Russie : le parcours d'une brigade d'élite, de l'invasion de la Crimée aux combats en Syrie
Les origines de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés de la Garde "Eupatoria" "Drapeau rouge" remontent à la Seconde Guerre mondiale.
La 111ème division de fusiliers, qui est l'unité-mère de la brigade, est formée en juillet 1940, à Vologda, sur la base de la 29ème brigade de réserve du district militaire d'Arkhangelsk. La division est dans le district militaire de Kiev, à Vinnitsa, au moment du déclenchement de l'opération Barbarossa le 22 juin 1941, l'invasion allemande de l'URSS.
Emblème de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés.
En mars 1942, en récompense de ses succès sur le champ de bataille, la 111ème division de fusiliers devient la 24ème division de fusiliers de la Garde. Elle participe à la libération du sud de l'Ukraine et de la Crimée. Le 24 avril 1944, un décret lui accord le surnom "Eupatoria" pour avoir participé à la libération de cette ville, en Crimée. Le lendemain un autre décret lui accorde l'ordre du Drapeau rouge pour sa participation à la reconquête de Sébastopol. Elle finit la guerre au sein du 1er Front d'Ukraine, à Berlin. Près de 14.000 membres de la division ont été décorés pendant la guerre, dont 11 du titre de Héros de l'Union Soviétique.
Le 1er septembre 1949, la division est redéployée à Grozny, dans la république autonome de Tchétchénie-Ingouchie, et convertie en 24ème division de montagne de la Garde, au sein du district militaire du Nord-Caucase. Elle devient, le 1er juin 1957, la 42ème division de fusiliers motorisés de la Garde du 12ème corps d'armée. Elle est renommée en 1962 en tant que 42ème division d'instruction de fusiliers motorisés de la Garde. En 1987, elle est réorganisée en 173ème district d'entraînement de la Garde pour les officiers subalternes des fusiliers motorisés. En 1985 elle alignait: 87 chars T-54/55, 31 véhicules blindés BMP-1, 135 BTR-152, 36 canons M-30 de 122 mm, 18 canons D-1 de 152 mm.
En 1992, après la chute de l'URSS et les coupes drastiques subies par l'armée russe, le 173ème district est dissous. La 42ème division de fusiliers motorisés est pourtant recréée en janvier 2000 et fait partie de la 58ème armée du district militaire du Nord-Caucase. Elle est destinée à devenir l'unité de garnison permanente en Tchétchénie, après la seconde guerre menée par la Russie dans cette république. La 42ème division incorpore deux bataillons tchétchènes, Vostok et Zapad, qui sont des formations des célèbres Spetsnaz du GRU (renseignement militaire) mais qui sont néanmoins rattachés à cette division conventionnelle et dissous. Le 30 décembre 2008, la 42ème division est transformée en 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés de la Garde, basée à Khankala près de Grozny, et également à Kalinovskaya, à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale tchétchène.
La 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés a notamment été commandée par Sergei Kuzovlev (2010-2012/14?). Diplômé de l'école de commandement des forces aéroportées de Riazan en 1990, il participe aux deux guerres en Tchétchénie. En 2008, il passe à l'académie militaire de l'état-major général dont il sort en juillet 2010 pour prendre le commandement de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés de la Garde. Début 2014, il devient le chef d'état-major de la 58ème armée. Les Ukrainiens l'accusent d'avoir dirigé le 1er corps d'armée russe dans le Donbass entre l'automne 2014 et l'hiver 2015, ce que la Russie a toujours démenti. Kuzovlev a continué son ascension: aujourd'hui Lieutenant Général, il dirige la 8ème armée combinée de la Garde du district militaire Sud depuis mars 2017.
En 2014, la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés participe à l'invasion de la Crimée. Le 6 mars, elle fait mouvement vers la péninsule et pénètre en Crimée par l'isthme de Perekop. Elle fournit un groupe tactique au niveau bataillon pour la contre-offensive russe dans le Donbass en août, ainsi que son bataillon de reconnaissance. En février 2015, la 18ème brigade fait partie du groupe opérationnel Nord engagé dans le Donbass, en Ukraine. Les 1er et 2 février, elle est engagée, aux côtés de la 8ème brigade de fusiliers motorisés de la Garde, du 25ème régiment de Spetsnaz et d'éléments de la 232ème brigade de lance-roquettes multiples dans la bataille de Debaltseve. Les pertes de la 8ème brigade sont telles que la 20ème brigade de fusiliers motorisés de la Garde vient renforcer le groupe tactique fourni par la 18ème brigade.
