Bataille d'Idlib : le régime de Damas à l'assaut de la province rebelle

Auteur:
 
Matteo Puxton, édité par Maxime Macé.
Publié le 12 mai 2019 - 17:09
Mis à jour le 13 mai 2019 - 13:57
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Un char d'Hayat Tahrir al-Cham.
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Les djihaidstes d'Hayat Tahrir al-Cham ont déployé des moyens lourds pour contre-attaquer le régime à Idlib.
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Le régime de Damas s'est lancé lundi 6 à l'assaut de la dernière province qui échappe encore à son contrôle à l'ouest de la Syrie avec son allié russe. Matteo Puxton, spécialiste du conflit syrien, revient en détail pour France-Soir sur les forces en présence et sur les premiers jours de combat dans la province rebelle.

"Il n'y aura plus de bus vert cette fois! Il y a le bulldozer ou la botte. Vous avez deux options: être piétiné, ou dans le bulldozer!". Cette phrase, prononcée par un officier d'une des composantes des Tiger Forces dans la localité de Kafr Nabudah à peine reprise par les forces du régime syrien, illustre l'acharnement des partisans de Bachar al-Assad à reconquérir l'enclave d'Idlib, en dépit des accords de Sotchi qui avaient plus ou moins bien "gelé" le front depuis septembre 2018. Pourquoi le régime est-il passé à l'offensive maintenant, et où exactement? Quelles sont les forces en présence? Comment se sont déroulés les premiers combats? C'est à ces questions que j'essaierai de répondre rapidement ici.

> Pourquoi Damas passe à l'offensive ?

La Russie explique, de son côté, que les forces du régime syrien sont passées à l'attaque, avec son appui, car Hayat Tahrir al-Cham (HTC), le groupe djihadiste dominant dans l'enclave, massaient des forces dans la plaine d'al-Ghab, au nord-ouest de la province de Hama. En outre, la base aérienne de Hmeymin, principale installation russe en Syrie, est régulièrement bombardée par l'artillerie rebelle ou djihadiste, ou même par des drones armés, depuis cette partie de l'enclave.

Autre explication: le régime syrien chercherait à s'emparer du reste de l'autoroute M4 qui relie Lattaquié à Alep, dont une partie passe par l'enclave, de même que l'autoroute M5 qui relie Damas à Alep, pour pouvoir rouvrir un corridor entre la Jordanie et la Turquie, et donc s'assurer notamment un approvisionnement en carburant. Car en raison des sanctions renforcées contre l'Iran, le régime syrien connaît une sévère pénurie.

Plus simplement, il faut convenir que Damas n'a jamais abandonné l'idée d'une offensive de grande envergure sur l'enclave. La seule chose qui l'en a empêché est la présence de postes d'observation turcs qui "corsettent" celle-ci. Le 4 mai, deux jours avant le début de l'offensive, les forces du régime avaient touché avec plusieurs obus le poste d'observation turc installé dans la plaine d'al-Ghab, causant des blessés. L'aviation du régime et celle de la Russie avaient multiplié les frappes aériennes ces dernières semaines, principalement sur les civils, pour pousser la Turquie à "régler" le problème posé par la présence d'HTC et d'autres groupes djihadistes dans l'enclave. En réaction, Hayat Tahrir al-Cham et les groupes djihadistes loyaux à al-Qaïda comme Ansar al-Tawhid, ont accéléré le rythme de leurs raids inghimasi, des opérations ciblées d'infiltration ou de raids sur de petites positions du régime, sur ou derrière la ligne de front.

Il s'agit donc d'un jeu à trois, entre Damas, Ankara et Moscou. Ankara veut récupérer le secteur de Tal Rifaat, encore occupé par l'YPG kurde. La Turquie est-elle prête à céder une partie ou la totalité de l'enclave d'Idlib en échange d'un blanc-seing pour récupérer ce territoire, voire pour obtenir une zone-tampon de quelques dizaines de kilomètres à l'intérieur du territoire tenu par les Forces démocratiques syriennes (FDS) au nord-est de la Syrie, si elle venait à y lancer une attaque? Elle ne peut céder sur Idlib sans obtenir une contrepartie, faute de quoi ce serait pour elle un échec et un camouflet tout à la fois. Moscou, jusqu'à récemment, estimait qu'une offensive sur Idlib n'était pas encore appropriée. Il semble bien que le régime syrien cherche aussi à jouer sa propre partition, estimant qu'il a fait suffisamment de concessions à la Turquie.

