La Chine analyse la seconde vague de l’épidémie : qu’est-ce qui n’a pas fonctionné en Europe ?

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FranceSoir
Publié le 14 octobre 2020 - 17:45
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Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné en Europe?
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 Article original publié dans www.news.sina.com.cn traduit par Erwan Guillaume. 

Nous pensons qu'il est toujours intéressant d'avoir les perspectives de pays étrangers sur la situation que nous vivons dans notre propre pays. Voici le point de vue de la Chine sur l'épidémie en Europe et la manière dont la crise sanitaire a été gérée.

Après avoir réussi à contenir la première vague de l'épidémie et alors que la température baissait, l'épidémie fait son retour en Europe et le nombre de nouveaux cas a même dépassé le pic du mois de mars.  Qu'est-ce qui ne va pas en Europe?  Les experts pensent que la deuxième vague de l'épidémie en Europe pourrait être liée à une " lassitude du nouveau coronavirus".  Tout comme les pays ont assoupli leurs mesures anti-épidémiques, les gens ont commencé à relâcher leur vigilance.  Le redémarrage des affaires, de tourisme et la jeunesse insouciante (relaxe), autant d’éléments qui ont accentué le risque de propagation du virus.

Une sombre situation

 Selon CNN, citant des données du Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC), cette semaine, le taux de notification sur 14 jours (nombre de cas nouvellement signalés) de nouveaux cas de coronavirus confirmés dans l'Union européenne et au Royaume-Uni a atteint un niveau record, et de nombreux pays ont commencé à mettre en place des mesures de restrictions et de blocus.

 Dans l'ensemble, le taux de mortalité européen est resté stable 72 jours.  Mais en Bulgarie, en Croatie, à Malte, en Roumanie et en Espagne, le taux de mortalité augmente également.

Le directeur du Bureau régional de l'OMS pour l'Europe, Kruger, a averti ce jeudi que l'Europe était confrontée à une «situation grave» avec des «taux de transmission inquiétants».  Les cas ont augmenté de plus de 10% au cours des deux dernières semaines, et dans 7 pays les cas ont plus que triplé.  Le nombre de nouveaux cas cette semaine a dépassé le pic du mois de mars.

Les dirigeants de divers pays ne sont pas non plus optimistes quant aux perspectives d'avenir, craignant qu'une nouvelle série de «fermetures de villes» à l'échelle nationale ne soit mise en œuvre.

 Selon Reuters, le Premier ministre britannique Johnson a déclaré le 18 que la Grande-Bretagne assistait "inévitablement" à l'arrivée de la deuxième vague de l'épidémie.  Il a également déclaré qu'il ne souhaitait pas verrouiller le pays une seconde fois, et que "la seule façon de l’éviter était que les gens suivent les directives".

 Selon un rapport de cette semaine, le nombre de cas au Royaume-Uni aurait presque doublé, atteignant un maximum de 6 000 cas par jour.  Le Guardian a déclaré que Johnson et des responsables envisageaient la mise en place d'autres mesures, telles qu'une mesure de «disjoncteur» de deux semaines.

 En France, en Espagne et dans d'autres pays, la situation n'est pas optimiste: tant les taux d'occupation et de mortalité dans les unités de soins intensifs ont rebondi.

 Le 18, le ministère espagnol de la Santé a fait part des dernières mesures de restriction.  Selon ses statistiques, le nombre de nouveaux cas en Espagne a atteint un record de 12.183 le 11 septembre.  L'Espagne est actuellement le pays qui compte le plus de cas confirmés en Europe, avec plus de 600 000 cas confirmés et plus de 30 000 décès.

 Selon les données publiées par le Ministère des solidarités et de la santé, le nombre de nouveaux cas en France a atteint 13 215 le 18, un nouveau record depuis avril.  Selon CNN, les unités de soins intensifs dans certaines régions de France sont proches de leur pleine capacité.

 Vendredi dernier, la République tchèque a également signalé un record de 3130 nouveaux cas confirmés, et l'Italie a signalé le plus grand nombre de cas confirmés depuis le 17 mai, avec 1907 nouveaux cas.  Les Pays-Bas ont également signalé un record de cas confirmés de 1977 le 18.  À partir du 20, les restaurants, cafés et bars de six régions des Pays-Bas seront soumis à des restrictions.

 

 Où est le problème?

 Pourquoi l'épidémie qui a finalement été contenue a-t-elle réapparu?

 Le Consumer News and Business Channel (CNBC) aux États-Unis a déclaré que cela pourrait être dû à une « une fatigue du nouveau coronavirus » dans certaines parties de l'Europe, et que l'augmentation des cas est en partie attribuable au laxisme des gouvernements et des populations en matière de santé publique et de mesures de quarantaine.

 Dans de nombreux pays, il y a eu une augmentation de cas confirmés dans les villes densément peuplées.  Après la période de pointe du printemps, les gouvernements ont assoupli les diverses restrictions et les gens sont progressivement retourné au bureau, à l’école et dans les lieux publics.

