Le Monténégro à la croisée des chemins : il ne faut pas manquer le virage !
Tribune : Aux lendemains d’élections parlementaires historiques au Monténégro, le pays se retrouve à la croisée des chemins. Peu importe qui formera le prochain gouvernement, le paysage politique semble avoir changé pour de bon.
Les données objectives sont les suivantes, 75% des électeurs, un record de participation, ont décidé de ne plus accorder de majorité absolue à Milo Djukanovic puisque c’était lui, et lui seul, qui incarnait encore le leadership du DPS. Le trône de l’Imperator Maximus en place depuis 30 ans vacille.
La stratégie du « divide et impera » chère à Nicolas Machiavel déclinée par les communicants engagés par le DPS a échoué. La rhétorique ethno-nationaliste tentant de dépeindre tout qui ne voterait pas DPS comme un ennemi de la « nation », au-delà de sa dangerosité et de ses relents nauséabonds, ne repose sur aucun fondement argumenté. Elle méconnait d’ailleurs complètement la tradition de coexistence pacifique séculaire et le respect mutuel placé au cœur même des valeurs essentielles de ce pays. Il est incompréhensible pour un observateur neutre de voir celui qui dirige depuis 30 ans faire fi de son pragmatisme habituel pour se laisser entraîner dans la tentation de la division, lui qui, en sa qualité de Président de tous, doit être le rassembleur de ceux qui ont des origines, des religions ou des choix politiques différents.
La campagne électorale fondée sur une polarisation totale autour de la figure tutélaire de Milo Djukanovic est désormais dépassée. Les urnes ont parlé, les résultats ont été validé tant par le Président de la République que par les observateurs internationaux. Il s’agit maintenant pour chacun de se montrer responsable et d’inscrire le Monténégro dans la famille des démocraties, de mettre fin aux ridicules tentatives de comparaison avec le Belarus, de se comporter comme un membre de l’OTAN et un candidat sérieux à l’adhésion européenne.
Il est vraisemblable que cette mission de la poursuite de l’agenda d’adhésion et de participation dans les organisations internationales notamment incombera au triumvirat constitué de Zdravko Krivokapic, Aleksa Bebic et Dritan Abazovic, tous trois sortis renforcés des urnes et en capacité mathématique de former une majorité gouvernementale. Chacun notera que aucun de ces trois élus n’a jamais remis en cause la poursuite des négociations avec Bruxelles ou l’inclusion dans l’OTAN.
Alors, au-delà des adjectifs qualificatifs pro-ceci ou pro-cela lancés comme autant de menaces sur la souveraineté nationale et d’invectives, il s’agira, pour l’ensemble des acteurs politiques, de se montrer pro-monténégrin, d’œuvrer dans l’intérêt général, de mettre fin à la corruption, de défendre et promouvoir les libertés fondamentales, de permettre une presse libre et critique, de réformer le pays, son économie, d’attirer des investisseurs étrangers, d’améliorer son système éducatif, de promouvoir les échanges internationaux, de ramener les touristes dans ce pays aux nombreux atouts.
Les électeurs ont été clairs, ils veulent une autre gouvernance, une bonne gouvernance. Celui qui continue d’analyser ces résultats comme la victoire des pro-serbes, des pro-russes, des musulmans ou quoi d’autres contre les « vrais » monténégrins se fait l’adepte des théories du même Machiavel et le promoteur de ses incendiaires dérives. La réalité objective, c’est celle d’une population en attente de changements, d’une amélioration de son niveau de vie, d’un travail correctement rémunéré, d’une administration publique professionnelle, d’un Etat de droit effectif, d’une sécurité assurée pour tous, d’un système éducatif performant, d’une liberté de pratiquer son culte religieux et d’une justice indépendante. La réalité, c’est une volonté profonde de dire adieu à la corruption généralisée, à une économie aux mains de quelques affidés, aux médias aux ordres. La réalité, c’est un plébiscite pour un Monténégro souverain, indépendant, démocratique et la poursuite des réformes nécessaires à l’intégration européenne et transatlantique.
La France, toujours attentive à la situation régionale, interlocuteur respecté de tous et moteur incontesté de la construction européenne, ne peut ignorer le nouveau paradigme monténégrin. Elle doit faire plus que par le passé pour accompagner l’alternance souhaitée par les électeurs. La France a la capacité de contribuer à la formation d’une administration compétente, le devoir de favoriser des échanges d’étudiants et d’enseignants, d’encourager ses entrepreneurs à investir ou de faire bénéficier de son savoir-faire dans la gestion du tourisme. Le Monténégro se trouve à la croisée des chemins, la France se doit de favoriser un virage en souplesse.
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