> Où l'offensive a-t-elle lieu?

L'opération baptisée par le régime "Idlib Dawn", déclenchée le lundi 6 mai, se concentre surtout dans la plaine d'al-Ghab, au nord-ouest de la province de Hama. Le régime syrien s'est concentré sur la localité de Kafr Nabudah et sur celle voisine de Qaalat-al-Mudiq. Une offensive plus réduite a également eu lieu sur le front de Kabani, dans la province de Lattaquié. Cela confirmerait, d'abord, que les forces du régime veulent s'emparer de la partie de l'enclave d'où les rebelles et djihadistes bombardent la base russe de Hmeymin. Toutefois, à partir de Kafr Nabudah, le régime semble virer vers l'est, en direction de la ville de Khan Sheykhoun. Ce faisant, il menace de cisailler la partie sud de l'enclave, et de reprendre le contrôle d'une partie de l'autoroute M5. De la même façon, l'offensive à Lattaquié se fait près de l'autoroute M4. Ce qui confirmerait une autre des hypothèses ci-dessus, la mainmise sur les autoroutes pour l'approvisionnement. Enfin, l'attaque se déroule, habilement, dans l'espace entre deux postes d'observation turcs. Tous ces éléments montrent que l'offensive des forces du régime est pour l'instant limitée, d'ampleur tactique. Il n'y a pas eu d'attaque terrestre sur toute la façade est de l'enclave, notamment.

> Quelles sont les forces en présence?

Avant l'offensive au nord-ouest de Hama, dans la plaine d'al-Ghab, plusieurs formations faisaient partie du dispositif du régime qui tenait, dans ce secteur, la ligne de front, comme sur tout le pourtour de l'enclave.

La 8ème division, créée pendant le conflit pour incorporer les brigades des divisions existant avant 2011 et qui avaient beaucoup souffert, est cantonnée de longue date dans la province de Hama. La brigade 33, qui faisait partie précédemment de la 9ème division, est stationnée dans le secteur. Son commandant, le général de brigade Yahya Baloush, avait été tué dans le nord de la province de Hama en mai 2017.

On trouve aussi dans ce secteur la 2ème brigade du 5ème corps. Le 5ème corps a été formé sous l'égide de la Russie en novembre 2016; il était d'ailleurs commandé par le général russe Valery Asapov, tué le 23 septembre 2017 dans la province de Deir Ezzor alors qu'une partie du 5ème corps participe à la reconquête de l'est face à l'Etat islamique (EI). Le 5ème corps a été particulièrement mal traité et considéré par les autres unités du régime lors de cette campagne. Depuis, la plupart de ses composantes sont revenues dans la province de Hama ou d'Idlib. La 2ème brigade, installée entre Kernaz et Halfaya, est responsable de bombardements d'artillerie sur le sud de l'enclave (Lataminah, Kafr Zita) qui ont tué de nombreux civils.

Il y a aussi des éléments de la fameuse 4ème division blindée de Maher al-Assad, le frère de Bachar. Souvent qualifiée de troupe d'élite, la 4ème division regroupe en fait des unités qui bénéficient seulement de la connexion au pouvoir de son chef. Il est vrai qu'au début du conflit elle était mieux équipée que d'autres formations régulières. Le régiment 555 de forces spéciales de la 4ème division blindée est stationné sur l'axe Kernaz-Mughayr depuis au moins 2013. Il avait repoussé l'offensive des rebelles et djihadistes sur Kernaz en mars 2018, baptisée "Colère pour la Ghouta". La brigade 42 de la 4ème division, commandée par le colonel Ghaith Dalah et parfois baptisée "forces de Ghaith", est stationnée un peu plus au nord, avec sa base à Jurin, depuis septembre 2018.

Surtout, le nord de la province de Hama est la base des fameuses Tiger Forces du général Suhail al-Hassan. Cette unité, dont le chef appartient au renseignement de l'armée de l'air, sans doute le plus puissant des services des mukhabarat, est largement soutenue par la Russie. Elle se compose d'une force d'intervention de 4 000 hommes environ, répartis en une vingtaine de sous-unités, dotée d'unités d'artillerie et de blindés. Elle peut aussi compter sur un réseau de miliciens qui tient garnison à moins d'être mobilisé au besoin pour une opération. Le succès des Tiger tient à leur capacité à projeter rapidement environ deux brigades d'infanterie, à leur réseau logistique, à leur capacité de faire appel rapidement à l'aviation syrienne, et au soutien russe. Dans le secteur de l'opération Idlib Dawn, on trouve le régiment Houreth des Tiger Forces ainsi que les groupes Seghati.

