Courrèges : le style intemporel

Auteur(s)
VL
Publié le 24 novembre 2015 - 13:22
Mis à jour le 25 novembre 2015 - 15:39
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André Courrèges et ses modèles en 1976
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©AFP
André Courrèges pose avec ses modèles en 1976.
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Née de l’esprit d’André Courrèges, la marque de vêtements du même nom a fait fureur dans les années 60 avant de tomber dans l’oubli. Aujourd’hui, Courrèges tente son grand retour avec un nouveau duo à sa tête.
Difficile de trouver à travers l’Histoire un vêtement aussi représentatif d’une époque. La robe trapèze Courrèges, c’est le symbole des sixties, de la révolution sexuelle et de l’élégance française réunies. Créée en 1961 par le couturier André Courrèges et sa femme Coqueline, l’entreprise a traversé, non sans quelques accrocs, cinq décennies en conservant le même esprit et la "patte" d’André Courrèges. Le couple est resté impliqué dans la marque pendant cinquante ans, mais en 2011 celle-ci est finalement revendue à un couple de publicitaires.

L’effet d’une bombe

Très vite après la création de l’entreprise, les vêtements Courrèges rencontrent un grand succès. Leur design géométrique et avant-gardiste bouleverse la mode de l’époque avec l’apparition de la fameuse robe trapèze, de la minijupe, ou des bottes à semelles plates. Ces innovations répondent aux aspirations de la femme moderne des années 1960, plus libérée mais aussi plus active. Yves Saint Laurent lui-même comprend qu’André Courrèges vient de révolutionner la mode: "je m'enlisais dans l'élégance traditionnelle, Courrèges m'en a sorti. Sa collection est apparue comme une bombe. Après, plus rien n'était comme avant", dira-t-il. Les icônes féminines de l’époque participent à la renommée de la marque. Brigitte Bardot, Catherine Deneuve et surtout Françoise Hardy craquent pour les créations épurées du couturier.
Mais très vite, l’entreprise est confrontée à la concurrence issue de la révolution industrielle. Les créations Courrèges sont, au grand dam de leur créateur, copiées dans de nombreux pays. Furieux, André Courrèges boudera un temps les podiums pour se consacrer au prêt-à-porter de luxe plus abordable. Pour ce faire, il ouvre en 1968 une usine dans sa ville natale de Pau.

Courrèges tombe dans l’oubli

L’éclosion des nouvelles puissances industrielles, notamment en Asie, et la crise des années 1970 touchent durement Courrèges. L’entreprise tente de se diversifier, lance une gamme de parfums en 1979, mais n’arrive plus à suivre le rythme imposé par la concurrence: "nous avions un taux horaire de 120 francs à Pau contre 0,80 franc à Taiwan", expliquait Coqueline Courrèges à Libération.
En 1983, le groupe Japonais Itokin devient l’actionnaire majoritaire de la marque. Cette prise de pouvoir est désastreuse. Le couple Courrèges et son nouveau dirigeant nippon ne s’entendent pas du tout sur la gestion de l’entreprise. Les ambitions artistiques de l’un se heurtent aux impératifs économiques de l’autre. En 1986, André Courrèges est même déchu de son titre de "grand couturier" faute de n’avoir présenté aucune nouvelle collection en un an. Après plus de dix ans de combat, Coqueline Courrèges réussit en 1994 à reprendre le contrôle de la société. La marque retrouve le chemin des podiums en 2002pour un seul défilé, l’entreprise les considérant trop coûteux et peu rentables. A l’aube des années 2010, la marque peine à joindre les deux bouts, André Courrèges a alors 87 ans et s’est retiré du monde de la mode depuis 1996, son épouse en a 75 et cherche un repreneur. Plusieurs géants du luxe tels LVMH ou PPR lui font des propositions. Mais à la surprise générale, ce sont deux jeunes entrepreneurs, Jacques Bungert et Frédéric Torloting, qui raflent la mise en 2011, malgré une offre réputée moins importante: "c’est avant tout l’histoire d’une rencontre", confiait alors l’entreprise à FranceSoir, "Coqueline Courrèges voulait transmettre son entreprise plus que la revendre".

Nouveaux patrons, même esprit

Jusque-là dirigeants d’une agence de publicité, le duo n’avait jamais mis un pied dans le monde de la mode. Mais le tandem ne prétend pas bouleverser la griffe de la marque. Jacques Bungert et Frédéric Torloting misent donc sur le style intemporel de Courrèges plutôt que de courir sans arrêt après l’innovation: "l’industrie de la mode est prise au piège de sa propre vitesse", a déclaré Jacques Bungert au Républicain Lorrain, et son comparse d’ajouteron ne peut pas dire aux gens de jeter tous (leurs vêtements) tout les trois mois".
Au moment de la reprise, il ne restait de Courrèges que sa boutique historique rue François-Ier à Paris et des produits au nom de la marque mais réalisés et vendus au Japon. Depuis, ses modèles ont été introduits dans plus d'une centaine de points de vente (grands magasins et enseignes multimarques) et la gamme de parfums développée. Une boutique en ligne a également vu le jour et une autre, matérielle, au Luxembourg.
Une stratégie qui semble payante puisque le chiffre d’affaires de la marque a pratiquement doublé depuis la reprise pour atteindre les 20 millions d’euros. Même si l'entreprise ne devrait pas être bénéficiaire à court terme. C'est le prix du "made in France", la quasi totalité du travail sur le prêt-à-porter étant réalisé dans l'usine de Pau (la maille est sous-traitée en Italie).
Après des années difficiles, Courrèges a signé sa renaissance avec un retour sur les podiums de la Fashion Week de Paris en septembre dernier. Tout un symbole pour cette marque historique, considérée comme presque morte il y a quatre ans.
 
 

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