Comment l'Etat islamique est revenu en force en Libye
L'attentat de Manchester (22 mai 2017) avait tristement rappelé l'importance de la branche libyenne de l'Etat islamique, manifestement impliquée dans la préparation d'attentats à l'étranger. Si cette branche a échoué à répliquer en Libye le modèle territorial créé par l'organisation djihadiste en Syrie et en Irak, la perte de son dernier bastion à Syrte, en décembre 2016, n'a pas signifié, là aussi, la disparition du groupe. Comme en Syrie et en Irak, l'EI a anticipé, en Libye, sa disparition territoriale, et a préparé un retour à l'insurrection: après une éclipse relative durant le premier semestre 2017, la branche libyenne fait son retour dès le mois d'août 2017, et l'année 2018 a vu son activité s'accroître à partir de plusieurs secteurs où elle est désormais bien implantée, jouant sur les rivalités entre acteurs du conflit dans le pays.
En décembre 2016, la branche libyenne de l'Etat islamique est chassée de Syrte par la coalition al-Bunyan al-Marsous, constituée de milices basées à Misrata, surtout islamistes, appuyées par les frappes aériennes américaines. L'organisation djihadiste cherche alors à s'implanter au nord du Fezzan, cette région stratégique du sud de la Libye. Le maréchal Haftar avait conquis ce secteur en mai-juin 2017 avec l'intention manifeste de couper en deux les positions du Gouvernement d'Entente Nationale, pour séparer ce dernier, basé à Tripoli, de ses soutiens militaires à Misrata.
L'Etat islamique s'est installé dans la zone après la chute de Syrte. Il comprend à la fois des Libyens, mais aussi et surtout des étrangers: des Soudanais, des Egyptiens, des Tunisiens, des Maliens, des Tchadiens et des Algériens. Les Soudanais, particulièrement nombreux, sont des disciples de Masa’ad al-Sidairah, dont le groupe Jama’at al-I’tisam bil-Quran wa’l-Sunna (Groupe de dévotion au Coran et à la Sunna) avait manifesté son soutien à l'EI et recruté des combattants pour la Libye et la Syrie, avant d'être réprimé par les autorités soudanaises. Les recrues entraient en Libye par le Jabal ‘Uwaynat et les routes des trafiquants à la confluence des frontières libyenne, égyptienne et soudanaise. En novembre 2017, les autorités soudanaises annonçaient que 20 Soudanais au moins avaient été tués en Libye dans les rangs de l'EI, de même que des femmes. Les survivants de Syrte se seraient également repliés au sud-ouest du Fezzan, à al-Uwaynat, au nord de Ghat, à proximité de la frontière algérienne. Ils auraient détruit, en février 2017, des pylones électriques sur 160 km entre Juffrah et Sebah. En février 2017, les combattants djihadistes étaient aussi présents à 150 km à l'ouest de Syrte (un groupe de 60-80 hommes), un autre était basé autour du champ pétrolifère de Mabrouk et de Zalla (300 km au sud-est de Syrte, une centaine d'hommes), en plus du groupe basé à al-Uwaynat. Ces groupes opèrent de nuit et en petites formations de pas plus de deux ou trois véhicules pour éviter toute détection. Dès décembre 2016, l'EI établissait aussi des barrages improvisés autour de Tripoli.
Carte du blog Eye on ISIS in Libya modifiée pour les besoins de l'article. Les trois cercles correspondent aux trois secteurs où l'EI se serait établi après la chute de Syrte. Cela correspondrait-il avec les trois brigades de "l'armée du désert" de l'organisation évoquée par certaines sources libyennes?
