Les enseignants, ces larbins de la République
La France est surprise du peu de considération qu’ont les élèves et les parents d’élèves pour les enseignants dans certains microcosmes, à travers ce qu’il est arrivé à Samuel Paty, un enseignant d’Histoire-Géographie, décapité par un jeune tchétchène de 18 ans suite à la cabale déclenchée par un parent d’élève rigoriste et par un prédicateur islamiste, prophète de cages d’escaliers.
Ce qui me surprend, moi enseignant, c’est le fait que la France soit surprise. Qu’est-ce qu’un enseignant pour ces jeunes et leurs parents ? Un larbin. Un flic, en moins bien, sans arme et sans pouvoir. Une personne qui a des diplômes, mais qui n’a pas réussi. Un cadre qui gagne 2000 euros par mois, ce que fait un gamin de 16 ans en une semaine de bicrave. Un simple fonctionnaire mal fagoté avec une voiture délabrée, mais qui a du temps libre.
En outre, ce que l’on demande aux enseignants en France est devenu une mission impossible : palier aux problèmes sociaux, économiques, familiaux, religieux et trop souvent psychologiques pour ne pas dire psychiatriques. Tout cela pour un salaire de misère au regard de la quantité de travail à abattre. Tout cela pour être considéré par une grande partie des Français pour des fonctionnaires qui ont beaucoup de vacances…
Car c’est bien cela que la plupart de gens vous répondent lorsque vous leur annoncez que vous êtes enseignant : c’est cool, tu as des vacances…
C’est bien là la première des mystifications qui décrédibilise notre travail : je n’ai pas plus de vacances que n’importe quel salarié ! Les vacances scolaires sont des vacances pour les enfants. Pour les profs, c’est à peine une partie des RTT qu’ils doivent récupérer sans compter le travail à abattre durant ces RTT. Un enseignant, qui fait son travail, et ce pour la majorité d’entre nous, car nous aimons ce travail, fait des semaines de 45 heures minimum. Pour la plupart, cette quotité hebdomadaire est très souvent plus proche des 50 à 60 heures. Un enseignant, travaille tous les soirs en rentrant et tous les weekends. Les vacances scolaires ne suffisent pas à éponger le temps de travail que l’on consacre à notre tâche. Ce sont de maigres RTT.
Avant d’être enseignant, j’ai été cadre en entreprise. Je travaillais moins qu’aujourd’hui malgré certaines astreintes périodiques, je ne ramenais pas de travail à la maison ou rarement, je profitais d’une partie de mes weekends et avec des RTT et des congés payés, j’avais autant de temps libre qu’aujourd’hui, mais sans copies à corriger, de grilles de compétences à remplir. Et j’avais un salaire bien plus confortable, qui me donnait les moyens de profiter de mes vacances, c’est bien plus compliqué aujourd’hui.
Il faudrait donc commencer par cesser de relayer cette perception auprès du grand public, des parents d’élèves et donc des jeunes. Un enseignant est un cadre supérieur qui a la lourde responsabilité de gérer les apprentissages d’un groupe important d’élèves et dont la charge de travail est considérable.
Dans la lignée de cette première allégation, il parait important de dire une vérité crue : le métier d’enseignant ne fait pas envie aux jeunes. La caricature est la suivante : c’est une personne restée à l’école, mal payée, mal sapée, avec une voiture délabrée et un vieux téléphone. Lorsque j’enseignais en centre de formation et que j’avais en charge des jeunes sur la voie précoce de la déscolarisation, les Dispositifs d’initiation aux métiers de l’Alternance destinés à des adolescents pour lesquels même l’accès en classe de troisième relevait de l’Everest, un de mes élèves avec lequel cela se passait très bien, me disait avec beaucoup d’affection :
« que j’étais gentil , mais que ça faisait pitié d’être prof, qu’on était des larbins ».
