Réduire le risque médicamenteux : le plan de François Pesty (partie 10)

Auteur(s)
François Pesty
Publié le 16 novembre 2023 - 18:02
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Tribune François Pesty 10
Crédits
France-Soir
France-Soir

DOSSIER - Erreurs médicamenteuses, mésusage, non-pertinence et inefficience des prescriptions, le talon d’Achille se trouve dans les logiciels métiers des professionnels de santé. Mon plan pour y remédier

Une tribune en dix épisodes, dix propositions faisant appel au numérique en santé, mon projet de Loi citoyen en dix amendements au Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale pour 2024

Dixième et dernier épisode.

Propositions n°10 

Charger l'Agence technique de l'information hospitalière de mesurer l'impact du plan national, année après année, tout au long de son déploiement.

Dixième amendement : "L’ATIH est quant à elle chargée de l’identification et de la surveillance continue des événements indésirables médicamenteux, systématiquement recherchés dans les dossiers médicaux électroniques des hôpitaux et des établissements sociaux et médico-sociaux à l’aide d’un Data mining (fouille informatique) selon des algorithmes prédéfinis. La méthode a été mise au point aux Etats-Unis par la recherche académique depuis plus de vingt ans, puis lors de la campagne Partnership for patients entre 2010 et 2017 (et même 2019). En s’inspirant de la même méthodologie, l’ATIH dénombrera les événements indésirables médicamenteux, les décès liés dans au moins cinq classes de médicaments (digoxine, hypoglycémiants, héparine sodique, héparines de bas poids moléculaire et nouveaux anticoagulants oraux, antivitamines K), et estimera au regard des résultats de santé les dépenses générées pour l’Assurance maladie). L’année 2023 servira de base de référence. L’ATIH mesurera les progrès réalisés dans la lutte contre l’erreur médicamenteuse, le mésusage des médicaments, en délivrant chaque année un rapport rendu public."

L'article L. 161-38 du Code de la Sécurité sociale (ici) est également modifié de la manière suivante :

11° Après le IIc, est introduit un IId dans lequel les mots suivants sont insérés : "IId. L’ATIH est quant à elle chargée de l’identification et de la surveillance continue des événements indésirables médicamenteux, systématiquement recherchés dans les dossiers médicaux électroniques des hôpitaux et des établissements sociaux et médico-sociaux à l’aide d’un Data mining (fouille informatique) selon des algorithmes prédéfinis. La méthode a été mise au point aux USA par la recherche académique depuis plus de vingt ans et notamment mise en œuvre lors de la campagne Partnership for patients entre 2010 et 2017 (et même 2019). En s’inspirant de la même méthodologie, l’ATIH dénombrera les événements indésirables médicamenteux, les décès liés, dans au moins cinq classes de médicaments (digoxine, hypoglycémiants, héparine sodique, héparines de bas poids moléculaire et nouveaux anticoagulants oraux, antivitamines K) et estimera au regard des résultats de santé les dépenses générées pour l’Assurance maladie). L’année 2023 servira de base de référence. L’ATIH mesurera les progrès réalisés dans la lutte contre l’erreur médicamenteuse, le mésusage des médicaments, en délivrant chaque année un rapport."

Exposé sommaire :

La mise en place de mesures et de propositions d’actions visant à réduire drastiquement les erreurs médicamenteuses, le mésusage des médicaments, et à améliorer la pertinence et l’efficience de la prescription médicamenteuse, est potentiellement porteuse d’enjeux considérables tant pour la prévention des événements indésirables médicamenteux que pour les dépenses qui y sont liées. Il est donc capital de pouvoir mesurer les impacts d’un tel plan national pendant les années de son déploiement. Le travail réalisé dans ce domaine par Medicare, assurance maladie aux USA, et l’AHRQ, équivalente à la HAS en France doit être une source d’inspiration pour la France.

Grâce à cette technologie du Data mining, les progrès très substantiels aux USA dans la lutte contre l’erreur médicamenteuse ont pu être objectivés dans les années 2010 à 2017, et même jusqu’en 2019.

Un article publié en octobre 2016 dans la revue Journal of Patient Safety, intitulé "Measuring Patient Safety : The Medicare Patient Safety Monitoring System (Past, Present, and Future)" montre le chemin parcouru outre-Atlantique (ici)

En témoignent les rapports définitifs de l’AHRQ et de Medicare (voir les liens de téléchargement mentionnés pour les propositions n°1 et n°8).

Ces publications institutionnelles ont été relayées plus récemment par des articles publiés dans des grandes revues médicales :

Trends in Adverse Event Rates in Hospitalized Patients, 2010-2019, Eldridge N, Wang Y, et al. JAMA. 2022 Jul 12 ; 328(2) :173-183 (ici).

Cette étude menée entre 2010 et 2019, à partir des données du Medicare Patient Safety Monitoring System révèle la méthodologie employée pour estimer les résultats obtenus lors de la campagne américaine Partnership for Patients : l’étude a inclus 242 542 patients adultes hospitalisés dans 3 156 hôpitaux de soins aigus aux USA, dans quatre pathologies graves, infarctus du myocarde (17 %), insuffisance cardiaque (17 %), pneumonie (21 %) et procédure chirurgicale majeure (22 %) ainsi que les patients hospitalisés entre 2012 et 2019 pour toutes les autres affections. Vingt-et-une situations d’événements indésirables nosocomiaux ont été documentées à partir des informations extraites des dossiers médicaux informatisés à l’aide d’algorithmes prédéfinis, parmi les domaines suivants : événements indésirables médicamenteux (cinq classes de médicaments signalées plus haut), infections nosocomiales, événements indésirables après une procédure, événements indésirables généraux (ulcères de stress et chutes graves). Description des algorithmes prédéfinis utilisés (ici).


Par exemple, pour caractériser un événement indésirable nosocomial survenu après la prise d’un hypoglycémiant oral (page 14). Le patient devait avoir reçu au moins une dose d’insuline ou d’hypoglycémiant oral, ou les deux, pendant son séjour hospitalier. Un test d’analyse biologique devait avoir documenté une hypoglycémie sévère (≤700 mg/l et > 500 mg/l) ou très sévère (< 500 mg/l). Si c’était le cas, un ou plusieurs évènements parmi une liste de 18 items devait s’être produit le jour de la mesure de la glycémie : perfusion d’un soluté glucosé concentré (50 g/l aux USA) ; administration de glucagon ; administration de jus de fruits et/ou de sucre ; décès ; confusion ; somnolence ; faiblesse ; tremblements ; tachycardie ; irritabilité ; convulsion ; AVC* ; AIT** ; infarctus du myocarde ; coma, perte de conscience…

(*) AVC = Accident vasculaire cérébral

(**) AIT = Accident ischémique transitoire

Les nombres d’événements indésirables pour 1 000 sorties d’hospitalisation ont été réduits de moitié dans les 4 groupes à risque entre 2010 et 2019, période au cours de laquelle l’intégration d’un module d’aide à la conciliation médicamenteuse (proposition n°1) dans les logiciels métiers et l’administration des médicaments assistée par la lecture code-barres (proposition n°8) ont été déployés aux USA… 

Improvements in Hospital Adverse Event Rates - Achieving Statistically Significant and Clinically Meaningful Results. Editorial. William V. Padula, PhD ; Peter J. Pronovost,MD, PhD. JAMA July 12, 2022 Volume 328, number 2 (ici)

National trends in patient safety for four common conditions, 2005-2011. Yun Wang, Noel Eldridge et al. NEJM 2014 Jan 23 ;370(4) : 341-51 (ici) + suppl (ici)

 

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