Vente et don de chiens et de chats : quelles sont les règles ?
Avec 13, 5 millions de chats et 7,3 millions de chiens dans les foyers français, notre pays est le champion d'Europe de la détention d'un animal de compagnie. Selon la dernière enquête FACCO/ Kantar TNS de 2016, 49,5% des foyers de l'Hexagone détiennent un animal de compagnie, et 42% ont au moins un chien ou un chat.
Afin de répondre à cette demande, les français ont la possibilité de se tourner vers plusieurs types de fournisseurs, professionnels ou non, agissant à titre gratuit ou onéreux, dans un but lucratif ou non: éleveurs professionnels, animaleries, particuliers, associations de protection animale et fondations. En effet, l'animal domestique, bien que reconnu comme un être vivant doué de sensibilité depuis la loi du 16 février 2015[1], demeure soumis au régime des biens (sous réserve des lois qui le protègent) et est appropriable.
Toutefois, si la cession à titre gratuit ou onéreux d'un chien ou d'un chat reste soumise au droit commun de la vente et des libéralités, le législateur a organisé de longue date un régime spécifique encadrant le transfert de propriété de ces êtres vivants doués de sensibilité[2]. Comme le rappelait Suzanne Antoine, dans son rapport de 2005 sur le régime juridique de l'animal[3]: "L'animal est appropriable; il est l'objet d'un commerce quotidien à travers le monde et il est actuellement fondamentalement régi par le droit privé des biens. Mais l'animal est le seul bien qui soit un être vivant et sensible, le seul aussi en faveur duquel le droit a élaboré une protection dans son intérêt propre".
Cette protection est d’autant plus indispensable, que le marché de l’animal a connu un essor considérable depuis des décennies, et suscité un grand nombre de convoitises avec des dérèglements, pouvant aller de l’absence de maîtrise de l’origine des animaux, jusqu’aux importations illégales et au trafic[4]. L’excellent rapport de la députée Geneviève Perrin-Gaillard, sur l’identification des chiens et des chats, leur commercialisation et l’approvisionnement des centres d’expérimentation, présenté en décembre 2001 à l’Assemblée nationale, appelait l’attention sur toutes ces dérives et le fait, notamment, qu’une grande partie des chiens et chats cédés en France, l’étaient dans le cadre de la "nébuleuse", c'est à dire dans la sphère des particuliers et du trafic.
Afin de protéger la particularité de l’animal, "objet" de transactions, le code rural et de la pêche maritime a donc organisé un régime spécifique pour la cession des chiens et des chats, codifié aux articles L214-6 à L214-8-1[5] et renforcé en 2015, par l'ordonnance relative au commerce et à la protection de l'animal de compagnie[6]. Ce texte, paru la même année que la loi reconnaissant le statut particulier de l’animal domestique, a le mérite de prendre en compte la spécificité de l'animal en tant qu'objet d'une vente[7].
Annoncé comme un moyen de lutter contre l'abandon en assurant "un meilleur encadrement du commerce de chiens et chats, par une reproduction mieux maîtrisée des animaux détenus par des particuliers", et contre la concurrence déloyale en imposant "les mêmes règles sanitaires et de protection animale à toute vente de chiot ou chaton", il devait aussi permettre d'améliorer "l'efficacité des contrôles des directions départementales de la protection des populations par une meilleure traçabilité des vendeurs et une meilleure lisibilité des petites annonces"[8].
Une des mesures phares de ce texte, est la nouvelle définition du seuil d'élevage. L'article L. 214-6 du code rural définit désormais, "l'élevage de chiens ou de chats, comme l'activité consistant à détenir au moins une femelle reproductrice dont au moins un chien ou un chat est cédé à titre onéreux". En d'autres termes, si votre chienne ou votre chatte fait une portée et que vous vendez au moins un de ses bébés, vous êtes considéré comme éleveur et vous devez accomplir un certain nombre de démarches, afférentes à ce statut d'éleveur.
