Le risque n’est pas binaire. Il est incrémental.

Auteur(s)
Xavier Brunschvicg & Jean-Yves Lecoq pour FranceSoir
Publié le 15 septembre 2020 - 16:25
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POINT DE VUE : Pour lutter contre la Covid 19, le Gouvernement privilégie désormais une approche qui articule de grandes consignes nationales et des mesures différenciées fondées sur les réalités du terrain. Une approche dont le succès repose sur l’implication des services déconcentrés de l’État et des élus locaux mais aussi et surtout sur la responsabilité des citoyens. Une mission impossible ?

 

Les Français ne sont pas à une contradiction près. Le Gouvernement décide de confiner la France entière et les voilà qui rouspètent en considérant qu’il est idiot d’adopter une mesure autoritaire sur l’ensemble du territoire alors que le virus n’y circule pas uniformément. Le Gouvernement décide ensuite de « laisser la main » aux acteurs de terrain et voici les Français qui se plaignent de mesures ni assez directives ni assez coercitives et qui créent des inégalités de traitement entre les territoires…

 

Pourtant admettons-le : lutter contre une pandémie, c’est diablement compliqué… De nombreuses inconnues demeurent quant à cette maladie et ses modes de transmission. Les scientifiques se contredisent constamment. De nombreux exemples et contre-exemples rentrent en conflit. On ne comprend pas pourquoi on a le droit de prendre le métro alors qu’il est interdit de partager un vestiaire à la piscine. Les enfants se retrouvent enfermés dans des classes pendant des heures mais ils n’ont pas le droit de participer à des sorties scolaires. Le port du masque est désormais obligatoire dans les rues d’un grand nombre de villes alors même qu’il y a consensus quant à l’absence de risque de contamination en milieu ouvert. Les Français veulent davantage de traçage des personnes contaminées mais se refusent à télécharger l’application STOP COVID dont c’est justement l’objet… Ajoutez à cela les délires complotistes, le mouvement anti-masques et les craintes irrationnelles envers la vaccination, parfois même relayées par des élus et des responsables politiques, et vous obtenez une équation insoluble.

 

Ce qu’il est fondamental de comprendre, c’est que le risque, dans le cas d’une pandémie, n’est pas binaire. Il est incrémental. De même, nous ne sommes pas tous égaux face au risque, ce n’est pas tel ou tel comportement pris isolément qui va provoquer une contamination. En réalité, c’est l’accumulation de comportements, de pratiques, de circonstances ainsi que, tout simplement, le hasard, qui vont accroître le risque de contamination.

 

Quand un risque est incrémental et non binaire, la seule question qui se pose est celle de l’arbitrage. Jusqu’où sommes-nous collectivement prêts aller, et à quel coût, pour réduire le risque ? Cela vaut-il la peine de totalement confiner le pays pour réduire le risque de contamination de 90%, au prix d’une récession économique et d’une casse sociale majeures ? Doit-on au contraire accepter de ne réduire ce risque que de 70% mais en évitant ainsi des sacrifices dont les effets à long terme peuvent être ravageurs pour la société ?

 

L’État doit bien évidemment jouer son rôle, préparer les hôpitaux, s’assurer que les laboratoires disposent de suffisamment de réactifs, prendre des mesures réglementaires pour fluidifier les flux lors de la réalisation des tests, sensibiliser les populations etc. Les services déconcentrés de l’État (Préfecture), les autorités de santé (ARS, CPAM…), les collectivités locales et les entreprises doivent quant à eux mettre en place, dans la concertation, des protocoles, des consignes voire des interdictions qui tiennent compte des réalités du terrain. Les citoyens doivent pour leur part accepter de modifier leurs comportements.

 

Ce partage des rôles entre État, acteurs de terrain et citoyens est très difficile à articuler pour 4 raisons essentielles :
1. les Français aiment déléguer à l’État leur protection mais sont parmi les peuples dont niveau de défiance est le plus élevé envers leurs institutions ;
2. l’État qui, il faut bien le reconnaître, a dans l’ensemble fait un bon travail depuis le début de la pandémie, a commis des erreurs de communication tragiques (« les masques ne sont pas nécessaires ») qui ont laissé une trace indélébile ;
3. dans une société démocratique, le politique et donc l’État qui met en œuvre ses décisions, reste le seul garant de l’intérêt général et le seul en mesure de concilier des intérêts parfois divergents au service de l’intérêt collectif ;
4. les français sont par nature indisciplinés et contestataires, viscéralement attachés à leurs libertés individuelles.

 

Inutile de dire que la tâche n’est pas aisée… Mais des solutions existent !

A notre sens, l’État qui, hélas, n’inspire pas confiance et dont la parole est trop systématiquement contestée, doit se mettre en retrait en termes de communication et davantage laisser la parole aux acteurs de terrain et à la société civile : médecins, scientifiques, Autorités Régionales de Santé (ARS), pompiers, administrations locales, élus locaux… Cela n’exclut pas, bien au contraire et jacobinisme oblige, une prise de parole régulière du Chef de l’État et du Gouvernement, pour remettre en perspective la situation sanitaire et économique et préciser la méthode.

 

Mais surtout et avant tout, c’est aux citoyens, à vous, à nous, qu’il incombe de faire preuve de responsabilité, de modifier leurs comportements de façon responsable et éclairée, sans panique ni délire hygiéniste, dans une perspective de réduction des risques et en conformité avec une approche raisonnée et raisonnable du principe de précaution. Il ne s’agit pas pour eux de se conformer aveuglément à des consignes générales mais de faire preuve de discernement, d’intelligence, de recul et de sens de l’intérêt général. C’est loin d’être gagné mais il n’y a pas d’autre option…

 

Xavier Brunschvicg Expert en communication. Fondateur de www.clashman-corp.com

En collaboration avec Jean-Yves Lecoq, expert en communication santé et gestion de crise, fondateur de Vertical Partners. www.verticalpartners.eu

 

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