Le 6 mai 2017, l'Etat islamique aurait attaqué un bus de la 3ème force de Misrata sur la route entre Juffrah et Syrte, après avoir établi un faux checkpoint, tuant deux hommes et en blessant trois. Les Libyens soutiennent que l'EI a reconstruit une "armée du désert" à trois brigades (ce qui correspondrait aux trois groupes décrits ci-dessus, voir carte), dirigée par le militant libyen al-Mahdi Salem Dangou (alias Abou Barakat). Cette reconstruction aurait été préparée dès 2016; l'Etat islamique aurait volontairement fait sortir de Syrte au moins une centaine de militants aguerris pour préparer l'insurrection dans les zones périphériques. Ce n'est que le 23 août 2017 que le groupe terroriste revendique officiellement une première attaque contre le bataillon 131 de l'Armée Nationale Libyenne du maréchal Haftar à l'oasis de Fugaha, dans le district de Juffrah. La plupart des hommes de cette unité sont d'anciens soldats de Kadhafi appartenant à la 32ème brigade mécanisée, formation d'élite du dictateur, commandée par son fils Khamis, qui recrutait à Surman. Ils ont peut-être été visés en raison de leur intervention pour écraser la tentative d'implantation de l'EI à Sabratah, entre Tripoli et la frontière tunisienne, en février 2016. Le bataillon 131 avait combattu les Brigades de défense de Benghazi dans le croissant pétrolier en mars 2017. Une attaque surprise des Brigades de Défense de Benghazi sur les terminaux pétroliers de Sidra et Ras Lanouf avait chassé les unités de l'ANL, dont le bataillon 131; deux prisonniers du bataillon auraient été décapités par leurs adversaires, ce qui n'a jamais été confirmé. Le bataillon 131 avait pris sa revanche en s'emparant du district d'al-Juffrah en juin 2017. Les Brigades de défense de Benghazi avaient perdu le soutien de la population locale après leur raid sur la base aérienne de Brak al-Shatti, le 18 mai 2017. Sept civils et 130 prisonniers des 10ème et 12ème brigades de l'ANL avaient été exécutés sommairement.
Huit mois après la chute de Syrte, la branche libyenne réapparaît aussi dans la propagande de l'Etat islamique. Une courte vidéo Amaq diffusée le 28 août 2017 montre un checkpoint improvisé tenu par les combattants de l'EI au sud de Syrte, en direction d'al-Juffrah. Sagayar Majri, un avocat et ancien vice-président de la haute commission électorale nationale libyenne, enlevé le 25 mai précédent, appelle à l'aide dans le même document. Pour les spécialistes, cette réapparition n'est pas une surprise: depuis juillet, l'organisation salafiste se montrait de plus en plus active au sud-est de Syrte et au sud de Misrata. Elle se manifeste même de jour et contrôle, temporairement, le village de Wadi al-Ahmar, à 90 km à l'est de Syrte, où un prédicateur délivre son prêche à la mosquée; l'EI lance ensuite un véhicule kamikaze sur un checkpoint de l'Armée nationale libyenne (ANL) à Nofaliyah.
Le 24 septembre 2017, l'Etat islamique diffuse la première vidéo longue de la wilayat Barqah (Cyrénaïque dans le découpage territorial du groupe) depuis près d'un an et demi: cette vidéo d'un peu plus de 17 minutes résume justement l'activité récente de l'organisation. Les Américains frappent un camp des djihadistes à 240 km au sud-est de Syrte, les 22 et 26 septembre 2017, et revendiquent la mort de 17 combattants. Le 4 octobre 2017, l'EI lance une attaque kamikaze sur un complexe judiciaire à Misrata. En réaction, les Américains tirent de nouveau avec des drones sur l'oasis de Fuqaha les 17 et 19 novembre 2017.
L'attentat de Manchester, le 22 mai 2017, durant lequel Salman Abedi fait 22 morts et plus de 100 blessés, souligne par ailleurs la capacité de projection pour les attentats à l'étranger de la branche libyenne de l'organisation salafiste, en dépit de son éclipse temporaire durant le premier semestre 2017. Le frère du kamikaze, arrêté à Tripoli, reconnaît que lui-même et son frère étaient membres de l'EI. Abedi avait séjourné en Libye trois semaines avant de commettre l'attentat et s'est également rendu en Syrie.
