Protection des données personnelles : l'autre pomme de discorde entre l'Union européenne et les Etats-Unis

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La rédaction de FranceSoir.fr
Publié le 18 juillet 2016 - 18:01
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©Thomas R. Koll/Flickr
Afin de protéger les données personnelles des Européens de la surveillance massive de la NSA, l'UE a mis en place un "bouclier de sécurité".
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En cette période de pause estivale propice aux voyages, nombreux sont ceux qui ont réservé une chambre d’hôtel sur un site internet ou s’apprêtent à poster sur Facebook leurs photos souvenirs. Parmi ces personnes, combien s’interrogeront sur l’utilisation qui peut être faite des données qu'ils auront ainsi (bien involontairement) transmises?

Cette question est au cœur de la problématique de la protection des données personnelles, qui intéresse l’Union européenne, notamment lorsque le transfert se fait d’un pays européen vers un pays tiers. Le principe veut que ce type de transfert de données à caractère personnel vers un pays tiers soit interdit, sauf si le pays en question assure un niveau de protection suffisant pour ces informations.

En juin 2013, les révélations d’Edward Snowden sur la récupération par l’agence de renseignements américaine, la NSA (National Security Agency), des données personnelles des citoyens européens, et donc leur surveillance par les autorités américaines, ont conduit l’UE à revoir les accords existants sur le sujet.

Alors que les négociations étaient en cours, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 6 octobre 2015, a précipité le processus. La Cour avait à se prononcer sur une question posée par la Haute Cour de justice irlandaise relative à la validité des principes dits Safe Harbor (sphère de sécurité). Ceux-ci étaient énoncés dans la décision de la Commission européenne du 26 juillet 2000 dans laquelle elle considérait que les Etats-Unis assuraient un niveau suffisant de protection des données personnelles pour permettre le transfert des données.

Mais la Cour de justice de l’Union européenne a invalidé cette décision. Marquée par les révélations de l’affaire Snowden, elle a constaté que le régime américain de protection des données personnelles "rend possible des ingérences (…) dans les droits fondamentaux des personnes" par les autorités publiques américaines.

La négociation d’un nouvel accord devenait urgente pour les quelques 4.000 entreprises soumises au Safe Harbor devenu caduc et laissant donc place à un vide juridique. Or, le sujet de l’utilisation des données personnelles est particulièrement brûlant quand on connait la valeur de celles-ci pour les entreprises: l’exploitation des données personnelles de ses utilisateurs aurait rapporté 12 milliards de dollars à Facebook en 2014, selon Les Echos.

Le nouveau dispositif, baptisé Privacy Shield (bouclier de protection de la vie privée), a été négocié entre la Commission européenne et les Etats-Unis, qui sont parvenus à un accord le 2 février 2016. Le 13 avril, les autorités européennes de protection des données (la CNIL pour la France) ont émis un avis sur cet accord, où elles expriment de sérieuses préoccupations. Puis le Parlement européen a fait de même dans une résolution votée le 26 mai: les députés européens réclamait de rouvrir les négociations pour apporter plus de garanties. Le 8 juillet, les Etats membres, réunis au sein d’un groupe de travail, ont quant à eux validé le texte, malgré l’abstention de quatre pays, l’Autriche, la Hongrie, la Slovénie et la Bulgarie.

Finalement, le 12 juillet 2016, la Commission européenne adopte sa décision relative au bouclier de protection des données UE-Etats-Unis. La commissaire européenne chargée de la Justice, des Consommateurs et de l’Egalité des genres, Věra Jourová, a déclaré que le Privacy Shield est "un nouveau système solide destiné à protéger les données à caractère personnel des Européens et à procurer une sécurité juridique aux entreprises. Il prévoit des normes renforcées en matière de protection des données, assorties de contrôles plus rigoureux visant à en assurer le respect, ainsi que des garanties en ce qui concerne l’accès des pouvoirs publics aux données et des possibilités simplifiées de recours pour les particuliers en cas de plainte. Le nouveau cadre rétablira la confiance des consommateurs dans le contexte du transfert transatlantique de données les concernant".

Ainsi, le nouveau système se veut plus protecteur que la précédente "sphère de sécurité": la collecte des données par les sociétés américaines ne peut notamment pas être utilisée pour des usages non prévus initialement. Egalement, un médiateur aux Etats-Unis sera chargé de recevoir les plaintes des Européens. Tous les ans, la Commission examinera le respect du dispositif par les Etats-Unis.

Toutefois, le bouclier peine à convaincre. Les services de renseignements américains peuvent continuer à intercepter les données personnelles des Européens. Les associations fustigent un accord jugé largement insuffisant, qualifié de bouclier troué par la Quadrature du net. Du côté des députés européens, si la droite (les groupes PPE et CRE) est satisfaite, ce n’est pas le cas des Socialistes, des Verts et des Libéraux. Eux estiment que le nouveau système ne respecte pas les exigences posées par la CJUE: "la CJUE a dit que le problème, c’était les lois américaines. Or rien, dans les textes américains, n’a changé", pointe Jan Philipp Albrecht (Verts).

Le nouvel accord est par conséquent susceptible d’être à nouveau invalidé par les juges européens. Pour finir, il a été élaboré dans le cadre de la directive européenne de 1995 sur la protection des données. Or, cette directive va être remplacée en mai 2018 par un règlement adopté en 2015. L’insécurité juridique, ennemi des entreprises, plane donc toujours. Quant aux citoyens, ils ne peuvent que déplorer que la protection de leur vie personnelle soit mise en balance avec des enjeux économiques et de sécurité.

(Avec la contribution de la Maison de l’Europe de Paris)

 

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