Ainsi, en application du I de l'article L. 214-6-2 du code rural et de la pêche maritime[9], "les personnes exerçant l'activité d'élevage doivent s'immatriculer auprès de la Chambre d'Agriculture et remplir un certain nombre d'obligations, avec des dérogations dans certaines situations: éleveurs de chats et chiens ne cédant à titre onéreux pas plus d'une portée de chiens ou de chats par an et par foyer fiscal[10] et éleveurs produisant uniquement des chiens et chats inscrits au livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l'agriculture, dès lors qu'ils respectent certaines conditions.
De plus, l'ensemble des personnes, qui sans détenir la femelle reproductrice, cèdent à titre onéreux des animaux de compagnie[11], doivent s'immatriculer afin de figurer sur le registre du commerce et des sociétés[12]l.
Le deuxième aspect important de la "réforme" de 2015, consiste en l'encadrement plus strict des offres de cession de chiens et de chats. L’objectif majeur était de lutter contre les annonces qui pullulaient de manière très inquiétante sur internet, souvent en ne respectant pas les mentions obligatoires et qui pouvaient parfois laisser penser que les vendeurs n'étaient autres que des trafiquants de chiens.
Ainsi depuis le 1er janvier 2016, en application de l’article L. 214-8-1 du code rural, les petites annonces doivent obligatoirement mentionner:
- L’âge des animaux.
- Le numéro d’identification ou celui de la mère.
- L’inscription ou non à un livre généalogique.
- Le nombre d’animaux de la portée.
- Si la cession est à titre onéreux, elles doivent mentionner en plus:
- Le numéro SIREN.
- Le numéro de portée attribué dans le livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l'agriculture.
- Si la cession est à titre gratuit, doit également figurer le caractère de don ou de gratuité.
Concernant les règles propres à la cession en elle-même, elles sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, il est à noter que la cession de chiens, chats et autres animaux de compagnie, ne peut se faire dans n'importe quel endroit et dans n'importe quelles conditions. Ainsi, il est interdit de longue date de vendre ou donner des animaux de compagnie, "dans les foires, marchés, brocantes, salons, expositions ou toutes autres manifestations non spécifiquement consacrés aux animaux"[13]. Des dérogations peuvent exister pour les animaux de compagnie, autres que les chiens et les chats[14].
La vente de chiens et chats peut avoir lieu lors d'une exposition ou toute autre manifestation consacrée à des animaux de compagnie, sous réserve d'en faire déclaration au préfet du département "et de veiller à la mise en place et à l'utilisation d'installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale"[15].
Enfin, depuis l'ordonnance de 2015, il est strictement interdit de vendre des animaux vertébrés en libre service[16], en d'autres termes, vous ne trouverez pas de chaton, chiot, hamster et autre boule de poil, en vrac, dans un rayon de votre supermarché.
Ensuite, toute personne (éleveur, professionnel, association de protection animal, particulier) vendant ou donnant un chien ou un chat, doit respecter un certain nombre d'obligations liées à l'animal en lui même.
En premier lieu, ils doivent respecter une condition liée à l'âge de l'animal, à savoir qu'il est interdit de céder un chiot ou chaton âgé de moins de 8 semaines, soit 2 mois[17]. Cette exigence est liée au fait que les animaux doivent être sevrés et doivent avoir acquis les codes comportementaux auprès de leur mère. Cet âge de 8 semaines n’est d’ailleurs peut être pas tout à fait suffisant.
En second lieu, le chien ou le chat, qu’il soit vendu ou donné, doit obligatoirement être identifié par puce électronique ou par tatouage[18].