 En Espagne, la plupart des nouveaux cas proviennent de grandes villes telles que Madrid et Barcelone.  Alex Arenas, épidémiologiste à l'Université de Rovira-Velljili, a déclaré que parce que la première vague de l'épidémie avait pris fin et que les patients gravement malades avaient presque disparu des hôpitaux, les gens ont relâché leur vigilance. Madrid et Barcelone ont tout fait pour essayer de "redémarrer" et être prêtes pour l’été.  "Certaines zones ont même ouvert leurs portes aux touristes avec peu ou pas de contrôle."

 À l’instar de l’Espagne, Vienne, la capitale autrichienne, a connu une augmentation spectaculaire du nombre de cas, et la moitié des nouveaux cas du pays se trouvent à Vienne.

 L'industrie du tourisme européenne et les activités à grande échelle qui ont redémarré cet été ont également ajouté le feu à l'épidémie.

 La Grèce, la Croatie et d'autres pays ont survécu à la première vague de l'épidémie. Cependant, avec la réouverture des frontières intérieures européennes en juin, les touristes se sont rendus dans ces stations balnéaires pour profiter des vacances d'été, et le nombre de cas confirmés dans ces pays a également augmenté.  Il en va de même pour la Côte d'Azur, station touristique du sud-est de la France.

 De plus, les jeunes devront peut-être « porter le blâme » pour ce deuxième pic de l'épidémie.

 Les autorités italiennes ont déclaré fin août qu'environ 50% des nouvelles infections apparues pendant les vacances d'été dans diverses régions d'Italie et à l'étranger, provenaient, pour la plupart, des jeunes qui n'étaient pas prudents face à l'épidémie.

 Krueger, directeur du Bureau régional de l'OMS pour l'Europe, a également déclaré que la plupart des nouveaux cas en Europe avaient entre 25 et 49 ans.  Il a déclaré: "Je suis très inquiet que de plus en plus de jeunes soient inclus dans les cas confirmés", et a suggéré que les grands rassemblements et fêtes soient annulés.

 L'échec des systèmes de détection et de suivi dans certains pays européens a également rendu l'épidémie difficile à contrôler.  Selon CNN, le système de détection et de suivi mis en place au Royaume-Uni fin mai a été largement critiqué : il n'y a eu qu'un seul appel téléphonique pour faire une demande de mise en quarantaine, mais il n'y a pas eu de suivi.  Même le Premier ministre Johnson a admis que ce système avait «d'énormes problèmes».

 Si l'on considère uniquement le nombre de nouveaux cas, la situation en Europe est très mauvaise.  Mais pour l'instant, les pays n'ont pas l'intention de répéter et commettre les mêmes erreurs, espérant éviter autant que possible les mesures de blocus à grande échelle.

 Les experts estiment également que la situation actuelle est différente de la première phase et doit être considérée séparément.

 Flavia Riccardo, chercheuse à l'Institut national italien de la santé, a déclaré dans une interview accordée à Vox News que la plus grande mise en garde était: «Ne pas placer les chiffres d'aujourd'hui sur la courbe de la première phase de l'épidémie, faire comme s’ils n’ étaient qu'un ".

 Vox a souligné que par rapport au début, les méthodes de détection en Europe avaient radicalement changé.  En Europe au tout début, seuls les patients présentant des symptômes évidents ont été détectés, aujourd’hui la situation est différente.  Avec l'expansion des normes de test et l'augmentation du nombre de prélèvements, le niveau des tests en Europe a également augmenté de manière significative.

 Selon le projet «Our World in Data» de l’Université d’Oxford, à la fin du mois de mars, les autorités allemandes ont effectué environ 20 000 tests par jour.  Maintenant, ils ont atteint le nombre incroyable de 150 000.  La France effectue aujourd'hui 144 000 tests par jour et l'Espagne 89 000.

 De plus, étant donné que la principale population infectée est passée des personnes âgées aux jeunes, le taux d'hospitalisation et le taux de mortalité en Europe n'ont pas augmenté de manière significative.  Par rapport aux premiers jours, les médecins diagnostiquent et traitent de mieux en mieux la pneumonie du nouveau coronavirus.

 Cependant, Edouard Mathieu, le data manager du projet Our World in Data, estime que par rapport à mars, la dernière image de l'épidémie en Europe est plus compliquée et subtile, mais le résultat risque d’être le même: celui de voir le nombre de cas augmenter de façon exponentielle demeure , entraînant des morts inutiles et une nouvelle vague de blocus.

 Thomas Tsai, chercheur en politique de santé à l'Université de Harvard, a souligné que les gouvernements et les populations de tous les pays devraient surmonter ce «yndrôme de fatigue pandémique».  Entre économie et virus, les pays cherchent en tâtonnant à maintenir un équilibre, mais le résultat au final risque d’être qu'aucun des deux ne peut être bien fait.

 Pour Thomas Tsai, la situation en Europe est un avertissement - il n'y a pas de raccourci dans l'épidémie.  Les pays qui ont obtenu de bons résultats surveillent et suivent depuis six mois, mettent en œuvre des mesures de confinement et soulignent l’importance du port de masques et de la distanciation sociale.  "C'est une épidémie de génération. Il faut s’assurer activement que l’épidémie est sous contrôle car elle ne disparaîtra pas d'elle-même à mi-chemin."

 

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