Les tutos chirurgicaux sur YouTube victimes des fake news
Sur YouTube, on connaissait les tutos sur le maquillage, les vidéos de « unboxing » (ouverture d’un colis, en français moderne), les Vlogs, mais saviez-vous que les tutos d’opérations chirurgicales ont aussi un grand succès? Bien des medecins s'y réfèrent paraît-il. Pourquoi pas, si ils arrivent à sourcer les vidéos. Car des faiseurs de FakeNews s'en mêlent.
On peut vraiment tout apprendre sur la plateforme de vidéos, mais feriez-vous confiance à un chirurgien qui s'entraîne en regardant des vidéos Youtube. A cette question, les médecins francais que nous avons consultés donnent cette réponse : "Comme pour tout sur le net, on y trouve le pire et le meilleur. Certaines universités, par exemple, peuvent nous faire découvrir toutes disciplines confondues des nouvelles pratiques fort intéressantes. Mais de là à se former ainsi...". Apparement, cela se fait de plus en plus.
Vidéo virale sur une opération de la cataracte
Des dizaines de milliers de vidéos sur la chirurgie sont disponibles, et leur nombre ne cesse d'augmenter chaque année. Certaines comptent un million de vues. Une vidéo qui montre l’élimination d’une cataracte dense et blanche, est même devenue virale et a été vue plus de 1,7 million de fois.
Mais, il est préférable et souhaitable que les médecins ne se forment pas par Youtube. D'autant que si l'on est pas un spécialiste du net et que l'on ne sait pas sourcer ses vidéos, le danger guette. Selon une récente enquête de la chaîne de télévision américaine CNBC, les médecins américains utilisent les vidéos youtube pour combler les lacunes de leur formation mais aussi pour se mettre en situation avant une opération ou pour se rappeler les gestes et procédures précis. Dans le reportage, des chirurgiens racontent les nouveaux usages des tutos chirurgicaux : soit pour se préparer avant une intervention, soit même pendant l’opération dans la salle lorsqu'ils sont confrontés à une opération particulièrement difficile ou à une complication inattendue.
À lire aussi : Grenoble - Patients mutilés, opérations suspectes : un chirurgien suspendu
Les chirurgiens appellent à une meilleur régulation
Comment les médecins peuvent-ils déterminer quelles vidéos sont valables et conformes aux règles d’opération en vigueur et quelles vidéos contiennent des informations erronées ou obsolètes?
Pour éviter toute “fake news” ou vidéo véhiculant des techniques erronées, les professionnels aimeraient que la plateforme puisse certifier les vidéos, comme Twitter le fait avec les badges bleus pour certains profils vérifiés.
Autre problème lié au fonctionnement de la plateforme: les meilleures vidéos ne sont pas toujours référencées en premier dans les résultats de recherche. La priorité est donnée au vidéos les plus vues ou mieux indexées. Des études montrent que l’algorithme YouTube met donc en avant dans ses suggestions et résultats de recherche des vidéos dans lesquelles la technique utilisée n’est pas optimale. Par exemple, pour les vidéos relatives à une technique chirurgicale appelée cholécystectomie laparoscopique, qui permet d'ôter la vésicule quand elle contient des calculs, la moitié des vidéos en Anglais montrent des manipulations et gestes dangereux.
Médecins et Youtube alliés contre la désinformation
Les chirurgiens voient leur engagement comme un moyen de combattre les mauvaises pratiques. Les experts médicaux interviewés par CNBC eux, se disent plus que disposés à travailler avec YouTube (et la maison mère Google) pour contribuer à la création de contenu médical, car les vidéos sont un outil très pertinent pour la formation et l'accès aux connaissances. Des partenariats pourraient se mettre en place pour, avec l’aide des médecins, pouvoir vérifier et mettre en avant le contenu de qualité.
De son côté Google, maison mère de YouTube, s’est déjà mis au travail. David Feinberg, responsable de Google Health, a récemment dévoilé que les contenus vidéo devraient bientôt être mieux contrôlés, et cela dans le cadre d'un projet de plus grande ampleur visant à lutter contre la désinformation médicale. Notamment en minimisant les vidéos qui propagent des discours anti-vaccination et en mettant en avant des tutoriels qui pourraient être utiles aux patients.
Une solution qui ne sera pas déployée avant quelques mois. Meme si la totalité des médecins interviewés par CNBC sont des professionnels exerçant aux Etats Unis, il existe aussi des videos chirurgicales en langue Française, qui sont aussi très vues. Les recommendations formulées par CNBC sont donc aussi valables en France: toujours vérifier si une vidéo est associée à un hôpital ou à une société médicale réputée avant de la regarder ou de la recommander à d'autres collègues.
À lire aussi : Facebook ferme 23 pages véhiculant des "fake news"
À lire aussi : Fake news: l'inanité de la loi contre la manipulation de l'information
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.