PMA "pour toutes", GPA : bientôt l’ouverture ?
L'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, y compris les célibataires et les couples lesbiens, est à l’ordre du jour et un projet de loi sera bientôt débattu au Parlement, ce qui soulève plusieurs questions juridiques et éthiques au niveau national et européen.
> Le régime de la PMA
L’assistance médicale à la procréation (AMP, communément appelée PMA) est régie par les articles L 2141-1 et suivants du code de la santé publique.
Elle est actuellement réservée aux couples hétérosexuels (mariés, pacsés ou en concubinage depuis deux ans) en âge de procréer et présentant une infertilité pathologique médicalement constatée ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant.
Lire aussi: PMA - deux demandes d'adoption au sein de couples homosexuels validées
Différentes techniques sont envisageables: insémination artificielle du sperme du conjoint ou d’un tiers-donneur, fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de spermatozoïdes des conjoints ou de tiers-donneurs afin d’obtenir des embryons qui seront réintroduits ensuite dans l’utérus de la femme.
La loi proscrit toute transaction financière pour cette pratique: le don de gamète est anonyme et gratuit (don de spermatozoïde ou don d’ovocyte).
Attention: le double don est prohibé et les couples dont les deux membres seraient stériles ne peuvent ainsi pas avoir recours à la PMA.
L’assurance maladie prend en charge à 100%, si la femme a moins de 43 ans.
En 2015, 24.839 enfants sont nés grâce à ces techniques, soit environ 3% des enfants nés en France cette même année.
> La PMA sera-t-elle étendue ?
La promulgation de la loi du 17 mai 2013 en ouvrant le mariage aux couples de même sexe avait modifié les termes du débat autour de la PMA puisque la loi reconnaît qu’un enfant peut avoir deux parents du même sexe. Cependant, le recours à la PMA reste aujourd’hui impossible pour ces couples.
Cette PMA est en revanche déjà autorisée pour les célibataires et homosexuels dans plusieurs pays européens comme l’Espagne, la Belgique, le Danemark (pour les femmes mariées uniquement), la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.
Une première évolution est intervenue lorsque la Cour de cassation a autorisé d’inscrire à l’état civil en France des enfants nés grâce à la fécondation in vitro ou par insémination à l’étranger.
Il existe également un débat sur la PMA post-mortem qui existe déjà dans 15 pays européens.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de statuer sur le recours de deux Toulousaines trentenaires, mariées depuis quatre ans, qui contestaient le refus de l'hôpital de Toulouse de leur accorder l'accès à la procréation médicalement assistée, réservée aux couples hétérosexuels. Elles invoquaient le caractère discriminatoire de ce refus, contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.
Mais dans une décision rendue le 8 février 2018, la CEDH a déclaré leur recours irrecevable, faute d’avoir épuisé les voies de recours internes. Une contestation de forme donc mais pas de fond.
Voir: Refus de PMA, la CEDH rejette la plainte d'un couple de femmes mariées
Le Comité national consultatif d’éthique, dans un avis publié en juin 2017 ne formule aucune opposition à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, y compris donc aux femmes lesbiennes et aux femmes célibataires. Il considère que cette ouverture à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles.
Et il s’agit d’une promesse de campagne du candidat Macron: dans son programme, Emmanuel Macron s'était en effet déclaré "favorable à l'ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes". Mais rappelons-nous que pendant son quinquennat, François Hollande avait abandonné sa promesse d'une ouverture de la PMA aux femmes seules et homosexuelles.
> Et la GPA?
En France, la gestation pour autrui (GPA) est interdite. La GPA est le fait d'avoir recours à une "mère porteuse" qui mettra au monde un enfant pour le compte d'un couple tiers.
Pourtant, sept pays l’autorisent en Europe. En Belgique, aux Pays-Bas, en Pologne et en Slovaquie, aucune législation ne l’interdit, même si aucun cadre précis n’est défini pour l’autoriser. En revanche, elle est légalement encadrée en Roumanie, en Irlande, où une loi protège cependant l’embryon, et au Royaume-Uni, où il est interdit de pratiquer des GPA contre rémunération.
Si la Cour de cassation a déjà en France autorisé des inscriptions à l’état civil d’enfants nés à l’étranger de mères porteuses, ce n’était jamais dans l’intérêt de couples de femmes.
> Le débat reste ouvert
Les opposants à l’ouverture de la PMA s’inquiètent d’un possible ébranlement du cadre légal des lois bioéthiques, notamment par l’abandon de la condition d’infertilité pathologique.
Ils redoutent également qu’au nom du principe d’égalité l’ouverture de la PMA aux couples de femmes n’ouvre la voie à l’autorisation de la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.
La question continue donc de diviser avec des interrogations portant sur la parentalité, la filiation, la famille et bien entendu sur la prise en charge par l’assurance maladie.
Le débat sur l’extension de la PMA et l’autorisation de la GPA reste donc ouvert pendant cette période de révision des lois de bioéthique et n’a pas fini d’alimenter la chronique.
Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat
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