Les premières traces de planification d'attentats à l'étrangers au sein de la branche libyenne de l'Etat islamique remontent à 2015: les tueurs du musée du Bardo, en mars, et de Sousse, en juin, deux attentats réalisés en Tunisie, appartiennent à la même cellule qui s'est entraînée dans des camps à proximité de Sabratha, en Libye, une ville qui sert de point de transit aux réfugiés en partance vers l'Europe. Abdelhamid Abaaoud a fait partie de la katibat al-Battar al-Libi, groupe djihadiste composé de Libyens ralliés à l'EI, dont beaucoup ont été envoyés en Libye dès 2014 pour créer la branche locale du groupe. Bilal Hadfi, un des auteurs des attentats du 13 novembre 2015, a échangé avec des membres de la branche libyenne. Salman Abedi, l'auteur de l'attentat de Manchester, est lui aussi passé par Sabratha. Anas Amri, qui commet l'attaque au camion-bélier à Berlin en décembre 2016, au moment de la chute de Syrte, aurait été en contact avec des membres de l'EI en Libye via la messagerie Telegram jusqu'en février 2016, peut-être avec des Tunisiens installés en Libye. Il est arrivé en Europe à Aprilia, en Italie, où il s'est probablement radicalisé. C'est également dans cette ville qu'est passé le Tunisien Ahmed Hannachi, qui poignarde à mort deux jeunes femmes dans la gare de Marseille le 1er octobre 2017. Les Américains frappent, en janvier 2017, deux camps d'entraînement au sud de Syrte censés former des candidats aux attentats avec deux bombardiers B-2, mais l'attentat de Manchester montre que la branche libyenne n'a pas perdu toutes ses capacités sur ce plan.
22 mai 2018: raid de l'EI sur un checkpoint tenu par l'ANL au nord d'Awjilah. Capture d'écran dela vidéo du 4 juillet 2018 de la wilayat Barqah.
En 2018, les attaques de l'Etat islamique s'intensifient, preuve que le groupe a terminé sa réorganisation après la chute de Syrte. Le 2 mai 2018, deux hommes équipés de ceintures explosives (commando inghimasi) attaquent à Tripoli la haute commission électorale nationale libyenne. Ils font au total 14 morts, dont les deux officiers de police chargés de la sécurité des lieux, et plus de 50 blessés. L'attaque montre à quel point la sécurité de Tripoli est fragile. Quelques jours avant l'attaque, une foule assez conséquente s'était réunie pour rendre hommage à Wissam Ben Humaid, un membre célèbre du groupe terroriste annoncé décédé par sa famille. Ce même mois de mai, l'EI revendique deux attaques dans le secteur d'Ajdabiya. En juin 2018, les Américains lancent des frappes aériennes autour de Bani Walid, et prétendent avoir tué Abdel-Ati El-Kiwi, alias Abou Muslim al-Libi.
2 juin 2018: attaque d'un poste de police à al-Qanan, à 10 km au sud-est d'Ajdabiya. Capture d'écran de la vidéo du 4 juillet 2018 de la wilayat Barqah.
Le 4 juillet 2018, l'Etat islamique met en ligne une nouvelle vidéo longue de plus de 26 minutes dans la wilayat al-Barqah. Plus réduite, mais réorganisée et plus difficile à infiltrer pour les services de renseignement adverses, la branche libyenne compterait peut-être 600 à 800 hommes au minimum, selon certaines sources. La wilayat al-Barqah utilise le sud de la Libye comme base arrière pour conduire des attaques ciblées, à coups de véhicules kamikazes (ici les kamikazes sont tous des étrangers semble-t-il, ce qui est intéressant) ou de petits assauts motorisés comme on peut le voir dans cette vidéo, qui ne mobilisent que très peu de combattants (une escouade ou un peu plus à chaque fois). L'EI profite des conflits à l'intérieur du pays, où aucun des protagonistes ne fait du groupe djihadiste un objectif prioritaire, ce qui lui permet de perdurer. Depuis quelques temps, l'organisation Etat islamique semblait diriger ses actions dans un enveloppement de Syrte, par l'Est mais aussi par l'Ouest, et évoluait davantage dans le secteur d'Ajdabiya. Le 6 juin, l'EI aurait établi, selon des sources locales, un faux barrage routier entre Zallah et Waddan et tué 2 civils; le groupe, lui, prétend avoir attaqué un checkpoint de l'ANL et tué deux soldats. Le 26 juin, l'EI capture deux officiers de l'ANL participant à des festivités entre Zallah et Waddan. Le 30 juin, les forces de sécurité de Syrte sont en état d'alerte après des rumeurs faisant état de mouvements de l'EI au sud de la ville. A noter dans cette dernière vidéo l'importance du sous-titrage en anglais, peu fréquent dans les vidéos de l'EI hors production du média al-Hayat tourné vers le public non arabe.
Abou Jafsa al-Somali, un Somalien utilisé comme kamikaze sur véhicule. Capture d'écran de la vidéo du 4 juillet 2018 de la wilayat Barqah.
