Croissance en France : pourquoi les prévisions sont probablement trop optimistes
Le lien entre vigueur de la croissance (alors supérieure à 2%) et baisse du chômage est connu. Elle a même été démontrée par la loi d'Okun. Autant dire que face à notre chômage de masse, nous avons –plus que bien d'autres pays européens– besoin de croissance économique. Or, le ciel est en passe de s'assombrir sur plusieurs critères qui formaient ce que l'on nomme l'alignement des planètes.
Tout d'abord, l'euro s'est renchéri et flirte avec les 1,25 dollar ce qui devient une difficulté pour certains secteurs exportateurs. Parallèlement, les matières premières et notamment le pétrole (brent à 72 dollars) sont désormais à un niveau qui handicape notre appareil productif et redevient une sorte de ponction frontale de pouvoir d'achat. Enfin, les trois ou quatre futures hausses des taux directeurs de la FED programmées d'ici à neuf mois vont redonner un prix à l'argent et contraindre la BCE à réagir même si l'Europe n'est pas au même stade de son cycle économique que les Etats-Unis dont le livre "beige" de la FED publié le 18 courant a indiqué que la croissance "se maintenait à un niveau modeste".
Pour Patrick Artus, chef économiste de Natixis, "le pic de croissance dans la zone euro est derrière nous" notamment du fait des difficultés d'embauche des entreprises (toutes tailles confondues) et de la moindre efficacité de la politique monétaire. Pour ma part, j'accorde une importance aux marchés actions qui commencent à être proportionnellement chers et je garde activement en mémoire que les chartistes nous rapportent que les évolutions de Wall Street à un tel rythme n'ont été enregistrées que deux fois: en 2000 avec la bulle des valeurs internet et pendant le premier semestre de la trop fameuse année 1929. L'hypothèse d'une correction sévère des marchés –transmissible à l'Europe et au Japon– n'est donc pas une chimère et devient une forte probabilité.
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D'autant qu'aux Etats-Unis, le contenu de la croissance va évoluer. D'une part, le rapatriement, sur injonction fédérale, de près de 3.000 milliards de dollars de trésorerie off-shore conjugué avec l'impact de la méga-réforme fiscale vont rendre attractives bien des valeurs américaines. Ces liquidités abondantes vont exacerber la survalorisation des marchés et approfondir les risques de krach.
S'agissant de la France, de nombreux commentateurs sont restés fort discrets pour ce qui concerne une information préoccupante. Une récente étude de l'Insee enregistre la baisse de l'indice de la production manufacturière. "En février 2018, la production diminue de nouveau dans l'industrie manufacturière ( -0,6%, après -1,0% )". Plus avant, on constate que la tendance de la croissance n'est plus aussi vigoureuse si l'on établit une comparaison entre le niveau du dernier trimestre 2017 et celui du début de l'année 2018. Autrement dit, je crois qu'il nous faut être lucide et corriger les prévisions de 2,1% pour 2018 et de 1,9% pour 2019. La réalité se calera en-deçà de ces valeurs ce qui posera une difficulté significative en matière de trajectoire des finances publiques.
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Les objectifs poursuivis par le président Macron, légitimement attaché à la réduction des déficits publics, semblent d'ores et déjà hors de portée par-delà l'opinion rassurante à l'extrême du Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) via son avis rendu le 13 avril dernier où "la prévision de croissance du gouvernement de 2,0% est réaliste". Pour 2019, le HCFP est plus hardi et indique explicitement: "La croissance connaîtrait en 2019 un infléchissement plus prononcé que dans la prévision du gouvernement". Selon toute probabilité, nous cheminons vers des temps plus ardus que prévu initialement.
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