Exclu- Syrie : les djihadistes français d'Omar Omsen concurrencent l'Etat islamique

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Matteo Puxton, édité Maxime Macé.
Publié le 01 août 2018 - 16:17
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Omar Omsen, leader du groupe de djihadistes Firqatul Ghuraba.
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Omar Omsen, leader du groupe de djihadistes français Firqatul Ghuraba.
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Profitant de l'affaiblissement territorial de l'Etat islamique, l'organisation djihadiste Firqatul Ghuraba, dirigée par le Français Omar Omsen, continue d'appeler à elle des candidats francophones au djihad en Syrie. Matteo Puxton, agrégé d'Histoire, spécialiste des questions de défense et observateur de référence du conflit syrien, décrypte en exclusivité pour France-Soir la propagande récente du groupe dirigé par le djihadiste niçois.

Firqatul Ghuraba, la brigade d'Omar Diaby/Omsen, désormais étroitement liée au Parti Islamique du Turkistan (PIT), continue toutefois de produire ses propres vidéos, même si certains combattants français sont intervenus dans la dernière vidéo de propagande du PIT (21 mai 2018). Omar Diaby conserve donc sa branche médiatique "19HH" et le groupe n'est pas complètement "fondu" dans le PIT, en tout cas pas sur le plan de la propagande.

Le 19 juillet 2018, un communiqué de Firqatul Ghuraba annonce un certain nombre de vidéos à venir: les deux parties de la série Dans la peau du mudjahid (dont une bande-annonce avait déjà été diffusée dès septembre 2017, mais la vidéo n'avait pas suivi), les deux dernières parties de la série Il était une fois Charlie (qui en compte déjà 4) diffusées l'an dernier, une vidéo plus idéologique. D'autres vidéos sont programmées pour plus tard dont l'une sur les "martyrs de Firqatul Ghuraba à Hama", ce qui laisse penser que la brigade a participé à des combats dans ce secteur l'an passé et y a perdu des combattants. Une bande-annonce vidéo vient illustrer ces différents projets de vidéos, avec de nouvelles images.

Communiqué annonçant les prochaines vidéos du groupe.

La première vidéo de l'ensemble annoncé est finalement mise en ligne le 28 juillet. Elle est intitulée Dans la peau du mudjahid/Partie 1: Eid al Fitr, la guidée est une bénédiction. Le titre renvoie bien sûr à la rupture du jeûne à la fin du ramadan: difficile de dire ici si la vidéo a été tournée à la date correspondante cette année (le 15 juin), ou l'an dernier (le 25 juin), au vu des errements de la production vidéo de Firqatul Ghuraba, bien que l'on puisse pencher pour la première hypothèse.

Voir - Le Parti islamique du Turkestan, bras armé ouïghour d'al-Qaïda en Syrie

Il faut noter qu'Omar Diaby a ici fait le choix d'un format court (18-19 minutes) ce qui tranche avec les productions "fleuves" de plusieurs heures que l'on voyait encore en 2017. La qualité vidéo est toujours au rendez-vous, en termes purement techniques, dans la tradition des productions du "label" 19HH/Omsfirdaws Studio d'Omar Diaby.

Le groupe djihadiste est désormais installé dans un camp en dur, que l'on voyait en construction dans l'émission Complément d'enquête de France 2 au printemps 2016 et dans les vidéos de l'an passé. Il semble désormais terminé.

La vidéo montre un grand nombre de personnes dans le camp, ce qui tend à confirmer les informations selon lesquelles Firqatul Ghuraba, qui a encore réussi à faire venir des personnes en Syrie en 2017, a également récupéré des transfuges de l'Etat islamique suite à la disparition du territoire de ce dernier.

De nombreux hommes apparaissent à visage découvert: on reconnaît Guillaume, vu dans le reportage de France 2 et encore en mai 2018 dans la vidéo du PIT sous la kounya Abou Safiyya al-Faransi. On identifie aussi facilement Bryan, le jeune homme vu dans le même reportage de France 2. Parmi les hommes rassemblés pour la prière au début de la vidéo, on observe un homme qui a le bras droit bandé (blessé au combat?). La vidéo floute le visage d'un autre homme. L'individu qui fait le prêche semble également être un des membres "historiques" du groupe d'Omar Diaby, puisque celui-ci met en avant les recrues présentes de longue date. On reconnaît plus loin Yahya, également apparu dans le Complément d'enquête de France 2 en 2016. A la fin du prêche, quand les combattants se font l'accolade, on reconnaît aussi le Mauricien Abou Haroun qui lui aussi apparaissait dans la vidéo du PIT de mai. Au total on peut estimer à 15-20 hommes l'effectif présent lors du prêche.

Guillaume (à gauche) et Bryan (à droite), qui apparaissaient déjà dans le Complément d'enquête de 2016. Le premier apparaissait dans la vidéo du PIT de mai 2018 sous la kounya Abou Safyya al-Faransi.

Yahya apparaissait également dans le Complément d'enquêtes. Le testament vidéo d'Ubayd'Allah, combattant de Firqatul Ghuraba tué au combat en juillet 2016, lui était dédié.