Lire aussi - Bataille d'Alep: les Tiger Forces, unité d'élite du régime de Damas, à la pointe des combats

Côté rebelles et djihadistes, si Hayat Tahrir al-Cham est le groupe dominant dans l'enclave d'Idlib depuis janvier 2019, il n'est pas le seul à se battre contre les forces du régime syrien. Autour de Kafr Nabudah, et plus à l'est/sud-est, c'est le groupe rebelle Jaysh al-Izza qui tient le sud de l'enclave autour de sa base, Lataminah. Jaysh al-Izza est un groupe rattaché à l'Armée syrienne libre, qui s'est parfois affronté à HTC. En outre, il ne fait pas partie du Front National de Libération (FNL), la coalition de groupes rebelles non djihadistes de l'enclave bâtie par la Turquie entre mai et août 2018 principalement. C'est une faction qui a conservé son indépendance et qui tient la ligne de front au nord de la province de Hama. Le Front National de Libération, parrainé par la Turquie, va lui aussi intervenir pour défendre les positions attaquées par le régime syrien.

Voir - Jaysh al-Izza: comment l'Armée syrienne libre tente d'exister face aux groupes djihadistes et salafistes

Ordre de bataille des principales unités engagées dans l'opération côté régime. L'offensive centrale a lieu sur Kafr Nabudah et Qaalat al-Mudiq au nord-ouest de la province de Hama. Une offensive plus réduite se déroule sur le front de Kabani, à la jonction des provinces de Hama et Lattaquié. Sources : https://twitter.com/suriyegundemiEN et https://international-review.org/understanding-syrias-military-deployments-in-idlib/

> Les opérations (6-10 mai)

Le lundi 6 mai, après 10 jours de bombardement intensif par l'aviation sur la partie sud de l'enclave d'Idlib en particulier (le régime a mobilisé quasiment tout son potentiel volant), l'offensive au sol du régime syrien est lancée. Ce pilonnage préparatoire avait visé en particulier le secteur de Kafr Nabudah, qui est précisément celui où le régime attaque le 6 mai. Le régime s'empare de Tell Othman et Janabriyah, et parvient à conserver les positions prises. Jaysh al-Izza tire un premier missile antichar Kornet qui frappe un char T-72, probablement de la 4ème division blindée. Ce sera une nouveauté que de voir, parmi les fréquents tirs de missiles antichars réalisés en quelques jours, de nombreux missiles Kornet; jusqu'ici Jaysh al-Izza et les autres groupes rebelles du FNL disposaient plutôt de missiles Konkurs ou Fagot moins sophistiqués. Il y a manifestement eu des livraisons de matériels, sans doute via la Turquie. Ce jour-là, la 4ème division blindée attaque également sur le front de Kabani, à Lattaquié, après un tir de barrage de ses roquettes IRAM Golan. Mais l'attaque est repoussée. Au matin, des drones armés ont tenté de bombarder la base de Hmeymin. Le régime accuse une dizaine de tués à la fin du premier jour d'offensive. La plupart appartiennent aux Tiger Forces (groupe de Maskana du régiment Taha, groupe Omar Nakr).

Un T-72 touché par un missile Kornet tiré par le groupe Jaysh al-Izzah. Les rebelles vont tirer de nombreux missiles Kornet en quelques jours: une nouveauté, puisqu'ils disposaient plutôt précédemment de missiles Konkurs ou Fagot, moins performants.

Le 7 mai, de nombreuses frappes aériennes visent la ligne de front dans la plaine d'al-Ghab. L'attaque s'enlise sur le front de Lattaquié, le régime concentre donc tous ses efforts dans le secteur de Kafr Nabudah. Les pertes du côté régime se montent au moins à 18 tués, dont trois lieutenants, ainsi que le commandant du Groupe 14 du régiment Zarif des Tiger Forces. Des éléments de la branche 219 de la Sécurité militaire, un autre organe des mukhabarat (service de sécuritté), apparaissent sur la ligne de front: les "Faucons d'Assad", le groupe al-Bowashq, une section qui vient de Jableh.

