COVID19 et ARNm : Pourquoi dans 10 ans nous dirons que 2020 fut une belle année ?

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Docteur Bah-Clozel pour FranceSoir
Publié le 15 décembre 2020 - 15:03
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ADN Zen
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ADN et ARN messager
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TRIBUNE

Il est vrai que, vu du 15 décembre 2020, dire que l’Humanité vient d’entrer dans une période de chance peut paraître au mieux utopique et au pire complétement dément. Je vous l’accorde. Mais dans la période sombre que nous traversons, laissez-moi vous montrer les lueurs d’espoir que j’y ai décelées et qui me font espérer des lendemains bien meilleurs pour notre espèce.

Tout d’abord, l’émergence d’un virus agressif et mortel est loin d’être une nouveauté et il suffit de colliger les multiples épidémies qui ont jalonné notre histoire pour s’en rendre compte. Nous avons même déjà essuyé une pandémie (qui se différencie de l’épidémie par son caractère généralisé à toute la planète), c’était la fameuse grippe espagnole de 1919. Entre 30 et 50 millions de morts, juste au sortir de la grande guerre, et qui aurait pu détruire l’Humanité toute entière car à l’époque, aucune mesure de confinement organisée ou de mise en arrêt des échanges économiques n’avait été mis en œuvre. Et de vaccin on n’en parlait même pas, les seuls qui existaient à l’époque était ceux contre la variole et la rage (Louis Pasteur, cocorico !).

Et en 2020, que s’est-il passé ? La plupart des pays touchés sévèrement par le SARS-Cov2 ont préféré sauver des vies plutôt que de continuer à faire tourner leur économie comme si de rien n’était. Ils ont préféré garder des lits d’hospitalisation pour essayer de préserver des existences humaines, y compris celles des plus vieux, plutôt que de laisser tourner la société de consommation pourtant pourvoyeuse de richesse et créatrice d’emplois.

C’est déjà un véritable changement de paradigme, surtout si on se remémore un épisode pas si ancien, la grippe de Hong Kong de 1969. Elle a touché la France sans que personne ne s’en préoccupe jusqu’à ce que le journal « France Soir » du 10 décembre 1969 révèle l’ampleur des dégâts. La réaction du gouvernement, bien qu’empreinte de bonne volonté, n’envisagea pas une seconde de ralentir les échanges et les transports et encore moins de mettre l’économie en stand-by, provoquant ainsi la mort de plus de 30 000 personnes, y compris dans la population jeune.

La seule solution fut alors d’obtenir une immunité par la vaccination. Les Français essayèrent alors par tous les moyens de se procurer un vaccin qui fut malheureusement sous produit tant en quantité qu’en qualité, la souche utilisée pour sa confection étant différente de celle du virus coupable, donc inefficace. 

Et qu’en est-il en 2020 ? L’humanité, dans un sursaut « d’humanité » a non seulement arrêté sa course au profit mais elle aussi tendu toutes ses forces scientifiques vers un seul but : immuniser son espèce contre ce micro-organisme ravageur qui pouvait la mettre en péril. Et des milliers de publications ont alors été partagées sans frein nationaliste ni égoïsme égotique, y compris par les Chinois qui ne sont pas un modèle de transparence, pour comprendre ce virus inconnu, l’analyser, le décoder, trouver les traitements symptomatiques qui fonctionnent (et ceux qui ne fonctionnent pas !) et enfin mettre au point un vaccin qui pourra nous mettre à l’abri de toute récidive grave !

Rien que cette convergence d’énergie vers un seul but devrait nous émerveiller et nous faire croire en l’avenir de notre humanité. Mais là où je me rends compte que nous avons vraiment de la chance dans cette épreuve, c’est que certains des vaccins qui sont en train d’émerger représentent une véritable petite révolution dans leur principe, un tournant de la recherche médicale tout aussi important que la découverte des antibiotiques ou de la radiothérapie.
C’est un vaccin à ARN messager !

C’est en effet une toute nouvelle approche de la création d’une immunité et possiblement de la lutte contre les maladies en général.