Le Mauricien Abou Haroun est également présent dans cette vidéo. Lui aussi apparaissait en mai dans la production du PIT.

Dès la première minute de la vidéo, on peut voir une femme complètement voilée et pas moins de cinq enfants. Un autre plan plus loin montre cinq femmes entièrement voilées avec trois enfants en bas-âge et trois plus âgés. Pendant le prêche, un groupe de sept femmes voilées est visible; un autre plan en montre sept autres, puis huit autres; même s'il y a probablement des recoupements entre les groupes, on peut estimer qu'au moins 10 à 15 femmes assistent au prêche. Une jeune fille, à visage découvert, lit le Coran dans une autre séquence. A la fin du prêche, quand les femmes se donnent l'embrassade, on distingue une femme assez âgée, portant des lunettes de presbyte. Au total, le camp de Firqatul Ghuraba comprend probablement deux dizaines de femmes au moins, et de nombreux enfants, dont beaucoup sont probablement nés en Syrie depuis 2013.

Le camp regroupe au moins 10 à 15 femmes qui assistent au prêche et de nombreux enfants en bas-âge, nés en Syrie sans doute pour la plupart.

Omar Diaby est évidemment au centre de la production. Les premières images le montrent entouré d'enfants, avant de faire son sermon. Il n'apparaît pas autrement qu'assis dans la vidéo, sur un fauteuil, assénant son discours, ou sur un tapis, écoutant le prêche qu'il a probablement rédigé et qui est prononcé par un de ses compagnons. Peut-être conserve-t-il encore des séquelles de la blessure qui l'avait obligé à "faire le mort" entre l'été 2015 et le printemps 2016.

Omar Diaby entouré d'enfants. Le chef de Firqatul Ghuraba n'apparaît qu'en position assise dans la vidéo.

Pour la rupture du jeûne, Diaby fait lire par un des membres historiques de son groupe un discours sans doute préparé par lui, qui commence par le verset 111 de la sourate al-Isra: "Et dis: «Louange à Allah qui ne S’est jamais attribué d’enfant, qui n’a point d’associé en la royauté et qui n’a jamais eu de protecteur de l’humiliation». Et proclame hautement Sa grandeur". Le discours commence en alternance avec des images de circumambulation autour de la Kaaba. La vidéo insère des extraits de conférences d'Eric Younous, un prédicateur salafiste, converti. Omar Diaby appuie quant à lui son propos sur plusieurs hadiths. La vidéo cite aussi, comme cela avait déjà été le cas par le passé, Abou Yahya al-Liby, une des références idéologiques d'al-Qaïda. La vidéo comprend également des extraits de discours du sheikh salafiste égyptien Mohamed Hassan, qui soutient le djihad en Syrie. Imitant Eric Younous, qui pleure après s'être interrogé sur ceux qui se sont convertis à l'islam, Omar Diaby fait de même après avoir affirmé que le pacte que lui et ses hommes ont prêté est de vivre et mourir pour Allah.

Le lecteur du prêche est sans doute un membre historique du groupe de Diaby.

La fin de la vidéo montre quelques images de combat: des combattants dans un pick-up, une caméra GoPro fixée sur un combattant qui tire au fusil d'assaut AK. Un pick-up Mitsubishi transporte cinq hommes. Un pick-up Land Cruiser, outre le conducteur, embarque un passager à l'avant, deux à l'arrière et quatre sur la plate-forme arrière. On peut voir une image aérienne d'un village sur tablette ou ordinateur, étudiée très probablement en vue d'un assaut. Les images filmées en GoPro sont prises près d'une position défensive que les combattants français protègent, manifestement. Les combattants filment un Su-25 russe survolant leur position. Un fantassin, tenant un lance-roquettes Type 69, se met à l'abri face au bombardement de l'appareil russe. Dans un abri souterrain, juste avant l'impact d'une bombe ou d'un obus, on distingue un fusil d'assaut AK et un lance-roquettes M-72 LAW ou sa copie turque, le HAR-66. Une prière collective à la fin de la vidéo montre une quinzaine de combattants. On peut voir, en point final, le combattant avec GoPro arracher un poster de Bachar el-Assad dans une position prise. Comme souvent les images de combat sont très éparses et limitées dans les vidéos de Firqatul Ghuraba.

Sur un écran de tablette ou d'ordinateur, un objectif pour un assaut, probablement, est étudié.

Un Su-25 russe filmé en vol par les combattants de Firqatul Ghuraba.

Firqatul Ghuraba s'impose donc de nouveau comme un acteur du djihad francophone en Syrie, profitant de l'éclipse de l'Etat islamique et de son contingent français. Cependant, la présence d'un camp en dur interroge en cas d'offensive du régime syrien sur la province d'Idlib tenue par les rebelles et les djihadistes: Omar Diaby a-t-il prévu une solution de repli en cas de chute de l'enclave, via la Turquie ou ailleurs? L'avenir le dira.

Lire:

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