PMA "pour toutes", GPA : bientôt l’ouverture ?

Auteur:
 
Thierry Vallat, édité par la rédaction
Publié le 27 février 2018 - 16:39
Image
La médecine française progresse dans le domaine des complications liées à la grossesse.
Crédits
©Regis Duvignau/Reuters
L'ouverture de la PMA aux femmes célibataires ou de même sexe et la GPA sont débattues lors des Etats généraux de la bioéthiques.
©Regis Duvignau/Reuters
Les Etats généraux de la bioéthique ont été lancés le 18 janvier 2018 avec pour objectif d’encadrer les actes médicaux techniquement possibles mais se heurtant à des règles morales et juridiques. L’occasion de revenir sur la définition et l’encadrement de ces sujets. Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, décrypte en partenariat avec "France-Soir" les conditions et interrogations entourant la PMA et la GPA.

L'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, y compris les célibataires et les couples lesbiens, est à l’ordre du jour et un projet de loi sera bientôt débattu au Parlement, ce qui soulève plusieurs questions juridiques et éthiques au niveau national et européen.

> Le régime de la PMA

L’assistance médicale à la procréation (AMP, communément appelée PMA) est régie par les articles L 2141-1 et suivants du code de la santé publique.

Elle est actuellement réservée aux couples hétérosexuels (mariés, pacsés ou en concubinage depuis deux ans) en âge de procréer et présentant une infertilité pathologique médicalement constatée ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant.

Lire aussi: PMA - deux demandes d'adoption au sein de couples homosexuels validées

Différentes techniques sont envisageables: insémination artificielle du sperme du conjoint ou d’un tiers-donneur, fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de spermatozoïdes des conjoints ou de tiers-donneurs afin d’obtenir des embryons qui seront réintroduits ensuite dans l’utérus de la femme.

La loi proscrit toute transaction financière pour cette pratique: le don de gamète est anonyme et gratuit (don de spermatozoïde ou don d’ovocyte).

Attention: le double don est prohibé et les couples dont les deux membres seraient stériles ne peuvent ainsi pas avoir recours à la PMA.

L’assurance maladie prend en charge à 100%, si la femme a moins de 43 ans.

En 2015, 24.839 enfants sont nés grâce à ces techniques, soit environ 3% des enfants nés en France cette même année.

> La PMA sera-t-elle étendue ?

La promulgation de la loi du 17 mai 2013 en ouvrant le mariage aux couples de même sexe avait modifié les termes du débat autour de la PMA puisque la loi reconnaît qu’un enfant peut avoir deux parents du même sexe. Cependant, le recours à la PMA reste aujourd’hui impossible pour ces couples.

Cette PMA est en revanche déjà autorisée pour les célibataires et homosexuels dans plusieurs pays européens comme l’Espagne, la Belgique, le Danemark (pour les femmes mariées uniquement), la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.

Une première évolution est intervenue lorsque la Cour de cassation a autorisé d’inscrire à l’état civil en France des enfants nés grâce à la fécondation in vitro ou par insémination à l’étranger.

Il existe également un débat sur la PMA post-mortem qui existe déjà dans 15 pays européens.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de statuer sur le recours de deux Toulousaines trentenaires, mariées depuis quatre ans, qui contestaient le refus de l'hôpital de Toulouse de leur accorder l'accès à la procréation médicalement assistée, réservée aux couples hétérosexuels. Elles invoquaient le caractère discriminatoire de ce refus, contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

Mais dans une décision rendue le 8 février 2018, la CEDH a déclaré leur recours irrecevable, faute d’avoir épuisé les voies de recours internes. Une contestation de forme donc mais pas de fond.

Voir: Refus de PMA, la CEDH rejette la plainte d'un couple de femmes mariées

Le Comité national consultatif d’éthique, dans un avis publié en juin 2017 ne formule aucune opposition à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, y compris donc aux femmes lesbiennes et aux femmes célibataires. Il considère que cette ouverture à des personnes sans stérilité pathologique peut se concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles.

Et il s’agit d’une promesse de campagne du candidat Macron: dans son programme, Emmanuel Macron s'était en effet déclaré "favorable à l'ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes". Mais rappelons-nous que pendant son quinquennat, François Hollande avait abandonné sa promesse d'une ouverture de la PMA aux femmes seules et homosexuelles.

> Et la GPA?

En France, la gestation pour autrui (GPA) est interdite. La GPA est le fait d'avoir recours à une "mère porteuse" qui mettra au monde un enfant pour le compte d'un couple tiers.

Pourtant, sept pays l’autorisent en Europe. En Belgique, aux Pays-Bas, en Pologne et en Slovaquie, aucune législation ne l’interdit, même si aucun cadre précis n’est défini pour l’autoriser. En revanche, elle est légalement encadrée en Roumanie, en Irlande, où une loi protège cependant l’embryon, et au Royaume-Uni, où il est interdit de pratiquer des GPA contre rémunération.

Si la Cour de cassation a déjà en France autorisé des inscriptions à l’état civil d’enfants nés à l’étranger de mères porteuses, ce n’était jamais dans l’intérêt de couples de femmes.

> Le débat reste ouvert

Les opposants à l’ouverture de la PMA s’inquiètent d’un possible ébranlement du cadre légal des lois bioéthiques, notamment par l’abandon de la condition d’infertilité pathologique.

Ils redoutent également qu’au nom du principe d’égalité l’ouverture de la PMA aux couples de femmes n’ouvre la voie à l’autorisation de la gestation pour autrui pour les couples d’hommes.

La question continue donc de diviser avec des interrogations portant sur la parentalité, la filiation, la famille et bien entendu sur la prise en charge par l’assurance maladie.

Le débat sur l’extension de la PMA et l’autorisation de la GPA reste donc ouvert pendant cette période de révision des lois de bioéthique et n’a pas fini d’alimenter la chronique.

Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat

À LIRE AUSSI

Image
La PMA consiste à manipuler spermatozoïdes et/ou ovules pour aboutir à une fécondation et aider un c
PMA : les Français majoritairement pour, y compris les catholiques
Selon un sondage Ifop publié ce mercredi, 60% des Français sont favorables à la PMA pour les couples de femmes. Une adhésion qui dans l'ensemble transcende les catégor...
03 janvier 2018 - 17:47
Politique
Image
La médecine française progresse dans le domaine des complications liées à la grossesse.
PMA et GPA, des définitions radicalement différentes
PMA ou GPA? Les deux? Pour? Contre? Pour avoir un avis, quel qu'il soit, encore faut-il savoir ce qui se cache derrière ces acronymes. En voici les définitions et le d...
03 janvier 2018 - 19:04
Politique
Image
France-Soir
PMA : Agnès Buzyn "plutôt favorable à titre personnel"
La ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est dite dimanche "plutôt favorable à titre personnel" à la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte à toutes les femmes, ...
22 octobre 2017 - 16:43

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.