Pour que tout le monde le comprenne il est nécessaire d’expliquer un peu ce qu’est l’ARN messager :

Dans la nature, le fonctionnement de tout organisme dépend de millions de minuscules protéines pour se construire, se développer, se défendre. Pour cela les cellules utilisent l'ARNm pour savoir quelles protéines fabriquer. Il est généré dans le noyau cellulaire par une petite portion d’ADN qui correspond à la molécule à produire et il sort du noyau pour aller « porter la nouvelle » aux unités de production de la cellule. D’où son nom de « messager ».

Avec la capacité de produire un ARNm, vous pouvez, en théorie, détourner ce processus et créer toutes les protéines que vous désirez : des anticorps pour combattre les infections, des enzymes pour inverser une maladie rare ou des agents de croissance pour réparer les tissus cardiaques endommagés. Et c’est cette prouesse que nous sommes en train de réaliser grâce à une pandémie qui a provoqué une réaction mondiale avec des enjeux financiers qui ont motivés des entreprises et des universités de pointe à faire en 10 mois ce qu’elles n’étaient pas parvenues à faire en plusieurs décennies.

Cela fait en effet plus de 25 ans que l’idée de se servir de ce messager était dans les tuyaux. Le professeur Katalin Karikó a passé les années 1990 à se voir refuser des fonds pour finaliser ses espoirs de créer cette nouvelle arme thérapeutique. Son travail, qui visait à exploiter le pouvoir de l'ARNm pour lutter contre la maladie, était trop ambitieux pour bénéficier de subventions gouvernementales, de financements d'entreprises et même du soutien de ses propres collègues. Le problème majeur était que l'ARN synthétique était notoirement vulnérable aux défenses naturelles de l'organisme, qui le détruisait avant qu’il n’atteigne ses cellules cibles. Et, pire encore, les ravages biologiques qui en résulteraient pourraient provoquer une réponse immunitaire qui pourrait faire courir un risque pour la santé de certains patients. Cet écueil a été résolu en 2005, lorsque Karikó et Weissman ont mis au point un ARNm modifié acceptable par notre système immunitaire. Et de cette découverte, passée plutôt inaperçue, sont nées les firmes dont nous entendons parler aujourd’hui, Moderna (qui est la contraction de « modified » et « RNA ») et l’allemand BioNtech.

Et donc, oui, j’ose le dire, grâce à cette terrible pandémie, ces laboratoires-entreprises qui auraient encore pu mettre dix ans pour sortir le premier traitement révolutionnaire à base d’ARN messager ont eu l’obligation et l’opportunité de sortir un premier traitement efficace en quelques mois, tests de phase III compris.

C’est énorme et cela ouvre la voie à tout un champ des possibles. Car ne nous y trompons pas, ce « vaccin » n’est pas un vaccin. C’est bien un médicament génétique qui va permettre de faire produire à nos cellules une arme naturelle contre le virus SARS-Cov-2. Cet abus de langage est tout à fait compréhensible car ce traitement s’attaque à un virus et notre culture collective convoque immédiatement Louis Pasteur et Edward Jenner et sa vaccine lorsqu’il s’agit de combattre un microorganisme.

Mais en fait, les perspectives qui s’ouvrent à nous sont tout simplement phénoménales et nous sommes enfin en train de pratiquer une médecine scientifique et naturelle. Car quoi de plus naturel pour un traitement d’être fabriqué par le corps lui-même, plutôt que de nécessiter d’être absorbé sous la forme d’une molécule chimique dont on ne connaît pas toujours les effets secondaires ? Tous les traitements, contre tous les agents pathogènes sont en nous, sous formes d’anticorps que notre ADN est capable de faire fabriquer à nos cellules immunitaires. Il suffit de dire à ces cellules quelles protéines fabriquer, contre quel agent agressif et à quel moment. Eh bien ce pouvoir-là, nous sommes en train de l’obtenir et la médecine est probablement à l’aube de sa révolution copernicienne !

Alors, oui, je persiste et signe. 2020 sera une belle année.
 

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