Le 10 juillet, le département d'enquête criminelle de l'ANL arrête un homme suspecté d'être membre de l'Etat islamique à Brega; une ceinture d'explosifs est découverte. Le 24 juillet, l'EI attaque le poste de police d'Uqaylah, avant d'être repoussé dans le désert. Cinq véhicules sont engagés: les assaillants tuent un policier, incendient le poste de police et y laissent plusieurs engins explosifs improvisés. Des magasins sont pillés et les raiders repartent vers le sud: interceptés par les forces de sécurité d'Ajdabiyah, ils tuent encore un de leurs adversaires. Le bataillon 166 de l'ANL participe à la traque et revendique treize combattants tués pour trois pertes, avant de perdre les raids dans le Wadi al-Jafr. Un des morts serait Mahmoud al-Barasi, ancien membre du Conseil de la Shoura des révolutionnaires de Benghazi, surnommé "l'émir de Benghazi". Le 29 juillet, l'organisation terroriste installe un checkpoint temporaire à 14 km au sud d'Uqaylah dans la province al-Wahat. D'autres frappes américaines en août auraient tué Walid al-Warfalli, un membre important de la branche libyenne. L'EI diffuse plus de 200 noms de membres de la coalition al-Bunyan al-Marsous, cibles potentielles pour des assassinats ciblés. Le 8 août, les djihadistes établissent un checkpoint sur la route entre Ajdabiya et Jalo, tandis que 20 combattants de l'EI à bord de sept véhicules sont aperçus sur la route côtière à l'est de Syrte. Le 9 août, le n°143 d'al-Naba, la lettre d'informations hebdomadaire en arabe du groupe terroriste, revendique une attaque sur l'oasis de Fuqaha le 4 août, mais l'incident n'est pas recoupé par d'autres sources. Le 13 août, l'Etat islamique diffuse un poster de la série "Caravane de martyrs" montrant un combattant kenyan décédé, Abou Mousa al-Keni. Le 23 août, l'EI annonce avoir attaqué le checkpoint de Kaams, à 20 km à l'est de Khoms. Six combattants de la force spéciale du Gouvernement d'Accord National sont tués par trois assaillants armés de fusils d'assaut et de RPG -l'un d'entre eux périt également durant l'assaut.
10 août 2018: reportage photo de l'EI sur l'attaque d'un checkpoint de l'ANL près de l'oasis d'al-Fuqaha.
Le 10 septembre, quatre assaillants s'en prennent au bâtiment de la National Oil Corporation à Tripoli. Le 14 septembre, le n°147 d'al-Naba décrit l'attaque du 10 septembre; elle est attribuée à la wilayat Taraboulous, celle qui correspondait à la Tripolitaine dans l'ancien découpage territorial de l'Etat islamique en Libye. Le 30 septembre, les forces de protection de Syrte déclarent que l'EI a été aperçu le long de la route côtière, entre Wadi al-Ahmar et Umm al-Kandil, à 90-110 km à l'est de Syrte.
Le 11 octobre, l'Etat islamique établit un checkpoint sur la route Qasr Abu-Hadi-Waddan, à 70 km au sud de Syrte. Le 12 octobre, la Rada (Special Deterrence Forces, forces spéciales du ministère de l'Intérieur) arrête Abdelhakim al-Mashout, un vétéran du djihad libyen supposé tué dans une frappe aérienne américaine en février 2016. Il avait notamment organisé un camp d'entraînement à Sabratha pour infiltrer des combattants en Tunisie. Le 16 octobre, les forces de sécurité de Bani Walid arrêtent trois membres supposés de l'EI. Le 20 octobre, le bataillon 128 de l'ANL et la brigade Tariq ibn Ziyad découvrent un camp de l'organisation djihadiste dans une grotte près du village de Harawah, à l'est de Syrte. De nombreux VBIED sont démantelés. L'opération est menée grâce aux renseignements fournis par Masoud Belhassen al-Nawfali (alias Jema’a Masoud Al-Hassan Al-Qarqa’i), capturé le 14 octobre par le bataillon 128. Il était le chef du groupe terroriste dans le secteur de Nofaliyah.Le 29 octobre, l'EI investit un poste de police à l'oasis d'al-Fuqaha, tuant quatre personnes et en capturant neuf autres. Le raid a engagé 25 véhicules: les combattants djihadistes ont incendié le poste de police et ont cherché à capture des militaires ou des membres des forces de sécurité. L'Etat islamique a revendiqué l'attaque ainsi que l'envoi d'un véhicule kamikaze contre le checkpoint 400 entre Sebha et Juffrah.