En « dealant », lui touchait en deux jours, ce que je gagnais en 1 mois. On a vendu aux parents que l’école était la voie de la réussite sociale et ceux qui sont censés représenter cette réussite sociale ressemblent à des précaires aux yeux de ces enfants et de nombres de parents. Notre seul privilège, des RTT pourtant rabotées. Pas de prime, pas de Comité d’entreprise, pas de centre de vacances, de chèque restaurant ou de chèques vacances, pas de voiture de fonction et même pas d’accès en crèche pour les enfants. Juste un droit légitime aux RTT que l’on fait passer pour des vacances.
Nous ne pourrons jamais représenter la République dignement, ni susciter le désir d’apprendre, l’admiration et le respect tant que nous ne serons pas rémunérés à la hauteur de la charge qui est la nôtre, tant que nos heures de travail réelles ne seront pas reconnues, tant que l’importance de notre mission ne sera pas remise au centre du projet républicain et donc de la solidarité nationale.
De manière subséquente, il est urgent, et cet acte terroriste en est une parfaite illustration, que l’on nous fasse confiance, que l’on fasse confiance à nos compétences et à notre expertise. Les études pour devenir enseignant sont exigeantes, les concours à passer sont très sélectifs et le travail en lui-même représente un niveau de difficulté qui à lui seul nous légitime dans notre pratique. Qu’il puisse exister des enseignants qui ne respectent pas les exigences de notre mission, c’est indéniable cependant c’est un problème qui affecte tous les domaines d’activités y compris dans le secteur privé. Mais la plupart des enseignants travaillent d’arrache-pied, 7 jours sur 7, 12 heures sur 24h, presque toute l’année. Les responsables politiques, les médias, les élites économiques n’ont eu de cesse de remettre en cause notre travail, nous traitant de « pédagogistes ou d’autre isthmes en iste ».
Depuis une trentaine d’années, on nous offre aux réclamations des parents d’élèves, on nous a délégué une mission de Service après-vente de l’éducation. Nous sommes responsables des résultats aux concours PISA alors que l’on ne nous a jamais donné les moyens complets de faire notre travail dans de bonnes conditions avec des classes surchargées, des programmes irréalisables, des réformes qui s’enchaînent sans cesse, un équipement trop souvent insalubre et insuffisant. Nous sommes responsables de la misère de certaines populations alors que si l’école n’est plus la voie royale vers la réussite, vers l’ascenseur social, c’est surtout parce que la redistribution des richesses n’a jamais été aussi peu importante, que la misère se répand telle la peste, que les médias vendent du temps de cerveau humain disponible, que les grandes marques ont inventé une ingénierie de l’abrutissement de masse avec les enfants pour cibles privilégiées.
Nous sommes responsables de l’inégalité des chances alors que nous sommes les derniers bastions de la République, le dernier métissage auquel ces enfants ont le droit dans ces cités bunkerisées. Ces enfants restent entre eux tout le temps. Leur école primaire est enfermée dans leur cité, leur collège aussi et parfois même leur Lycée. C’est le nombre qui fait loi. Quand bien même vous souhaitez adopter une autre posture, un autre comportement, un autre discours que celui porté par les plus présents, les moins actifs, les plus chiches, les plus violents, il vaut mieux le faire discrètement et s’en aller au plus vite, à moins d’aimer la castagne. Et c’est à nous, enseignants, qu’il est demandé de porter des valeurs qui sont très éloignées du quotidien de beaucoup de ces familles dont nous avons la charge des enfants.
Nous ne sommes pas responsables des innombrables problèmes de ces microcosmes urbains, nous ne sommes même pas responsables de l’inefficience de l’éducation nationale face à ces problèmes, même ceux qui sont éducationnels.
Les dirigeants politiques, les médias, les élites économiques ont fait reposer sur les enseignants un grand nombre de ces problèmes alors qu’ils sont les seuls à les affronter. Aujourd’hui, les enseignants doivent rendre compte de toutes ces difficultés aux parents d’élèves qui incessamment viennent réclamer ces comptes, viennent ramener leur gamin au SAV de l’éducation nationale, l’enseignant. Il est responsable de l’échec de son rejeton. Sa pédagogie est mauvaise, il va trop vite pour les plus en difficultés, mais pas assez pour les futurs médecins que certains parents voient en leur rejeton. Il passe trop de temps sur la monarchie, pas assez sur la révolution française ou inversement. Il a montré un clitoris en classe et dit que les hommes descendaient des singes. Il a mis une sanction à un gamin qui disait « merde à tous ». Nous sommes devenus des équipiers du fast food de l’éducation qu’est devenu l’école. L’école à la carte.
