France Télévisions : l'inexorable dérive financière

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 07 juin 2018 - 16:20
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Le siège de France Télévisions à Paris, en septembre 2017
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© LUDOVIC MARIN / AFP/Archives
France Télévisions poursuit sa dérive, avec une hausse des coûts malgré des baisses d'effectifs.
© LUDOVIC MARIN / AFP/Archives
La réforme de France Télévisions s'annonce difficile et conflictuelle. Pourtant, et sans préjuger de la qualité ou non des projets proposés, une évolution du groupe audio-visuel publique est indispensable. Car malgré les réductions d’effectifs bien réelles, le groupe largement financé par l'argent public ne parvient pas à réduire ses dépenses. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, dresse pour "France-Soir" un bilan de la situation.

La question de l'audiovisuel public concerne la plupart d'entre nous et ce pour un triple motif. En premier lieu, nous sommes nombreux à être clients des écrans de France Télévisions. En deuxième lieu, payant la redevance, nous sommes concernés. Enfin, compte-tenu du déficit chronique de France Télévisions à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, nous sommes –contribuables– visés par la qualité de la gestion de cette société holding constituée en 2000 et qui vient donc de passer le cap de la majorité civile.

En 20 ans, l'audience moyenne des chaînes du groupe a chuté de plus de 11,5 points pour se stabiliser autour de 28% (contre 27,6% pour TF1). France 2 perdant un peu plus de 9 points. Autrement dit, France Télévisions n'a pas tenu le choc face à l'arrivée de nouvelles offres via la TNT depuis 2005. C'est un sujet de préoccupation majeur et il est clair qu'il rejoint un autre point-clef: la migration des jeunes téléspectateurs vers de nouveaux supports. Les moins de 25 ans se polarisent davantage devant Netflix que devant l'offre inégale des programmes de France Télévisions qui ne présente pas un catalogue de fictions aussi attrape-tout que TF1.

En 2016, la Cour des comptes a émis un rapport au titre éloquent: "France Télévisions: mieux gérer l'entreprise, accélérer les réformes" (voir ici). Traitant de la période 2009-2015, la Cour relève le niveau significatif du déficit d'exploitation (plus de 30 millions d'euros de pertes), le retard dans le numérique et les errements de la politique salariale, entre excès de la présidence, et augmentation de 57% du nombre de cadres ayant une rémunération supérieure à 70.000 euros par an (entre 2009 à 2013). A titre d'illustration le récent litige prud'homal qui oppose l'animateur Tex à la chaîne a permis d'apprendre que sa rémunération, en partie fixe, était de 27.500 euros brut mensuel.

Cette question des grilles de rémunération n'est pas abordée en profondeur par le récent rapport parlementaire de Frédérique Dumas (députée LREM, vice-présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale). En effet, les sept députés qui ont contribué à cette réflexion se contentent à souligner un paradoxe qui est, il est vrai, savoureux ou sinistre. A savoir que la masse salariale –qui est une question– a augmenté de 3% entre 2012 et 2017 par-delà une baisse des effectifs de 6,2%. Pour reprendre un mot célèbre de feu Antoine Riboud (Danone): "On sent une tôle qui est gérée!".

Effectivement, ce hiatus entre effectifs et masse salariale conduit nécessairement à être plus que dubitatif quant à la rigueur de la gestion du groupe. Composé de plus de 10.600 personnes, France Télévisions présente un chiffre d'affaires d'un peu plus de 3 milliards dont 2,5 de redevance audiovisuelle. Si vous y ajoutez la publicité, vous situez vite que les ressources propres, les ventes sur droits dérivés, etc sont inférieures à 12% du chiffre d'affaires.

Lire aussi - "Complément d'enquête" attaqué par Bolloré pour diffamation: France 2 relaxée

Marcel Jullian, brillant président fondateur d'Antenne 2 avait incontestablement plus de vista et d'ambition pour ce pôle public. En ce moment, nous sommes soumis à l'ère des pseudo-gestionnaires qui ont l'art de dénicher des ruelles qui se muent en impasses. Ainsi, dans le rapport Dumas, il est indiqué que le futur feuilleton quotidien (programmé pour septembre) présente un "risque de catastrophe industrielle" (sic). Toujours dans ce même texte des parlementaires, il est révélé que les surcoûts de fabrication interne oscillent entre 35 et 50% pour des soirées du type des Molières.

A titre personnel et en tant qu'ancien commissaire aux comptes, je note que bien peu osent aborder la question des co-productions qui mobilisent des fonds du CNC ou des collectivités régionales. L'univers de la fiction chez France Télévisions a depuis longtemps dépassé une réalité acceptable. Que penser des salariés davantage payés que le nombre de jours calendaires du fait du coûteux système de la rémunération à la tâche? Présence surnuméraire des cadres, temps de travail ne favorisant pas "l'efficience", voilà quelques autres conclusions du rapport Dumas.

Autant dire que la Cour des comptes n'aura guère été entendue par des dirigeants qui coûtent plus de 400.000 euros au groupe hors avantages d'usage. Oui, France Télévisions c'est d'abord la lutte entre le rationnel et l'usage pour ne pas dire purement et simplement le laxisme.

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