Monoprix, toujours un rayon d’avance
Monoprix en a vu un rayon depuis l’ouverture de son premier magasin en 1932. Le pari de lancer, au lendemain de la grande crise économique de 1929, une ligne de magasins située au cœur des villes et proposant des produits de qualité à un prix abordable a commencé à Rouen. A l’initiative de ce projet: Max Heilbronn, gendre de Théophile Bader (fondateur des Galeries Lafayette).
L’ouverture de la première enseigne avait été annoncée, placardée, publiée. Le succès est immédiat. Le jour de l’ouverture, une foule de curieux –essentiellement féminine– se presse au portillon. Le concept est simple: proposer aux classes populaires de l’époque des produits de qualité à un prix raisonnable et unique: 3,50 ou 10 francs dans les premières années.
Si l’idée, à l’époque, est encore en France une nouveauté (Les Nouvelles Galeries et Le Printemps viennent tout juste de créer Uniprix et Prisunic), elle a déjà fait son chemin aux Etats-Unis depuis une trentaine d’années. Max Heilbronn, fasciné par le modèle américain et sûr du futur succès des "magasins populaires" citadins, se lance à son tour.
De Noma à Monoprix
La première année, l’enseigne ne s’appelle pas encore Monoprix mais Noma, le diminutif de "Nouveau magasin". Elle change de nom pour Monoprix suite à un procès intenté par les Nouvelles Galeries, dont une enseigne porte le nom de Noga.
Dans les premières années, Monoprix commercialise essentiellement du prêt-à-porter, du linge de maison, de la vaisselle et de petits objets de décoration. L’alimentaire se limite alors aux conserves, aux légumes secs et aux épices.
La Seconde guerre mondiale touche de plein fouet l’entreprise, qui est dépossédée par les Allemands de ses enseignes, revendues au groupe textile Malard. Max Heilbronn est déporté en 1944. Il rencontre à ce moment Etienne Moulin. Naîtra entre les deux hommes une indéfectible amitié, renforcée par le mariage du second avec la sœur du premier.
Au terme de la guerre, c’est Etienne Moulin, lui aussi intimement convaincu de l’avenir de l’entreprise, qui œuvre à sa reconstruction. Dix ans après ce deuxième conflit mondial, Monoprix compte 236 magasins en France mais aussi dans les colonies comme en Algérie ou au Maroc. A sa suite, le gendre d’Etienne Moulin, Philippe Houzé, deviendra directeur général de Monoprix en 1982 et co-dirigera l’entreprise avec le second gendre de la famille Moulin, Philippe Lemoine.
Outre les événements historiques, les femmes prirent part de manière significative à l’ascension de l’entreprise. "Ma grand-mère, ‘Madame Max’, comme l’appelait le personnel des magasins, accompagnait chaque jour mon grand-père à son bureau ou dans des visites de magasins", témoigne Christiane Houzé, l’épouse de Philippe Houzé.
Des comptoirs aux rayons
Une chose caractérise encore aujourd’hui les enseignes Monoprix: l’incessante volonté d’avoir un temps d’avance sur les désirs de ses clients. Dans cette perspective, Etienne Moulin modernise dans les années 50 les magasins Monoprix en mettant en place le libre-service intégral et en commandant outre-Atlantique les premiers meubles réfrigérés. La gamme alimentaire de l’enseigne se développe et passe en quelques années de 3% à plus de 60%! Monoprix se met également à commercialiser ses propres marques alimentaires (les conserves Kerbronec et la crèmerie Mont-Joly) et de prêt-à-porter.
Dans les années 60, l’équipement des Français en automobiles, et le départ d’une partie des classes populaires vers la périphérie des villes mettent en péril l’existence de Monoprix. Après deux décennies difficiles et une image devenue vieillotte, une réflexion sur le positionnement de la marque s’engage. Dans les années 90, le centre-ville attire de nouveau, et Monoprix rachète ses concurrents Uniprix et Prisunic.
La marque s’éloigne alors petit à petit de la clientèle populaire de ses débuts pour viser un public plus aisé. C’est à cette période que l’entreprise crée Monoprix Gourmet, Monoprix La Forme et Monoprix Vite-Prêt. Suivront Monoprix Vert, Monoprix Bio et la gamme commerce équitable Max Havelaar.
Plus récemment ce sont Monop’, Monop’ Daily, Monop’ Beauty et Monop’ Station qui se sont développés et s’étendent désormais jusque dans les gares, pour plus de rapidité et de proximité avec des clients citadins soucieux de gagner du temps. L’enseigne Monoprix n’est pas la seule à avoir développé ce concept: Carrefour City et Marché Franprix fonctionnent sur le même modèle, dans les grandes villes.
Casino rachète Monoprix
Face à cette concurrence, Monoprix a de nouveau mis les bouchées doubles, ces dernières années. Nouveau logo –une virgule au lieu d’un M–, site internet et nouveau propriétaire. Casino, qui détenait déjà Monoprix à 50% depuis 2000, a eu l’autorisation de racheter l’intégralité des parts de l’entreprise en juillet 2013. L’Autorité de la concurrence y a cependant mis une condition: la cession de 58 magasins. Cet événement a marqué le premier changement de main intégral de l’entreprise, détenue encore jusque là à parts égales avec les Galeries Lafayette.
Stéphane Maquaire, directeur général de l’entreprise, précise que ce changement de main ne change rien à la politique de l’entreprise en matière d’innovation et de satisfaction des attentes des clients. De nouvelles tenues pour les vendeurs ont même été conçues avec un badge indiquant le prénom de chacun, pour une proximité et un relationnel accrus avec le client.
Monoprix affirme employer au mètre carré deux fois plus de vendeurs que les autres enseignes de la grande distribution. Pour Stéphane Maquaire, "l’idée est d’apporter davantage de surprise et de plaisir". Et pour cela, "Monoprix est une entreprise française, qui investit malgré la crise".
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