Qu’on nous laisse faire notre travail. Que les programmes soient allégés pour qu’au lieu de faire de la quantité, nous puissions nous servir des notions dont nous décidons pour structurer une éducation, lui permettre d’appréhender avec intelligence la langue française, les mathématiques, les sciences fondamentales et humaines.
Qu’on nous laisse faire notre travail, donner aux enfants l’envie d’ouvrir des livres, le désir d’apprendre, la conviction que ça les rendra plus forts, plus heureux.
Qu’on nous donne les moyens de faire notre travail et qu’on nous laisse le faire. Comment structurer l’éducation d’un enfant quand la seule manière envisageable de distiller un programme, qui consacre une notion à chaque cours en termes de rythme, est d’enfiler les notions comme des perles et de n’avoir à attendre des élèves plus une récitation qu’une compréhension fine.
Comment structurer des cerveaux quand vous devez individualiser au regard de l’hétérogénéité quand vous avez en face de vous 30 élèves ? Les enseignants sont managés et formés comme des vendeurs des Galeries Lafayette : réciter son speech, connaître toutes les saisons et les coupes, réaliser son chiffre programmatique. Il n’est pas surprenant que le cerveau de certains enfants ressemble à un menu Big Mac. C’est le cas de ses gamins instrumentalisés pour devenir des martyrs de l’Islam alors qu’ils n’étaient que des cerveaux en devenir, des proies faciles à tous les obscurantismes, business illicites ou charria explosive.
Nous, enseignants, ne sommes déjà pas armés comme je viens de l’exposer pour simplement remplir notre mission, instruire, et il nous faudrait être le premier rempart contre le terrorisme intellectuel qui pousse des cerveaux mal finis à se faire exploser ? Nous ne sommes pas une faction anti-terroriste, nous ne sommes pas non plus psychologues, psychiatres, officiers de police judiciaire, magistrats, juges des enfants, assistantes sociales, formateurs pour les grandes multinationales, réparateurs de l’injustice sociale et de la non-redistribution des richesses, nous ne sommes pas faiseurs de miracle.
Nous sommes enseignants, notre rôle est d’instruire, de transmettre des savoirs et de développer l'esprit critique. Nous sommes persuadés, et c’est bien pour cela que nous faisons ce métier mal rémunéré et mal considéré, que seul l’éducation change le monde durablement, que seul la transmission des savoirs permettra à l’être humain de surmonter ses instincts trop souvent reptiliens, la violence, le racisme, l’individualisme, la tyrannie du soi. Nous ne pourrons remplir cette mission qu’en étant soutenu par les institutions, par les parents et par les médias.
Au-delà des considérations qui touchent au statut des enseignants et de leur mission, il y a des solutions à ces problèmes. Les enseignants ne sont en rien responsables de tous les maux qui rongent et ensanglantent notre société. Il faut donner aux enseignants les moyens de faire leur travail, mais cela ne suffira pas. Les enseignants ne font pas partie du problème, mais de la solution. Car il y a des solutions. Ces solutions sont radicales, mais je pense efficaces. Ce n’est plus l’enseignant qui parle. C’est le gamin de banlieue. Celui qui aurait du mal tourné, celui que les enseignants ont sauvé de lui-même et des prédicateurs qui souhaitaient aliéner son devenir, son avenir.
