Lettre à Jean Castex - Et si vous changiez de registre ...
Tribune : "Il importe de ne pas faire plus de bêtises que le voisin". La devise de Wilfrid Baumgartner, Ministre du Général de Gaulle au début des années 60, concernait les Finances et les Affaires économiques dont il avait la charge.
Appliquée aujourd'hui à la crise, née du déferlement du coronavirus sur le vieux continent, elle raisonne comme un acte d'accusation terrible.
Quoi ? L'Allemagne, avec ses 83 millions d'habitants, déplore 12 511 décès de la Covid-19, et la France, avec ses 67 millions d'habitants -soit 16 millions de moins ! - en enregistre déjà 44 246 à la date du 14 novembre, soit 3,5 fois plus !
Ne parlons pas de la Corée du Sud ! Pour à peine 52 millions d'habitants, 493 décès, oui 493 décès.
Alors, Monsieur le Premier Ministre, loin de moi l'idée de vous rendre seul responsable de la situation. Des erreurs, des fautes ont été commises avant votre entrée à l'Hôtel Matignon, le 3 juillet.
Mais, non seulement vous avez accepté de revêtir les habits de Premier Ministre, mais -et vous n'y étiez pas contraint ! - vous avez choisi, par les propos que vous avez tenus, d'assumer l'héritage si j'ose dire, et jusqu'à l'élection présidentielle de 2017. Curieuse manière, du reste, de solder votre ancienne appartenance politique. Et c'est votre affaire.
En revanche, là où ça devient l'affaire de tous les Français, c'est quand un grand hebdomadaire allemand, "Die Zeit", s'en donne à coeur joie et décrit un "Absurdistan autoritaire", que ce soit pour les auto-attestations pour quitter son domicile dans un rayon d'un kilomètre, ou l'ouverture partielle des magasins, caractérisée dans les grandes surfaces par "des panneaux d'avertissement ou des gardes de sécurité devant les bottes d'hiver ou devant les étagères avec les ours en peluche, afin que les clients n'achètent rien d'interdit".
"Le bilan français est catastrophique", poursuit l'hebdomadaire allemand, pointant que c'est vis-à-vis de votre pouvoir que "la confiance de la population est la plus basse en Europe".
Vous me direz que ce sont là propos de journalistes.
Il n'empêche. Notre honneur en prend un coup. Et la réputation du "meilleur système de santé au monde" aussi. Il est vrai, à sa décharge, qu'il a été mis à mal depuis des années et des années.
L'autre soir, devant mon poste de télévision, je vous ai écouté avec attention, et il m'a semblé qu'un curieux partage des rôles était intervenu au sommet de l'Etat : à vous la charge des mauvaises nouvelles, au Président de la République celle du Père Noël nous libérant un peu dans les semaines à venir !
Si j'en crois certains médias, des complots et des comploteurs seraient à l'ouvrage.
Pour ce qui me concerne, je puis vous indiquer très tranquillement que je vous adresse les libres propos d'un Français libre, cette expression vous rappellera quelque chose.
Quand je relis les notes que j'ai prises en vous écoutant, je ne peux m'empêcher de constater que votre gouvernement joue une partition qui n'est pas contestable : celle de la peur.
Mettez vous à la place des Françaises et des Français qui entendent un Premier Ministre leur dire, au tout début de son intervention, que du fait de l'épidémie une hospitalisation intervient environ toutes les 30 secondes et une entrée en réanimation toutes les trois minutes.
Vous avez même déclaré qu'avec 4 803 personnes en réanimation, la France avait "dépassé le pic d'avril". Ce qui est faux. Faites-le vérifier par votre Cabinet : il y avait 6 845 personnes en réanimation le 12 avril.
Il est vrai que, le 28 octobre, le Chef de l'Etat n'avait pas craint d'affirmer, et il a eu d'autres approximations de ce genre : "A ce stade, nous savons que quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi totalité des capacités françaises". Or, il y avait 4 855 personnes en réanimation le 14 novembre, soit presque moitié moins que sa prévision ! S'agissait-il de nous faire avaler la pillule du deuxième confinement ?
Monsieur le Premier Ministre, que la situation soit difficile, nul n'en doute ! Et M. Macron n'y est pas étranger, lui qui avait été prévenu par M. Salomon, dès octobre 2016, que la France n'était pas en état de faire face à une pandémie.
Mais croyez-vous vraiment que c'est par de telles allégations qui sont tout sauf exactes, donc mensongères, que vous allez obtenir l'adhésion du pays ?
J'en viens ainsi à l'objet même de mon courrier.
Et là, si le Premier Ministre doute de mon propos, je suis assuré que l'ancien Maire de Prades, lui, ne saurait le désapprouver sans se désavouer lui-même.
Alors, oui, et si vous changiez de registre ?