L'année 2016 voit les premières preuves certaines de la présence de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés en Syrie. Le 22 juin, l'Etat islamique revendique la mort de trois soldats russes sur la route entre Raqqa et Ithriya, alors que le groupe djihadiste vient de violemment contre-attaquer les forces du régime engagées dans une offensive sur Tabqa. Les documents capturés par l'EI montrent que des soldats de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés accompagnaient probablement des artilleurs de la 291ème brigade d'artillerie russe; d'autres photos capturées par les djihadistes confirment par ailleurs que les deux formations ont opéré ensemble dans le Donbass, avant leur engagement en Syrie.
En août, un lieutenant-général russe portant l'emblème de la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés décore le chef de la milice palestinienne Liwa al-Quds, qui combat pour le régime à Alep, et avec laquelle les Russes semblent avoir des liens privilégiés.
Un Lieutenant General russe décore le chef de Liwa al-Quds. Il porte l'emblème de la 18ème brigade.
En décembre 2016, la 18ème brigade est dissoute pour rejoindre la 42ème division de fusiliers motorisés recréée, dont elle devient le 71ème régiment de fusiliers motorisés (unité militaire 16544, base à Kalinovskaya). Avant sa transformation de brigade à régiment de fusiliers motorisés en décembre 2016, la brigade alignait 40 chars T-72, 129 BTR-82A, 27 BTR-80, 6 Gaz Tigr, 15 MT-LB, 18 2B26 Grad, 36 2S19 MSTA-S, 18 2S12 Sani, 12 MT-12, 12 9P149 Shturm-S, 4 BRDM-2, 12 9A33BM2 Osa, 6 9A43 Strela-10, 6 2S6M Tungunska et 27 9K38 Igla.
Juste après la formation de la 42ème division, un bataillon de police militaire tchétchène du 71ème régiment de fusiliers motorisés est expédié en Syrie, en décembre 2016. Ce bataillon, fort de 400 hommes, est composé de Tchétchènes fidèles au président Ramzam Kadyrov, l'allié de Moscou -bien que 12 hommes aient refusé de servir en Syrie. Il reste dans la région d'Alep pour trois mois, avant d'être relevé par une autre unité similaire venue cette fois de la république voisine d'Ingouchie. Un des hommes du bataillon est d'ailleurs identifié comme ayant pris part aux opérations en Crimée et dans le Donbass.
Toutefois, le président Kadyrov expédie un autre bataillon de police militaire tchétchène en Syrie dès le mois d'avril 2017, et le personnel tourne par rotation des effectifs. 400 policiers militaires tchétchènes stationnent dans la province de Deraa, puis des checkpoints tenus par des policiers militaires sont installés autour de la Ghouta orientale, et autour de la poche de Rastan. En septembre 2017, la police militaire tchétchène s'installe au sud-est de la province d'Idlib. Mais elle est ciblée par les groupes rebelles et djihadistes syriens: un des policiers, Magomed Terbulatov, est tué au combat. Le 14 février 2018, un des bataillons de police militaire tchétchène retourne à Grozny (393 hommes, commandés par le Major Ruslan Numukhajiev).
23 décembre 2016: le bataillon de police militaire tchétchène du 71ème régiment (dont on reconnaît l'insigne de manche) atterrit en Syrie. Les hommes embarquent ensuite dans des camions Kamaz 5350.
Comme de nombreuses autres unités régulières de l'armée russe, la 18ème brigade indépendante de fusiliers motorisés de la Garde (aujourd'hui 71ème régiment de la 42ème division) a participé aux opérations de combat en Syrie en soutien du régime syrien. Depuis un an et demi, ce sont surtout les bataillons de police militaire tchétchènes de l'unité qui occupent le devant de la scène, à des fins de projection de puissance à la fois pour la Russie et pour son allié Ramzam Kadyrov en Tchétchénie; toutefois, il est fort possible que des éléments du régiment soient encore déployés pour épauler le régime syrien dans ses opérations militaires.
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