Un des évènements qui m’a sauvé lors de ma scolarité est l’une des injustices les plus incroyables que je n’ai jamais vécus. En troisième, je fus convoqué en conseil de discipline pour une faute dont l’auteur lui-même, un certain Matthieu, m’accusait. Juste avant mon conseil de discipline, la vérité éclata et Matthieu fut confondu par des sources extérieures. Malgré cela, mon conseil de discipline fut maintenu et je fus renvoyé définitivement pour l’entièreté de mon œuvre. Cette injustice me sauva. Je finis par trouver, après de nombreux refus, à quelques mois de mes 16 ans, un collège qui accepta de m’accueillir. Il s’agissait d’un milieu plus rural et le niveau était plus exigeant. Ce ne fut pas simple mais, grâce aux précautions prises par le proviseur et à la bienveillance des enseignants, je faisais une seconde générale, premier de la classe, avec mon brevet en poche. Loin de mon environnement, loin de mes fantômes, de ce jeu de dur auquel je n’avais de cesse de m’adonner devant mes camarades, devant les enseignants, je pus exprimer une sensibilité nouvelle, rencontrer d’autres difficultés parfois bien plus importantes que les miennes, je pus inventer un autre moi-même, un moi pas violent, un moi espérant. Ce sont des enseignants comme Samuel Paty qui m’ont sauvé de moi-même et de mon environnement pollué. Ce sont des Samuel Paty qui m’ont permis de faire des études et de devenir enseignant. Ce sont des Samuel Paty qui ont fait de moi un citoyen français heureux et libre. Je lui dois ce témoignage et mes remerciements éternels pour être venu me sortir de ma prison intellectuelle. Je ne remercierai jamais assez tous ces enseignants qui m’ont sauvé de moi-même.
C’est bien la première des choses à faire, à défaut de fermer nombres de ces écoles emmurées dans la misère intellectuelle, c’est d’utiliser la carte scolaire pour brasser les populations. Il faut noyer ces gamins dans le normal. Quitte à leur faire faire une heure de route le matin, ça les habituera à se lever tôt comme de très nombreux gamins dans les campagnes qui font parfois jusqu’à 1h30 de route pour rejoindre leur établissement. D’ailleurs, il y a de nombreux établissements ruraux qui ne sont pas assez pourvus en élèves et même certains qui menacent de fermer, nous pourrions faire d’une pierre, deux coups, éloigner ces gamins de leur environnement et pérenniser ces établissements.
Il faut dispatcher ces gamins dans la République, loin de chez eux, de leur barre d’immeubles, de leurs prisons intellectuelles. Encore une fois, à défaut de fermer ces prisons culturelles dans lesquels on envoie les enseignants seuls face à un monstre d’acculturation, n’y gardons que les plus motivés, les plus sensibles, les moins bagarreurs et dont les parents sont les plus volontaires. La République est un voyage et un trop grand nombre de ces gamins ne souhaitent pas sortir de leur pâté de maison. Cessons de vouloir amener jusqu’à eux cette république qu’ils rejettent, faisons-les venir à elle. Ils atteignent des sommets de stupidité en bande, quand il s’agit de montrer que l’on a pas mal, qu’on n'assume pas ses échecs, que si on est dans l’échec, c’est la faute des Français, qu’il y a un complot international pour les entraver, que ce n’est jamais de leur faute, c’est la faute du vent qui s’organise pour toujours les prendre de face, un complot international des abeilles et des marguerites pour les empêcher et que donc « on emmerde la France ». Ils sont tellement fragiles quand ils sont seuls, et qu’ils peuvent exprimer leur douleur, la violence dans laquelle ils ont grandis, les frustrations qui les obsèdent. Tout doit être fait pour les isoler les uns des autres. Pour les métisser à la population française, à la République.