Un "guntruck" d'Hayat Tahrir al-Cham muni d'un canon antiaérien S-60 de 57 mm tire sur les appareils russes ou du régime syrien. Dès le 6 mai, HTC diffuse plusieurs vidéos montrant ses canons antiaériens montés sur véhicule tirer sur les appareils adverses, sans grand succès, uniquement pour regonfler le moral des troupes.

Le 8 mai à l'aube, le régime se lance à l'assaut de Kafr Nabudah. Les combats vont être particulièrement acharnés. Hayat Tahrir al-Cham envoie un véhicule kamikaze frapper les positions du régime, manifestement sans grand succès -la dernière utilisation d'un tel véhicule par le groupe remontait à plus d'un an. En fin de journée, il est évident que les forces du régime ont percé la principale ligne de défense rebelle/djihadiste entre les deux postes d'observation turcs de la plaine d'al-Ghab et de Morek. Le groupe djihadiste est toutefois capable de lancer un raid inghimasi dans la région de Kabani, à Lattaquié, qui fait au moins huit tués parmi les "forces de Ghaith", la brigade 42 de la 4ème division blindée. Dans la nuit, HTC engage ses troupes de type inghimasi, avec un armement plus sophistiqué, dans un raid sur Kafr Nabudah. Les combattants ont notamment des viseurs thermiques Pulsar Apex XD75 montés sur leurs fusils d'assaut, parmi lesquels ont voit des AK-103, un armement de qualité. Côté régime, parmi les pertes du jour, on compte un tué dans la brigade 85, 6ème division, du 4ème corps. Le 4ème corps, formé dès octobre 2015 après l'intervention directe de la Russie, a surtout servi à des tâches de garnison locale; la brigade 85 était effectivement présente quelque part dans la plaine d'al-Ghab. Un homme de la 9ème division est également tué.

La veille de l'offensive, le 5 mai, des membres de la Garde nationaliste arabe, une milice étrangère pro-régime, se photographient aux côtés du colonel Ghaith de la 4ème division blindée; ils ont peut-être subi des pertes le 8 mai. Pour l'assaut sur Kafr Nabudah, ce sont surtout les Tiger Forces qui sont engagées: régiments Taha, Tarmeh, Haider, avec des blindés. Le commandant du régiment Haider, Zain al-Abadeen Abou Ali, est d'ailleurs présent sur le front. La prise de Kafr Nabudah aurait coûté 20 tués (dont le commandant du groupe Hossam du régiment Taha des Tiger Forces) et un ou deux chars détruits au régime syrien. Le groupe al-Bowashq laisse également un tué. Le lieutenant-colonel Dourid Awad, commandant d'artillerie des Tiger Forces, est blessé. Côté régime, on observe aussi des éléments des Forces nationales de défense de Mahardeh. Un officier de la 5ème brigade du 5ème corps est photographié dans Qalaat al-Mudiq. Il semble que chaque officier du 5ème corps est un officier russe attaché à ses côtés qui dispose lui-même d'un élément de protection russe. Aux côtés des Russes et des officiers des Tiger Forces, on peut voir également Nabel Abdullah, le commandant de la milice "Forces d'al-Gadhab", chrétienne, basée à Suqaylabiyah juste au sud du front. Cette milice appartient aux Forces de défense locale, un ensemble parrainé par l'Iran.

Le moment où le véhicule kamikaze lancé par HTC sur Kafr Nabudah explose, scène filmée par le régime. 8 mai.

Le 9 mai, le régime s'empare de Qaalat al-Mudiq et des localités environnantes, après un accord avec le conseil local, sans combat. Les rebelles et les djihadistes se sont retirés. Ce faisant, le régime approche pour la première fois du Jabal al-Zawiyah, dans la province d'Idlib. Ce jour-là, le Front national de libération tire plusieurs missiles antichars qui détruisent ou endommagent plusieurs chars. Hayat Tahrir al-Cham détruit un blindé en combat plus rapproché sur le front de Hama. Un autre missile du FNL vise également un canon de 130 mm tracté par un camion. Le groupe djihadiste Ansar al-Tawhid, proche d'al-Qaïda, tire des roquettes sur le camp de Shaykh Hadid du régime syrien situé derrière la ligne de front. Il semble que des éléments de la 4ème division blindée soient engagés sur l'axe Qaalat al-Mudiq par le régime. Haithem Bakir, commandant du groupe Bakir du régiment Hadi des Tiger Forces, se filme dans Kafr Nabudah. On voit aussi Madeen Idris, commandant des groupes Sabbour des Tiger Forces. Sur la base militaire de Hama, les bataillons 79 et 86 de la brigade 6 du 5ème corps arrivent à leur tour. La 6ème brigade est composée de membres du renseignement militaire, un des services des moukhabarat, notamment la tristement célèbre branche Palestine de Damas. Ils sont connus pour leur brutalité.

