Emissions de CO2 et impact économique du confinement en France et en Allemagne

Auteur(s)
André Burnol pour FranceSoir
Publié le 17 juillet 2020 - 17:51
Mis à jour le 19 juillet 2020 - 16:22
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Europe France
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Emissions de CO2 et impact économique du confinement en France et en Allemagne
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TRIBUNE : S’il faut se réjouir de l’impact du confinement sur le réchauffement climatique compte-tenu des baisses des émissions de CO2 au niveau mondial, le confinement (« lockdown » en anglais) aura un impact économique dans notre pays malheureusement bien supérieur à celui des autres pays européens.

Est-ce que les autres pays européens ont été confinés comme la France ? Pas en Allemagne en tout cas.  Le confinement décentralisé à l'allemande a été bien différent du confinement centralisé à la française. À la différence de la France, les régions allemandes (les « länder ») ont pris des mesures rapides de distanciation sociale en interdisant les regroupements de plus de deux personnes et en fermant la plupart des commerces non indispensables. Ainsi, les allemands ont pu pendant cette période continuer à sortir librement, il n'y avait pas notamment d'attestation à remplir et signer, et dans beaucoup de « Länder », les parcs et jardins urbains sont restés accessibles.

En plus des conséquences démocratiques de ce confinement, les conséquences économiques seront aussi très différentes entre la France et l’Allemagne. Certains économistes l’ont déjà observé sur la base d’indicateurs purement économiques mais c’est l’étude des flux d’origine anthropique de COémis qui permet le mieux de comprendre et d’anticiper les conséquences probables du confinement à la française.

Nous parlons ici des données issues d’une étude scientifique internationale soumis à la publication dans la revue Nature Communications (https://arxiv.org/abs/2004.13614). Un des co-auteurs principaux de l’article est français et travaille au CEA. Ces données ont été téléchargées le 16 Juillet du site en libre accès à l’adresse https://carbonmonitor.org.

 

Ces émissions de CO2 d’origine anthropique représentent l’ensemble des activités des différents secteurs (énergie, transport terrestre et maritime, industrie, logement résidentiel, trafic aérien domestique et international). Les courbes comparent ces émissions par pays en MégaTonne (Mt) chaque jour entre le 1er janvier et le 31 Mai des années 2019 et 2020.

Sur l’ensemble de cette période de 5 mois, la baisse des émissions de CO2 est similaire en France et en Allemagne :  les périodes en rouge indiquent celles où les émissions quotidiennes de 2020 dépassent celles du même jour en 2019 et en bleu celles où les émissions en 2020 sont inférieures à celles en 2019. Globalement, les périodes bleues sont plus nombreuses que celles en rouge, ce qui indique une baisse significative des émissions de COdurant cette période en 2020.

Plus précisément, l’étude montre une baisse similaire entre 16% et 17% des émissions de CO2 en Allemagne et en France pendant les cinq premiers mois 2020.

La période officielle de confinement ("lockdown") dans chacun des deux pays est indiquée en jaune.  Cette période de « lockdown » est différente, par exemple elle commence à partir du 11 Mars pour la France et du 22 Mars pour l'Allemagne (certaines mesures de confinement partiel ont été prises avant cette date par certains « Länder » allemands). Cette période de confinement dure environ 1 mois en Allemagne alors que le confinement en France dure deux mois, soit deux fois plus longtemps.

Nous avons donc extrait certaines données pour calculer les résultats sur la période limitée des deux mois du confinement en France entre le 11 Mars et 11 Mai 2020.

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Le constat fait sur cette période de deux mois est très différent de celui fait précédemment sur la période de cinq mois. Les résultats peuvent se résumer en trois points marquants :

Le confinement en Allemagne est le moins impactant, la baisse des émissions de CO2 en Allemagne (24.3%) est inférieure à la moyenne européenne (24.4%)

Le confinement en France est le plus « brutal », il se traduit par une baisse des émissions de CO2 le plus important des pays européens (35.5%)

Les confinements en Espagne et en Italie ont été les plus impactant après celui en France, l’Espagne (33.8%) et l’Italie (28.2%) obtenant la seconde place et troisième place du podium européen, respectivement. Le Royaume Uni (24.5%) arrive au pied de ce podium juste au-dessus de la moyenne européenne.

Si on peut a priori se réjouir de l’impact au niveau mondial de ces baisses des émissions de CO2 sur le réchauffement climatique, on peut aussi craindre que ce confinement ait un impact économique dans notre pays largement supérieur à celui des autres pays européens.

La France est le pays présentant le maximum européen de baisse des émissions de CO2 entre 2020 et 2019, avec environ 50% de plus de baisse que l’Allemagne ou que la moyenne européenne.

Face au risque de seconde vague souvent évoqué par le gouvernement et les media, les français doivent être informés de ces résultats de la politique de confinement « à la française ».

Jean Castex avant d’être nommé par le Président au poste de Premier Ministre a beaucoup travaillé sur le cycle déconfinement – reconfinement. Il devrait aussi passer un peu de temps pour analyser les conséquences du confinement à la française, et notamment la différence avec l’Allemagne.

Cette étude assombrit les perspectives économiques en France surtout si le gouvernement devait décider de recommencer à l’identique le confinement déjà mis en oeuvre. Quel que soit le scénario incertain de l’avenir de cette épidémie, la réponse du gouvernement français devra tenir compte de l’impact économique et social du confinement, dont la baisse des émissions de CO2 est un indicateur simple et relativement fiable.

Nous ne pouvons qu’espérer que le nouveau gouvernement tire toutes les leçons de cette étude scientifique internationale pour la bonne santé et la pérennité de notre pays.

 

André Burnol est Ingénieur-chercheur au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières).

Les propos exprimés dans l’article n’engagent que son auteur et non son employeur. 

Déclaration d’intérêts : Ni l’auteur ni son unité au sein du BRGM n’ont reçu de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article.

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