Enfin, la cession d'un chien ou d'un chat obéit à un certain formalisme. Les obligations formelles sont plus importantes lorsqu'il s'agit de la vente d'un chien ou d'un chat ou encore de la cession d'un chien ou d'un chat par une association de protection animale. Il est d'ailleurs intéressant à ce stade de s'arrêter quelques instants sur la nature des cessions opérées par les associations de protection animale. On entend souvent dire que telle ou telle association "vend" trop cher les animaux. En effet, l’"adoption" d’un chien ou d’un chat dans un refuge animalier, ou auprès d’une association, se fait moyennant le versement d’une contrepartie financière, qui correspond à une participation aux frais d’identification, de vaccination, de stérilisation et autres dépenses vétérinaires. Juridiquement, ce type de cession s’analyse, non en une vente, mais en une donation avec charges[19].
Quoiqu’il en soit, les associations de protection animale et fondations œuvrant dans ce domaine, restent tenues au respect des conditions de forme exigées en cas de vente d’un chien ou d’un chat.
- La première d’entre elle consiste en la production d’une attestation de cession[20], (sauf entre professionnels, la facture tenant alors lieu d’attestation), dont le contenu est défini par l’article 3 de l’arrêté du 31 juillet 2012;
- Le deuxième document devant être remis à l’acquéreur est le "document d'information sur les caractéristiques et les besoins de l'animal contenant également, au besoin, des conseils d'éducation" dont le contenu est fixé par l’article 2 de l’arrêté précédemment cité;
- Un certificat vétérinaire attestant du bon état sanitaire de l’animal dans des conditions définies à l’article D. 214-32-2 (il comprend notamment le document justifiant de l'identification de l'animal, celle-ci étant obligatoire pour toute cession d’un chien ou d’un chat).
Lorsque la cession du chien ou du chat est réalisée à titre gratuit, le code rural prévoit que seul le certificat vétérinaire doit être remis[21]. On peut regretter que les documents devant être remis lors de la cession différent en fonction du caractère onéreux ou gratuit. En effet, la remise de l’attestation de cession donne un caractère solennel, qui a le mérite de responsabiliser le cédant et le nouveau propriétaire. Le document comportant les conseils d’éducation a également une fonction similaire de responsabilisation, à la fois pour le cédant, qui ne doit pas prendre à la légère le fait de donner un animal, et pour la personne qui reçoit cet animal. Ce document prend bien en compte la particularité de l’objet de la transaction ou de l’acte, être vivant et sensible qui doit être détenu dans des conditions spécifiques à son espèce et pour lequel il est nécessaire de disposer d’un certain nombre de connaissances. De plus, l’attestation de cession rappelle les obligations légales s’imposant au détenteur d’un animal de compagnie, notamment celles du fameux article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que "Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce".
Le fait que l’animal soit donné sans contrepartie financière, n’empêche pas d’informer le donataire[22] de ses devoirs envers cet être vivant et bien évidemment ne l’en dédouane pas. Ainsi, il est dommage que le législateur ne soit pas allé un peu plus loin en instaurant un contrat solennel[23] de cession de chiens et chats, comme l’avait proposé en son temps le Pprofesseur Legeay[24]qui avait imaginé avec les organismes professionnels, un contrat-type qui avait été validé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Afin de tenir compte de la spécificité de l’animal en tant qu’objet de contrats de cession de sa propriété, il serait donc opportun d’instaurer un formalisme obligatoire[25] comme c’est le cas par exemple pour la vente d’immeubles ou les baux d’habitations soumis à loi du 6 juillet 1989. Alors que l'objectif pour ces derniers est de protéger l'acquéreur et le locataire, l'instauration d'un contrat solennel permettrait non pas de protéger l'une des parties, mais l'"objet" de la convention.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2015, la Fondation 30 Millions d’Amis, qui en était pour partie à l’origine, s’est félicitée de ce que le nombre de petites annonces de vente d’animaux de compagnie sur internet avait baissé[26] Selon le ministère de l’Agriculture, le nombre de petites annonces sur Le Bon Coin avait baissé de 30% sur l’année 2016. S’il était satisfait de ces premiers résultats, le Ministère ne s’en réjouissait pas totalement, tant que les chiffres de l’abandon n’auraient pas baissé, ce qui devrait, à son sens, n’intervenir que d’ici quelques années.