HTC tire sur les positions du régime avec un canon D-30 (122 mm). Photo du 9 mai.

HTC engage un BM-21 Grad sur camion Ural-375 pour préparer sa contre-attaque sur Kafr Nabudah. Photo du 10 mai.

Le 10 mai, une contre-attaque importante a lieu pour ralentir la progression du régime. Elle fait suite à la création d'une nouvelle chambre d'opérations: "Fateh Dimashq", qui regroupe Hayat Tahrir al-Cham, Jaysh al-Izza, le Parti islamique du Turkistan, Ansar al-Tawhid, Hurras ad-Din, des factions rebelles du FLN, bref une alliance de toutes les forces, rebelles ou djihadistes, présentes dans l'enclave. HTC engage, pour préparer sa contre-attaque, un lance-roquettes multiple BM-21 Grad monté sur camion Ural-4375. L'assaut comprend des troupes de type inghimasi embarquées sur des pick-up Land Cruiser surblindés et dans un véhicule blindé BMP-1. Les hommes sont casqués, lourdement armés -on peut voir un des combattants munis d'un RPG-75. Un char T-72 modifié avec notamment une lame de bulldozer monte aussi en ligne. Le groupe djihadiste bombarde à l'artillerie les positions du régime. Les inghimasiyyoun parviennent aux abords de Kafr Nabudah, mais comme souvent, la puissance de feu du régime syrien fait la différence. Hayat Tahrir al-Cham ne parvient pas à reprendre la localité. La présence russe est de plus en plus visible: en plus des conseillers encadrant le 5ème corps, des photos montrent une équipe complète de mortiers visiblement servie par des membres d'une compagnie russe privée de sécurité, qui manipule aussi un drone pour l'observation du champ de bataille. Cette compagnie, baptisée "вежливых людей", a participé à l'invasion de la Crimée par la Russie et a assuré des tâches de sécurité à Simféropol. Le mortier de 120 mm visible sur les photos d'ailleurs est un 2B11 Sani russe.

Membre russe d'une compagnie privée de sécurité servant un mortier 2B11 Sani de 120 mm.

Le 11 mai, les forces du régime continuent d'avancer uniquement sur le front au nord de Qaalat al-Mudiq, en direction du poste d'observation turc situé dans la plaine d'al-Ghab, à Jebal Shashabo. Les rebelles et djihadistes, devant le barrage d'artillerie et les frappes aériennes du régime et de leur allié russe, ne peuvent se permettre de tenir le terrain sous peine de subir de lourdes pertes. Le FLN filme pour la première fois un tir de missile antichar TOW qui détruit un camion chargé de munitions à Mustariyah, dans le Jabal Zawiyah. Plusieurs combattants de Liwa al-Quds, milice palestinienne soutenue par la Syrie, sont tués. C'est le premier indice montrant la présence de cette formation dans l'offensive. Sur le front de Kabani à Lattaquié, les lanceurs IRAM Golan de la 4ème division blindée pilonnent toujours les positions adverses, le FLN réplique avec ses propres lance-roquettes multiples sur véhicule. HTC se contente de pilonner les lignes adverses avec un ZU-23-2 monté sur pick-up Land Cruiser, et montre des renforts monter en ligne, dont un deuxième char T-72 Ural, de facture beaucoup plus simple que le premier.

A l'issue de ces six premiers jours de combat, le régime concentre donc son effort sur la plaine d'al-Ghab, et semble virer vers l'est en direction de la localité de Habit pour se diriger, probablement, vers Khan Sheykhoun. Il pourrait ainsi couper toute la partie sud de l'enclave pour mieux l'écraser sous sa puissance de feu, selon une tactique éprouvée depuis des années. Le 11 mai toutefois, l'effort se portait encore sur la plaine d'al-Ghab et le sud du Jabal Zawiyah, en attendant peut-être de récupérer avant la poussée vers l'est. Reste à voir comment les rebelles et les djihadistes choisiront de s'opposer à la progression des forces du régime.

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