'ourse polaire face au réchauffement climatique – Episode 2 : la naissance

Auteur:
 
Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction.
Publié le 03 mai 2019 - 18:52
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Une ourse polaire et ses deux petits.
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Tara a donné naissance à ses deux petits.
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L'ours polaire est en première ligne face au réchauffement de la planète et à la fonte des glaces. Afin de comprendre ce que le changement climatique implique pour cet animal, Jean-Marc Neumann, président de TELAS Conseil, consultant en stratégie, politique et règlementation de la protection animale, vous propose en collaboration avec France-Soir de découvrir l'histoire pas si fictive de Tara qui donne naissance à ses deux petits dans le deuxième épisode de cette série.

 

Dehors les vents violents et les rafales de neige balayent l’île dans la nuit polaire. Le 5 janvier, Tara est réveillée par des cris. Elle émerge lentement de sa torpeur, ouvre les yeux et découvre sa portée: deux oursons, un mâle et une femelle. Ils sont minuscules aux côtés de leur mère. La comparaison est saisissante; eux ne pèsent que 600 à 700 grammes alors que leur mère pèse encore plus de 300 kilogrammes et mesurent entre 25 à 30 centimètres de longueur.

Une peau légèrement rosée recouverte de quelques poils transparents. Ils ne voient pas encore le jour et sont sourds. Ce sont deux petits êtres vivants totalement démunis, incapables de survivre à l’extérieur où les températures sont à présent tombées à -30°C. Qui peut imaginer en les contemplant qu’ils seront tous deux, à l’âge adulte, des représentants de la plus grosse espèce carnivore terrestre dont certains peuvent peser entre 800 et plus de 1.000 kilogrammes.

Tara attire sa portée contre elle pour l’alimenter de son lait extrêmement riche (plus d3 30% de matière grasse) qui permettra aux oursons de se développer rapidement. Ils devront en effet être capables à leur sortie de tanière de résister au froid et à suivre leur mère durant un long voyage initiatique de plus de deux ans.

Il fait bon dans la tanière grâce à l’exigüité de la chambre et la chaleur dégagée par l’ourse. Cette chaleur leur est indispensable pour survivre.

Les jours passent. Les yeux des deux oursons s’ouvrent progressivement au bout de trois semaines. Leur première canine apparait après un mois et demi. Les oursons se jettent à présent avec avidité sur les tétines de leur mère. Ils vont ainsi pouvoir accumuler beaucoup de graisse au cours des quelques semaines qui les séparent de la sortie de la tanière. Leur poids sera multiplié par vingt en l’espace de trois mois.

Nous sommes maintenant le 19 mars.

De l’extérieur, aucun indice ou presque, ne révèle l’existence de la tanière. Seul un observateur avisé peut détecter sa présence. La tanière aura préservés l’ourse et sa progéniture des rigueurs de l’hiver et leur aura épargné les tempêtes de vent ainsi que des températures proches parfois de -35° C.

Le ciel est lumineux, il fait autour de -15° C lorsque Tara émerge lentement et prudemment de sa tanière.

Ce n’est pas le hasard si elle a choisi ce jour pour sortir. Elle a perçu au travers de la fine couche de neige qui recouvre le toit de la tanière que les jours deviennent plus longs et que l’intensité lumineuse devient plus forte. Peut-être a-t-elle aussi entendu quelques-unes de ses congénères émerger avant elle de leur tanière?

D’abord l’extrémité de son nez, puis progressivement sa tête puis c’est tout son corps qui s’extrait lentement de la tanière.

Après plus de quatre mois d’obscurité et de sommeil, Tara doit à nouveau s’habituer à la lumière. Elle est éblouie. La lumière est violente, elle lui brûle les yeux.

Après plusieurs mois de confinement dans une tanière de moins de quatre mètres carrés, ses muscles doivent progressivement s’habituer à l’exercice physique. Elle doit assouplir ses membres. Elle s’étire lentement et à plusieurs reprises puis reste assise devant la tanière, son nez humant l’air encore glacial qui souffle sur la vallée. Tara incline sa tête vers le bas de la pente sur laquelle elle est installée puis la relève et observe le paysage immaculé qui s’offre à elle.

Une période difficile va commencer pour elle et ses deux oursons qui encore blottis au fond de la tanière. Depuis quelques jours, ils s’amusent à creuser ou plutôt à racler la neige à l’intérieur de la chambre. Ils sont prêts désormais pour s’élancer dans la vie.