Pour certains, il est même urgent de les isoler de leur propre famille et de faire de la pédopsychiatrie, la baïonnette de la République face à l’insensibilité, face à la violence intérieure sans limite qui est ensemencée dans le cœur d’enfants sans défense. Ce jeune Tchétchène de 18 ans, nous amènerait à particulariser, à interroger les mœurs des tchétchènes arrivés en France depuis une dizaine d’années. Il est vrai que les immigrés tchétchènes ont, pour une part, emmenés dans leur bagage un bout de cette guerre et de la violence qui ravage leur pays. D’ailleurs, même nos Greemlins des cités s’en plaignent comme nous avons pu le constater lors des heurts à Dijon cet été. Bien loin des cités parisiennes, dans une petite ville de la profonde campagne française, j’ai vu les bandes de dealers des cités de la ville ne plus sortir de chez eux durant des mois : des tchétchènes fraîchement arrivés leur avait fait comprendre Kalach à la main, que maintenant, c'étaient eux qui tenaient la place. Nous pourrions donc extrapoler pour dire qu’il y a un problème Tchétchène et effectivement, il est normal d’interroger les traumas qui perturbent l’arrivée de certaines de ces populations. Mais je pense que ce serait un raccourci que de résumer cet acte barbare à cet aspect. Ce jeune tchétchène est arrivé en France à l’âge de 6 ans. Qu’il ait pu avoir des souvenirs de guerre, des traumatismes, cela s’entend. Mais il a passé les douze autres années de sa vie en France, assez pour se reconstruire. Il eut bien fallu que cette violence guerrière ait été perpétuée. Et c’est là que le particularisme de cet évènement s’arrête : une grande partie de nos baby terroristes, ces greemlins que l’on a abreuvé trop tôt et trop tard d’une violence mal gérée, Merah, Nemmouche, les Kouachi ont tous grandi dans un environnement familial violent, comme ce Tchétchène probablement.
Non seulement, il est urgent d’utiliser la carte scolaire pour éloigner ces enfants de leur environnement, qu’il puisse se construire une sensibilité, mais de surcroît, il s’agira de ne pas hésiter à les mettre en internat dans leur établissement pour les isoler partiellement de leur environnement familial. Lorsque vous tirer avec une arme à feu sur quelqu’un, je présume que les choses vont très vite et même s’il faut déjà une bonne dose de barbarie en soi pour mitrailler des journalistes assis et seulement armés d’un crayon, a-t-on vraiment le temps de réfléchir à ce qu’il est en train de se passer...Egorger quelqu’un de sang-froid, c’est aller en deçà de toute humanité, c’est réfléchir l’acte longuement, le visualiser, comme lorsqu’on s’apprête à commettre un rite sacrificiel. L’exécution demande de prendre son temps, de bien réciter sa prière, d’ajuster la gorge pour doucement la trancher.
Ce jeune tchétchène ne devait avoir aucune sensibilité en lui, même pas l’embryon d’une empathie quelconque. Cette insensibilité prend probablement sa source dans son environnement personnel. Ce jeune psychopathe n’a pas entretenu seul cette imagerie barbare depuis ses 6 ans. Cette violence qui germe dans le noyau familial est très difficile à repérer et à endiguer et il serait démagogique de penser que nous pourrons l’éradiquer totalement. Il faut donc la dénoncer auprès de ces enfants, auprès de ces femmes. Il faut tout faire pour qu’ils n’acceptent plus de vivre dans cette violence, de la subir et de la taire. Et pour cela, il faut leur permettre de faire l’expérience d’environnements plus sécurisants, plus sensible et plus respectueux de leurs droits d’enfants. Dans cette perspective, pour pousser les familles à elle-même se métisser socialement avec la république, il faut provoquer un roulement dans les populations qui bénéficient des HLM. Il faudrait inventer un accompagnement pour les bénéficiaires de logement HLM afin qu’ils profitent de ce bas loyer pour se former, évoluer professionnellement, pour pouvoir louer dans le privé, voire devenir propriétaire, avec pourquoi pas un accompagnement dans l’accession à la propriété. Les banlieues ne doivent plus être un lieu de vie pérenne. Elles doivent devenir des endroits de passage pour permettre à des familles d’évoluer socialement. Aujourd’hui, ces logements à loyers modérés voient plusieurs générations d’une même famille occuper la même barre d’immeuble et s’enfermer entre eux et dans leurs limites. Les modalités seront à définir, mais il faut que les logements HLM ne soient attribués que pour une durée de temps limité, bien sûr selon les contextes et la situation familiale et avec les exceptions évidentes comme les personnes âgées, les mères ou pères célibataires, les personnes en situation de handicap.
