Covid-19 et conseil d’Etat : petits procès entre amis – épisode 2
TRIBUNE : A l’heure où les citoyens demandent au juge de préserver et même de leur rendre leurs libertés, le fonctionnement de la justice administrative soulève des interrogations au vu de la jurisprudence récente très défavorable aux libertés publiques.
En France, un jour, on peut siéger au Conseil d’Etat et, le lendemain, conseiller un ministre et plaider sa cause devant ses anciens collègues…Mais, selon la jurisprudence, cela ne pose pas de problème.
Intéressons-nous à celui qui représente les ministres dans les différentes procédures de référé qui ont animé le débat sur l’hydroxychloroquine (1) et plus récemment sur le port du masque (2)
Il s’agit du Directeur des affaires juridiques, M. Charles Toubou (3), dont la carrière au Conseil d’Etat est exemplaire. Il en a occupé les postes les plus éminents (rapporteur général adjoint, rapporteur public et porte-parole du Conseil d’Etat) entre 2012 et 2019 (4). Ce CV ronflant lui a valu la promotion de directeur juridique au ministère des affaires sociales en août 2019 (5).
En contentieux administratif, « le « rapporteur public » intervient pour éclairer la formation de jugement (6) », il donne son opinion sur l’affaire et propose une solution. Même si le juge est le seul à décider, le rapporteur public est écouté et souvent voire très souvent suivi.
Or, M. Touboul a tout de même été le rapporteur public des 1ère, 4ème, 5ème et 9ème chambres et de l’Assemblée du Conseil d’Etat en 2017 et 2019(7), autrement dit celui que les juges écoutaient attentivement.
Désormais, M. Touboul plaide pour les ministres. Ce passé et cette image « d’éclaireur » doivent probablement lui coller à la peau puisque les décisions récentes du Conseil d’Etat ont abondé dans son sens (8) plus que dans celui de la jurisprudence centenaire sur les libertés publiques.
Certes, dans la dernière décision relative au port du masque(9), la juge des référés (présidente de la 1ère chambre) a tout de même dû se résoudre à ne pas entièrement donner raison à M. Touboul.
Elle ne pouvait pas chasser d’un revers de manche plusieurs décennies de jurisprudence sur les libertés publiques…
A propos de l’auteur : La fouine du droit est membre du collectif citoyen et avocat
(1) https://juricaf.org/arret/FRANCE-CONSEILDETAT-20200710-441316 (2) https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-port-du-masque-peut-etre-rendu-obligatoire-sur-l-ensemble-d-une-commune-si-celle-ci-comporte-plusieurs-zones-a-risque-de-contamination (3) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038940473&categorieLien=id (4) https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/charles-touboul-nouveau-porte-parole-du-conseil-d-etat (5) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038940473&categorieLien=id (6) https://www.conseil-etat.fr/actualites/fiches-pedagogiques-pour-en-savoir-plus/quel-est-le-role-du-rapporteur-public (7) https://juricaf.org/recherche/rapporteur%3A%22M.+Charles+Touboul%22 (8) https://juricaf.org/arret/FRANCE-CONSEILDETAT-20200710-441316 ; https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-port-du-masque-peut-etre-rendu-obligatoire-sur-l-ensemble-d-une-commune-si-celle-ci-comporte-plusieurs-zones-a-risque-de-contamination (9) https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/le-port-du-masque-peut-etre-rendu-obligatoire-sur-l-ensemble-d-une-commune-si-celle-ci-comporte-plusieurs-zones-a-risque-de-contamination
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.