Et si, au lieu d'attiser les peurs, vous faisiez le choix de l'appel à la responsabilité des Françaises et des Français ?
Vous êtes dans les Palais nationaux, et vous connaissez mieux que moi le poids des entourages. Celui qui vous adresse ce message appartient à "la France d'en bas", comme disait un de vos lointains prédécesseurs.
Que peut-on voir dans "la France d'en bas" ? Des Français disciplinés, qui attendent tranquillement à la porte d'une boulangerie par exemple, à distance respectable, le visage masqué. Et ils ont du mérite, alors qu'on leur disait en début d'année qu'il fallait avoir fait Saint Cyr pour être capable de mettre un masque correctement ...
Comment voulez-vous qu'ils comprennent que le libraire, le fleuriste, le cordonnier ou le coiffeur, qui a son magasin en face du boulanger, soit fermé ?
Comploteur sans doute Nicolas Sarkozy, votre ancien patron, qui exprimait sa surprise, il y a quelques jours, devant le sort réservé à la culture et notamment aux librairies !
Comploteur aussi Bernard Debré, médecin de profession, puis Ministre et Député de la nation, qui, avant de mourir, avait jugé "lamentable" la gestion de la crise !
Monsieur le Premier Ministre, plus de 40 000 de nos compatriotes ont déjà été victimes du virus et pour autant, à ce jour, on ne relève pas de grande surmortalité par rapport aux années antérieures. Mais on connaît désormais le terrain de prédilection de la Covid-19 : des personnes âgées de plus de 80 ans et/ou atteintes de pathologies graves.
Si, comme vous le dites dans "Le Monde", il faut gérer "le temps long", vous n'allez tout de même pas mettre la France sous cloche pendant tout ce "temps long" que vous évoquez. L'économie, les entreprises qui sont la clef de l'emploi et de la richesse du pays, les finances publiques, la santé des Français en seraient profondément altérées.
Vous évoquiez également, dans votre conférence de presse, une "deuxième vague épidémique extrêmement forte qui touche tout aussi durement nos voisins européens".
Il se trouve cependant que si 354 décès du coronavirus ont été recensés en France le 14 novembre, il n'en a été enregistré que 178 outre-Rhin, où ... tous les magasins sont ouverts (une seule personne pouvant être présente pour 10 mètres carrés) et où la population n'est pas soumise à cette attestation de déplacement obligatoire.
Certes, l'épidémie est là ! Certes, le virus est dangereux pour les plus fragiles !
Mais vous ne pouvez enfermer un peuple, sans graves dommages, pendant des mois et des mois.
Certes, il ne faut pas faire n'importe quoi !
Mais vous ne pouvez pas attendre l'arrivée d'un vaccin -alors que le virus ne cesse de muter- pour rendre leurs libertés aux Français. Celle de travailler, celle de se déplacer ... en respectant des dispositifs de sécurité d'autant mieux admis qu'ils seront intelligibles.
Observez ce qui s'est passé en Suède !
L'hebdomadaire allemand "Die Zeit" écrivait aussi : "Le bilan français est catastrophique. Bien que Paris ait au printemps et actuellement livré une réponse parmi les plus autoritaires contre la pandémie, le nombre de morts y est plus élevé qu'en Suède où les mesures sont des plus libérales". Ce qui tendrait à relativiser les bienfaits du confinement ...
Hélas ! c'est vrai. Si l'on rapporte les 6164 décès intervenus en Suède pour 10 millions d'habitants aux 67 millions de Français, on arrive à 41 300 décès, soit 3 000 de moins qu'en France.
Alors, Monsieur le Premier Ministre, vous êtes "en responsabilité", avez-vous dit le 12 novembre, et nul ne songe à le contester.
Mais, justement, puisque vous êtes "en responsabilité", écoutez la colère qui gronde et qui monte de "la France d'en bas", et n'écoutez pas seulement les technocrates capables de nous inventer cette distinction savante entre les produits "essentiels" et "non essentiels" !
Une colère qui gronde, pourquoi ? Parce que les commerçants, les indépendants veulent vivre de leur travail, et non d'aides qui n'empêcheront d'ailleurs pas une casse désastreuse à tous égards, économique, social, humain.
Pour beaucoup de Françaises et de Français, l'année 2020 aura été non seulement une année blanche, mais une année noire.
Il n'est pas possible que 2021 commence sous des auspices aussi sombres.
La Covid-19 n'est ni la peste, ni le choléra. Ce n'est pas 30 % de la population qui est appelée à disparaître.
Il faut savoir raison garder, faire appel au courage et à la responsabilité du peuple français, lui rendre ses libertés.
Sinon, j'en prends le pari, votre remède sera pire que le mal.
Je vous prie de coire, Monsieur le Premier Ministre, à l'expression de mes sentiments distingués.
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