Enfin, j’inviterais nos dirigeants à réfléchir à deux mesures concomitantes qui, d’après le gamin de banlieues que je serais toujours un peu au fond de moi, sont inévitables : permettre aux jeunes de 15 ans de travailler, bien sûr dans un certain cadre qui les protège, et d'encadrer ou légaliser le cannabis. Une des limites intellectuelles qui séparent l’enseignant des fantasmes de nombre de ces élèves de banlieues, c’est Scarface, Tony Montana , Power, money, respect…C’est le gangsta rap sauce Nation de l’Islam à la Malcom X, à la Elijah Muhammad, à la Mohamed Ali...C’est une fantasmagorie à l’américaine qui n’a rien avoir avec leur pays d’origine, avec leurs parents qui souvent ne se reconnaissent pas dans leurs délires rigoristes. Il faut anéantir cette fantasmagorie. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, ni en Angleterre, la seule communauté en France est la communauté nationale. Le chemin qui mène nombre de ces gamins à s’imaginer comme des représentants de leur communauté ethnique, religieuse ou même départementale est ce modèle anglo-saxon qui délègue à la communauté le devoir de solidarité et donc d’identité. A la manière d’Al Capone, des Black Panthers et d’autres rentiers du communautarisme, nos gamins de cités ont opté pour la contrebande, le marché noir. En France, le marché noir le plus rentable et le plus accessible pour un gamin de 15 ans, c’est le shit. Et on peut vite se faire beaucoup d’argent et se rêver en Booba avec sa propre ligne de vêtement. C’est l’image dans un miroir renversant du professeur désargenté face aux gamins futurs millionnaires. Ils arrivent en classe, gardent leurs casquettes, vous regardent de travers pour vous dire bonjour et s’installent comme Tony Montana devant une liasse de billet.
La réalité est toute autre : quand il y en a un qui profitent vraiment de ce business, il y en a cent qui s’endettent pour vendre le shit qu’ils fument ou pour donner le fric à sa daronne qui en envoie une partie au bled. Demeurent la misère dans les yeux que l’enseignant distingue malgré ce bonjour agressif et ce regard menaçant. Il faut sauver le maximum d’enfant de ce fléau qu’est le deal de cannabis. C’est le préambule aux dérives terroristes de nombre des fous de l’Islam qui ont ensanglanté notre pays depuis bientôt 10 ans. Je n’insisterais pas sur ce point, mais n'y aurait-il pas des manières de légaliser qui permettrait de coincer ceux qui profite vraiment de ce trafic ?. Et qu’on ne vienne pas me dire que ces enfants passeront aux drogues dures, ceux qui affirment cela ne savent pas de quoi ils parlent. Aujourd’hui, le cannabis dans certaines cités, c’est le premier employeur. Il y a des dizaines de gamins qui bossent ensemble, qui sont bien organisés, avec une organisation hyper hiérarchisée, de vraies PME. Allez faire un tour dans les fours parisiens, restez-y assez longtemps pour voir les flics courir dans tous les sens sans attraper personne alors que les caddies remplis de produits illicites parcourent la cité de long en large. Il n’y aura jamais assez de clients, même à Paris pour écouler 100 caddies de supermarché par jour remplis de cocaïne ou d’héroïne à toutes les portes du périphérique parisien. Il n’y aura jamais autant de consommateur de drogue dure qu’il y a de consommateurs de cannabis en France.
De plus, quand vous êtes fournisseur de cocaïne ou d’héroïne, vous ne confiez pas « votre came » à n’importe qui. Un kilo de shit et un kilo de cocaïne n’auront jamais la même valeur. De là, à ce qu’en France, on voit des gamins se promener avec des kilos de cocaïne, on aura eu le temps de fermer les frontières avec l’Amérique Latine. Il faut arrêter le gangsta rap à la française qui repose sur la vente de haschich.
Pour cela, une légalisation contrôlée et intelligente ne permettrait-elle pas de concilier objectif de santé publique et la lutte contre la pédo-criminalité qui est l’une des portes d’entrée vers une radicalisation dangereuse? Dans un pays où l’on peut acheter autant que l’on souhaite des bouteilles de whisky, de vodka, de rhum, où les rayons de supermarchés de bières et de vins sont les plus renouvelés chaque jour, un pays où l’alcool est très peu réglementé alors qu’il occasionne une très grande partie des troubles et violences publics, on ferait la guerre à une drogue bien plus douce, dont l’effet le plus dangereux, la perte de génération d’enfants pour le vivre ensemble, est justement dû à sa prohibition. Il y a bien plus de risques et de nuisances pour la France et les Français à maintenir cette prohibition qu’à légaliser le cannabis. Les effets s’en feront très vite ressentir, tellement le cancer est métastasique.