Encore deux ou trois jours et ils découvriront à leur tour, et pour la première fois, la lumière et ce qui sera leur univers pour les quelques vingt à trente années de leur vie. Pour l’instant, ils ne sont pas encore préparés à faire face seuls à ce désert de glace dont la surface est sculptée par les tempêtes de vent.

Seuls, ils seraient condamnés.

Pour l’instant et pour les deux années et demi à venir, ils devront compter sur Tara pour se nourrir, apprendre à chasser, à éviter les dangers, à apprendre l’aide jeux les rituels et le langage des ours. Ils devront également apprendre à gérer une réalité nouvelle qu’ils doivent aux hommes : le réchauffement climatique qui les expose à de multiples difficultés et qui menace tout leur écosystème.

Bref, les oursons devront acquérir au plus vite toutes les techniques de survie que Tara leur enseignera. 

Deux jours après leur mère ils font enfin leur apparition. D’abord le mâle, suivi immédiatement de sa sœur. Les pas sont hésitants. Ils paraissent effrayés. La présence de leur mère au seuil de la tanière les rassure. Ils se décident à affronter la vie.

Petites boules pataudes au pelage immaculé que rien de distingue de la neige sinon trois ronds noirs : les yeux et le nez. Voilà à quoi ressemble à sa sortie de tanière ce gros prédateur qui ne connait qu’un seul ennemi, l’homme. Le mâle doit peser environ 15 kilogrammes, la femelle est plus petite, environ 12 kilogrammes. A peine la taille et le poids d’un chien moyen.

L’ourse adopte s’assied devant l’entrée de la tanière en prenant appui contre la pente et attire ses petits vers elle pour les allaiter.

Au bout d’une dizaine de minutes, Tara descend d’un mouvement lent et chaloupé la pente enneigée suivie par sa progéniture qui se laisse glisser sur le dos, sur le ventre, qui n’a de cesse de multiplier les jeux, cabrioles et pitreries. Tara ne participe que très rarement aux jeux. Elle se laisse pourtant attendrir de temps à autre et accepte de jouer brièvement avec ses oursons.

Tara sait cependant que le temps de l’insouciance et des jeux doit très vite céder la place à l’enseignement des règles élémentaires de vie. L’éducation ne peut attendre. Elle n’a que deux ans devant elle pour faire de ses oursons des êtres capables d’évoluer en toute sécurité, de se nourrir, de s’imposer auprès de leurs congénères et rivaux pour pouvoir transmettre leurs gênes à une nouvelle génération afin que se perpétue l’espèce.

L’ourse surveille attentivement chaque pas, encore maladroit, de ses deux oursons turbulents. Elle doit également humer l’air et scruter les alentours pour s’assurer qu’aucun mâle ne s’approche d’eux. Les petits seraient en danger. Une mère ourse vivant en liberté est généralement une mère attentive qui défend ses petits avec une ardeur peu commune.

Tout le monde le sait. Les ours mâles également le savent. Certes, ces derniers sont beaucoup plus forts physiquement que les femelles (ils sont parfois près de trois plus gros) mais ils se méfient néanmoins des ourses accompagnées par leur progéniture qui sont prêtes à se battre vigoureusement pour la protéger.

Tara et ses petits vont tout d’abord explorer prudemment les environs de la tanière. Ils ne s’en éloigneront pas. Puis les expéditions seront progressivement plus longues. L’éducation des oursons a débuté.

L’ourse quittera bientôt la chaleur réconfortante de sa tanière et la vallée pour un long et dangereux périple vers le Nord-Est. Sa survie et celle de ses petits en dépendront.

Pour l’instant l’île est encore entourée de la banquise qui s’étend jusqu’au pôle nord.

Avant que la glace ne libère presque complètement l’île de son étreinte en juillet, Tara devra la quitter avec ses petits.

Elle devra suivre les mouvements de la glace pour trouver de la nourriture tout au long de l’été.

Mais l’ourse sait qu’il lui faudra, auparavant, se nourrir à nouveau afin de reconstituer les forces qui lui seront nécessaires pour le long et périlleux voyage qui s’annonce.

Tara a perdu près de la moitié de son poids au cours de l’hiver et depuis la sortie de la tanière.

Elle doit repartir chasser. La période est tout à fait propice car la sortie de tanière correspond, la nature est décidemment bien faite, à la naissance des bébés phoques. Ces derniers sont encore naïfs et sans défense et constituent des proies faciles pour les nombreux ours qui peuplent l’île à cette période de l’année.

Tara pourra constituer la réserve de graisse indispensable à sa survie et à celle de ses deux petits.

Lire aussi:

Tara l'ourse polaire face au réchauffement climatique – Episode 1: la tanière

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