De Nordahl Lelandais à l'opératrice du Samu, que risquent ceux qui les menacent sur Internet

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Thierry Vallat, édité par la rédaction
Publié le 08 juin 2018 - 20:42
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Les données personnelles de "jusqu'à 2,7 millions" d'utilisateurs européens de Facebook ont pu être transmises de "manière inappropriée" à la firme britannique Cambridge Analytica
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© NORBERTO DUARTE / AFP/Archives
Les menaces envers les auteurs présumés d'infractions peuvent être sévèrement punies.
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A l'heure des réseaux sociaux, de nombreux contenus haineux sont déversés sur la toile. Et lors d'affaires médiatisées comme le cas Maëlys/Nordahl Lelandais, Angélique ou Naomi Musenga, les personnes mises en cause ou leurs proches sont parfois menacés en ligne. Mais leur statut ne change pas les règles concernant les messages haineux que rappelle en partenariat avec "France-Soir" Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris.

A l’occasion d’affaires fortement médiatisées comme celle concernant les meurtres des petites Maëlys puis Angélique, celle visant le boulanger Nice ou l'opératrice du Samu, de nombreux internautes, parfois membres des famille des victimes, utilisent les réseaux sociaux pour déverser un torrent de haine, révéler l'identité des suspects, ou réclamer la peine de mort contre eux, et même menacer leur famille. Ces derniers jours, depuis lundi 4, de tels comportements ont pu être observés concernant le meurtre de Kévin C. à Mourmelon-le-Grand.

Un message sur 10 publié sur le net serait un message de haine selon un rapport remis au gouvernement en mai dernier. Et en 2015, 27% des millions de commentaires postés sur les sites d’informations et sur les pages Facebook ont été retirés par les plateformes qui ont modéré des messages haineux.

Internet n’est pourtant pas une zone de non-droit et il existe une règlementation qui s’applique à ce type de comportements répréhensibles.

Voir: Réseaux sociaux et contenus répréhensibles: que peut-on partager, liker, retweeter

> Messages haineux ou menaçants sur internet

La liberté d’expression prévue par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas absolue. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 recense en effet les différentes limites à la liberté d’expression, en modifiant et créant plusieurs dispositions dans la loi du 29 juillet 1881.

Elle a notamment introduit dans la loi un article 24 qui punit la provocation à la haine de 45.000 euros d’amende et de cinq ans d’emprisonnement. Les moyens utilisés pour diffuser ces messages étant  listés à l’article 23 .

Cet article 23 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que "seront punis comme complices d'une action qualifiée de crime ou délit ceux qui (…) par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet".

Internet et les réseaux sociaux font  partie intégrante des "moyens de communication au public par voie électronique". Il ne faut donc pas envoyer sur le web, notamment Instagram, Facebook ou Twitter des messages haineux ou menaçants.

Voir aussi: Meurtre d'Angélique - la femme de David Ramault reçoit des menaces, elle porte plainte

En France, l'injure sur Facebook ou un réseau social sera considérée comme publique si elle est lancée sur un profil, un groupe ou une page publique. Si elle est en revanche publiée dans le cadre d'un groupe privé, d'une page d’une communauté peu nombreuse ayant un même intérêt par exemple, alors, elle sera considérée comme injure non publique.

C’est ainsi qu’un jugement du TGI de Paris du 7 septembre 2017 a condamné à un an d’emprisonnement et de substantiels dommages et intérêts un internaute qui envoyait des messages injurieux sur le net, assortis d’insultes à caractère raciste, ce qui a alourdi sa peine.

Le tribunal a définit la provocation de façon large, notamment en rappelant qu’elle ne doit pas nécessairement appeler à la commission d’un fait précis. Enfin, il a déterminé le caractère intentionnel de l’infraction, qui était clairement revendiquée par l’individu et n’a ainsi posé aucune difficulté.

Le tribunal, ensuite, a caractérisé le délit d’injure à travers l’article 2 de la loi de 1881. Ce dernier dispose que l’injure comprend "toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait". Celle-ci est punie de 6 mois d’emprisonnement ainsi que de 22.500 euros d’amende.

Concernant les menaces, elles sont pareillement incriminées et punies  et c’est ainsi qu’un nordiste s'était vu infliger le 12 août 2016 cinq mois de prison ferme pour menaces de mort en raison d'un tweet appelant à assassiner François Hollande et Manuel Valls.

Lire aussi: Des agents du Samu portent plainte, menacés après le décès de Naomi Musenga

> Injure à caractère raciste

La loi Gayssot pose par ailleurs d’autres limites à la liberté d’expression, comme la diffamation ou l’injure à caractère raciste.

C’est ainsi qu’un jugement du 9 mars 2016 a par exemple condamné un internaute à deux mois ferme d’emprisonnement pour des tweets à caractère antisémite.

Il a été reconnu coupable de "provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale" (article 24 alinéa 7 de la loi du 29 juillet 1881), ainsi que de "diffamation publique à caractère racial" (article 32 de la même loi) – deux délits passibles d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende.

> Le cyber- harcèlement

Tout aussi répréhensible, le harcèlement par Internet ou cyber-harcèlement peut prendre plusieurs formes: des messages réitérés envoyés nuit et jour à la victime pour s’en moquer directement ou via un réseau social interposé,  accompagnés ou non de menaces, la diffusion de fausses informations sur une personne sur des pages Facebook…

La création d'un délit particulier est intervenue en août 2014 avec l’article 222-33-2-2 du code pénal qui dispose que "le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail".

Lorsque ces faits sont commis en ligne, la peine passe à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.

C’est ainsi par exemple que, suite à des propos sur un site de jeux vidéo, la journaliste Nadia Daam a reçu des milliers de  messages de haine, de tweets insultants, d'injures à connotation sexuelle mais aussi des menaces de viol, voire de mort. Elle vu plusieurs de ses comptes de réseaux sociaux et sa boîte mail piratés. Sa fille a également été menacée et une personne est même venu frapper en pleine nuit à son domicile.

Mais la réalité va rattraper ces cyber-harceleurs. En effet, suite à sa plainte, la police a tôt fait de retrouver sept de ces harceleurs présumés par leurs traces numériques. Et le 5 juin 2018, deux d'entre eux comparaîtront devant la 30e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

> Les raids numériques

Mais de plus en plus fréquemment, justement lors de procès médiatisés ou d’affaires évoquant des violences contre des enfants, ces comportements ne se font pas uniquement individuellement, mais en meute avec des vagues de tweets ou de messages relayées de manière virale sur internet.

Aller plus loin: Harcèlement sexuel et réseaux sociaux: #balancetonporc ou les dangers du "name and shame"

Pour lutter contre le fléau que représentent les raids numériques sur internet, Marlène Schiappa, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a élaboré une loi pénalisant plus complètement ce type de cyber-harcèlement. En souhaitant que tous les participants à un tel acte puissent être condamnés.

L'idée est que même si vous n’avez participé à du cyber-harcèlement qu’avec quelques tweets, ou quelques messages sur des forums, vous pourrez être condamné.

L’Assemblée nationale vient d‘adopter le 16 mai dernier ce projet de loi dont l’article 3 réprime les raids numériques contre une personne, notamment lorsque des propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.

Cette nouvelle disposition va permettre de mieux sanctionner des messages adressés par toute une communauté à une seule et même personne.

Retrouvez d'autres analyses de l'acutalité juridique sur le blog de Thierry Vallat.

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