Si conjointement, on autorise ces jeunes à travailler pour ne pas être maintenu jusqu’à leur 18 ans dans la misère familiale...Il y a tellement d’offres d’emploi non pourvues auxquelles ces jeunes pourraient prétendre. Ça leur remettrait les idées en place et ça pourrait même les valoriser, leur façonner une volonté, une détermination à s’en sortir. Ça leur permettrait aussi de se métisser socialement, de se rendre compte que la misère n’est pas la panacée des banlieues de France, mais qu’elle impacte une grande partie du peuple français, qui lui se bat fièrement pour s’en sortir. Jeune en galère, je n’ai pas fourgué de shit, j’ai travaillé dans le bâtiment puis dans le nettoyage industriel. Ce n’était pas certes une partie de plaisir, mais j’y appris tellement de chose, un certain relativisme, une détermination, le respect et surtout, j’y ai compris que mes problèmes étaient ceux d ‘une grande majorité de Français, pas seulement ceux du petit fils d’immigrés qui grandissait en cité. Mes fantasmes de cages d’escalier laissaient la place à la réalité. J’y suis devenu adulte. Beaucoup de ces enfants refusent de devenir adulte, ils se comportent comme des enfants gâtés à qui il faudrait tout amener sur un plateau. Le plus comique est qu’ils se pensent comme des durs, mais ne sont que des enfants gâtés au regard des difficultés bien plus grandes auxquelles sont confrontés des millions d’enfants dans le monde.
Il ne faut plus qu’ils puissent fantasmer sur le modèle gangsta Rap version Black Panthers à l’américaine sauce Nation de l’Islam. Et la seule solution pour cela est de cesser la prohibition pour tuer ce marché noir qui éloigne ces enfants du pays des lumières. Bien sûr, tout cela ne pourra fonctionner que si cela devient rentable de travailler, si se lever le matin pour aller au labeur peut laisser envisager d’autres perspectives que de simplement parvenir à payer son loyer et à remplir son réfrigérateur. La redistribution des richesses sera nécessairement le préambule à toutes solutions viables et durables. Nos élites doivent l’entendre si elle ne veut pas être, elle-même, un jour, éclaboussées par cette violence.
Il y aurait encore tellement de solutions à distiller pour endiguer cette barbarie à court, moyen et long terme. Nous, les enseignants, sommes les premiers remparts contre cette réalité et cet attentat vient le rappeler à tous, mais nous n’y parviendront pas rémunérés, équipés et considérés comme nous le sommes, et surtout, nous n’y arriverons pas seul.
Nous ne pouvons plus être ces larbins de la république, envoyé au front, esseulés, démunis et précaires, avec le socle commun de connaissance pour seule arme. Il faut une concorde nationale pour l’excellence de l’éducation en France. Non seulement cette résolution aura pour effet de réinventer le vivre ensemble et de nous permettre ainsi de nous liguer, tous ensemble, contre les vrais problèmes qui affectent nombre de nos concitoyens, mais de surcroît, cela permettrait une montée en gamme de la population active française et donc de sa production, ce qui, dans le contexte économique actuelle serait la meilleure stratégie, confère la jurisprudence LVMH, contre la production de masse contre laquelle nous ne pourrons jamais rien. Que l’État donne les moyens aux enseignants de faire dans l’orfèvrerie, qu’il leur donne les moyens de conjointement lutter contre tous les obscurantismes et d’atteindre l’excellence de l’éducation et de la formation. Il y a de la place dans ce monde pour 70 millions de personnes qui ont les Lumières à vendre au monde, l’artisanat, l’art et la culture.
Rallumons les lumières, il en va de la survie de notre modèle de société, la France, il en va de notre vivre ensemble et de la paix durable dans laquelle nous souhaitons tous vivre.
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