Malheureusement, force est de constater que les chiffres de l’abandon n’ont pas diminué et la société protectrice des animaux a même enregistré "une hausse de 20 % du nombre d'abandons de chats et une hausse de 6,5 % du nombre d'abandons de chiens en trois ans (entre 2015 et 2017)"[27].
Voir aussi:
Divorce: que deviennent les animaux de compagnie?
Acte de cruauté envers un animal domestique: que risque la personne responsable des sévices?
Logement: le locataire peut-il imposer son animal de compagnie au propriétaire?
[1]Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures parue au JO du 17 février 2015.
[2]Projet de réforme portant instauration d'un contrat solennel de cession de chiens et de chats, diplôme universitaire de droit animalier de l'Université de Limoges, Agnès Maatoug 2017.
[3]http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000297.pdf
[4] Rapport d’information sur l’identification des chiens et des chats, leur commercialisation.
[5]Partie Législative- Livre II- Titre Ier- Chapitre IV La protection des animaux- Section 2 Dispositions relatives aux animaux de compagnie.
[6]Ordonnance n° 2015-1243 du 7 octobre 2015 relative au commerce et à la protection des animaux de compagnie parue au JO du du 8 octobre 2015.
[7]Contrat de vente et animaux de compagnie Kiteri GARCIA et Claire HUGON in RSDA -2/2015 p. 53 http://www.unilim.fr/omij/files/2016/11/RSDA_2_2015.pdf.
[8]Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2015-1243 du 7 octobre 2015 relative au commerce et à la protection des animaux de compagnie paru au JO du 8 octobre 2015.
[9] "I.-Toute personne exerçant l'activité d'élevage de chiens ou de chats au sens du III de l'article L. 214-6 est tenue de s'immatriculer dans les conditions prévues à l'article L. 311-2-1 et de se conformer aux conditions énumérées au I de l'article L. 214-6-1".
[10]Article L214-6-2 du code rural et de la pêche maritime.
[11]Article L214-6 IV du code rural et de la pêche maritime: "Pour l'application de la présente section, on entend par vente la cession à titre onéreux d'un animal de compagnie sans détenir la femelle reproductrice dont il est issu".
[12]Article L214-6-3 du code rural et de la pêche maritime.
[13]Article L214-7 du code rural et de la pêche maritime.
[14]Ibid
[15]Ibid
[16]Article L214-8 du code rural et de la pêche maritime.
[17]Ibid
[18] Article L212-10 du code rural et de la pêche maritime.
[19] CA Paris, Pôle 4, ch. 9, 5 mai 2011, n° 09/14710, Mme Anne G. c/ association société protectrice des animaux et Mme Florence S. CA Reims, ch. civ. 1, sect. instance, 12 juin 2015, n° 14/01930, Association Lévriers sans frontières c/ Patrick G, RSDA 2015/1, p. 36, note F. M.
[20] Ibid 1°)
[21] Article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime.
[22] Bénéficiaire de la donation, celui qui l’accepte. Vocabulaire juridique Gérard Cornu.
[23] Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.
[24] Etude sur la commercialisation des animaux de compagnie – Le rôle des animaleries.
[25] Proposition de réforme du droit animalier dans le cadre du diplôme universitaire de droit animalier de l’université de Limoges: instauration d’un contrat solennel de cession de chiens et chats, Agnès Maatoug promotion Suzanne Antoine 2016.
[26] https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/11843-bonne-nouvelle-la-vente-danimaux-sur-internet-a-baisse/
[27] https://www.lepoint.fr/societe/triste-nouveau-record-d-abandons-cet-ete-la-spa-saturee-05-08-2018-2241576_23.php
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