Le 3 novembre, des combattants djihadistes s'escarmouchent avec le bataillon 128 de l'ANL près du champ pétrolifère de Mabrouk au sud de Syrte. Le 9 novembre, les forces de sécurité de Sebah, dans le Fezzan, arrêtent des membres supposés de l'organisation djihadiste dans le quartier d'al-Manshia. Ces hommes sont appliqués dans des trafics humains et de drogue, et des vols. Le 19 novembre, un checkpoint est établi par deux véhicules djihadistes le long de la route côtière Syrte-Benghazi, dans le secteur de Wadi al-Hunaywah. Le 23 novembre, l'EI attaque un poste de police près de l'oasis de Tazerbo, à 250 km au nord-ouest de Kouffrah. Le groupe fait 8 morts, 11 blessés et capture 17 prisonniers. Le raid a engagé 15 véhicules; les assaillants se sont emparés du poste de police, ont tenu l'endroit plusieurs heures avant de se replier vers les montagnes al-Harouj. L'ANL poursuit les raiders dans le Wadi al-Hatab, près de Zillah, tuant 12 combattants et récupérant 3 prisonniers. Le 24 novembre, les Special Deterrence Forces (Rada) arrêtent le cadre supposé de l'EI Adel Adulhamid à Bani Walid.
4 décembre 2018: poster de l'EI dans la série "Caravane de martyrs (Shuhada)" rendant hommage à Abou Abullah al-Ansari de la wilayat Barqah (Cyrénaïque).
Le 1er décembre, l'ANL arrête cinq combattants de l'Etat islamique à Ubari, sur la route allant vers Ghat, près de la frontière algérienne. Le 3 décembre, un poster de l'EI de la série "Caravane des martyrs" sur les combattants décédés rend hommage à Abou Abdullah al-Ansar, de la wilayat al-Barqah. Le 8 décembre, le groupe djihadiste exécute six prisonniers capturés à Fuqaha lors du raid sur l'oasis le 28 octobre précédent, après le rejet de la demande de libération par l'ANL. Le 13 décembre, la sécurité de Rajban découvre des tracts de l'EI appelant à perpétrer des attaques à Rajban et Zintan. Le 25 décembre, le groupe monte une attaque complexe contre le ministère des Affaires Etrangères à Tripoli: après l'explosion d'une voiture piégée (une Hyundai blanche), deux combattants inghimasi pénètrent dans le bâtiment et font sauter leurs charges explosives. Cette attaque est décrite dans le numéro 162 de la lettre hebdomadaire en arabe de l'Etat islamique, al-Naba, paru le 27 décembre.
Carte gracieusement fournie par Arnaud Delalande, montrant les principales attaques revendiquées par l'EI depuis juillet 2018. La carte montre l'état des forces en octobre 2018.
Soutenu par des tribus arabes locales, l'Etat islamique contrôle des points d'accès pour les migrants arrivant en Libye sur leur chemin vers l'Europe. Cela facilite le recrutement de combattants étrangers. L'EI reste non seulement présent dans le Fezzan, mais aussi dans le désert autour de Syrte, vers Bani Walid et le Wadi Zamzam. Bani Walid est le secteur des Warfalla, une des plus importantes tribus libyennes, qui soutient l'organisation djihadiste après avoir longtemps été un bastion kadhafiste.
En Libye, l'Etat islamique a donc réussi à survivre en se transformant, là aussi, comme en Irak et en Syrie. Cette transformation, de nouveau, a été préparée, et on peut en mesurer aujourd'hui le résultat. A partir de ses bases dans le sud libyen, au sud de Syrte et autour de Bani Walid, l'EI est capable d'infiltrer des commandos inghimasi et des véhicules piégés dans Tripoli, pour des attaques spectaculaires. Il lance des raids sur les petites stations de police aux marges des zones qu'il contrôle; il établit des checkpoints sur les routes, en particulier sur la route côtière à l'est de Syrte et au sud d'Ajdabiyah. L'année 2018 aura vu ses capacités s'accroître depuis son retour visible en août 2017. Tant que le conflit en Libye perdure, les djihadistes peuvent espérer compter sur cette base arrière qui a montré en outre, par le passé, qu'elle pouvait téléguider des attentats à l'étranger.
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